Pour une écologie des affects.

Entretien
Performance
Théâtre

Pour une écologie des affects.

Entretien avec Tania Alice

Le 3 Sep 2021
Ensine-me a fazer arte, Tania Alice avec la participation de Rodrigo Maia, Festival de São José dos Campos, 2018. Photo : Melissa Rahnal
Ensine-me a fazer arte, Tania Alice avec la participation de Rodrigo Maia, Festival de São José dos Campos, 2018. Photo : Melissa Rahnal

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Ensine-me a fazer arte, Tania Alice avec la participation de Rodrigo Maia, Festival de São José dos Campos, 2018. Photo : Melissa Rahnal
Ensine-me a fazer arte, Tania Alice avec la participation de Rodrigo Maia, Festival de São José dos Campos, 2018. Photo : Melissa Rahnal
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 143 - Scènes du Brésil
143

En tant qu’artiste-chercheuse engagée dans la pra­tique, la recherche et l’enseignement des arts du spec­ta­cle et, en par­ti­c­uli­er, de la per­for­mance, tu développes, à l’Université Fédérale de l’État de Rio de Janeiro (UNIRIO) des recherch­es avec le Col­lec­tif « Per­form­ers sans Fron­tières » qui pos­sède une ram­i­fi­ca­tion en France et peut-être, bien­tôt, en Bel­gique. À tra­vers ce dernier, il s’agit de men­er des actions artis­tiques dans des zones de trau­ma. Com­ment est née cette approche artis­tique spé­ci­fique ?

Dans nos par­cours d’artistes-chercheur.se.s, il y a tou­jours des moments-clés. Pour moi, l’un de ces moments s’est pro­duit lors d’un pro­jet que j’ai débuté en 2015 et qui s’intitulait The Bed Project. J’ai réal­isé ce pro­jet pen­dant plusieurs années con­séc­u­tives, dans plusieurs pays du monde, notam­ment en France, au Togo, en Bel­gique… Il con­sis­tait à installer mon lit dans des espaces publics pour inviter les pas­sants à m’y rejoin­dre. Nous fai­sions alors ensem­ble des vidéos qui par­laient de leurs loge­ments, leurs quartiers, etc. Un jour, alors que je m’apprêtais à com­mencer les ren­con­tres dans une com­mu­nauté de Los Ange­les1, j’ai vu qu’il y avait une énorme queue de per­son­nes qui attendaient impatiem­ment leur moment d’entrer dans le lit. Au fil des dia­logues, j’ai com­pris ce qui s’était passé : le leader de la com­mu­nauté avait expliqué aux habi­tants qu’il y aurait des séances de thérapie au lit avec une artiste pour ceux qui ne voulaient pas se ren­dre chez un.e psy­cho­logue. Il n’avait pas util­isé d’expression comme « per­for­mance » ou « pro­jet par­tic­i­patif » pour expli­quer ce qui allait se pass­er mais des mots qui fai­saient sens pour les habi­tants. Cela a con­fir­mé ce que j’avais déjà sen­ti dans les années 2000 quand j’avais décidé de quit­ter les salles de théâtre et d’exposition pour tra­vailler avant tout dans la rue, en pro­posant des per­for­mances rela­tion­nelles et des pro­jets par­tic­i­pat­ifs : quand je vais à la ren­con­tre de per­son­nes, ce qui est intéres­sant, c’est de leur pro­pos­er quelque chose qui fait sens pour elles, plutôt que de pro­jeter ce que je pense qui devrait faire sens pour elles. Pour savoir cela, il faut pren­dre du temps, écouter, être dans la rue, dans les quartiers. En fonc­tion de cette expéri­ence, j’ai décidé de m’outiller en suiv­ant une for­ma­tion de trois ans en tant que thérapeute du trau­ma (Somat­ic Expe­ri­enc­ing ®), et d’autres en Yoga du Rire, Access Bar, Com­mu­ni­ca­tion Non Vio­lente, mas­sothérapie… Ces divers­es for­ma­tions m’ont fait décou­vrir des out­ils que je peux utilis­er pen­dant mes per­for­mances. Qu’il s’agisse de col­lecter des rires à domi­cile dans un quarti­er défa­vorisé de Mar­seille2, de pro­pos­er des dans­es à domi­cile pour créer du lien entre les voisins3, de col­lecter des câlins de 15 min­utes au Brésil pour les apporter ensuite per­son­nelle­ment aux vic­times des trem­ble­ments de terre au Népal4, de réin­ve­stir affec­tive­ment les rues de Brux­elles avec des câlins après les atten­tats5, de col­lecter les plus belles his­toires d’amour d’une ville pour les restituer aux habi­tants6 ou de faire des per­for­mances des­tinées aux ani­maux7, je mélange les out­ils artis­tiques et thérapeu­tiques pour dévelop­per une thérapeu­tique sociale, une sculp­ture sociale, comme dit Beuys, dans la per­spec­tive des arts du Care, de pren­dre soin de. Le pro­jet de recherche que je développe à l’Université con­siste, entre autres, à sys­té­ma­tis­er les approches pos­si­bles pour ce type de pro­jets et les ren­dre acces­si­bles à d’autres. Mon dernier livre Manuel pour per­form­ers et non per­form­ers – 21 actions artis­tiques pour pro­duire du bon­heur, pub­lié au Brésil en novem­bre 2020 et en cours de tra­duc­tion pour le français, pro­pose 21 pro­grammes per­for­mat­ifs que j’ai déjà réal­isés, avec toutes les instruc­tions, et qui peu­vent être repro­duits sans droits d’auteur par des artistes, enseignants, acteurs soci­aux, activistes… Ce sont des pro­jets qui ont pour objec­tif de provo­quer l’imaginaire par des expéri­ences pos­i­tives, créa­tives et surtout, de créer du lien.

À la dif­férence de cer­tains artistes de la per­for­mance qui dévelop­pent des actions vio­lentes pour per­turber et ain­si éveiller les spec­ta­teurs, tu con­sid­ères qu’il y a une véri­ta­ble visée poli­tique dans la per­for­mance rela­tion­nelle telle que tu la développes.

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Karolina Svobodova
Karolina Svobodova est chercheuse postdoctorale à l’Université libre de Bruxelles. Après avoir réalisé une thèse...Plus d'info
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