L’opéra est considéré comme un art coûteux dont la forme excède tout autre genre scénique. Réalité justifiée par le nombre d’artistes en scène, la mobilisation de solistes et de chef·fes d’orchestres internationaux, aussi bien que par la taille des salles et des plateaux qui accueillent les spectacles. Art monumental, l’opéra se déploie sur une durée peu souvent égalée par le théâtre. Un opéra de Verdi d’un peu plus de deux heures mobilise une soixantaine de musiciens et une quarantaine de choristes, un opéra de Wagner de quatre heures comme Parsifal ou Siegfried aura besoin d’un orchestre de quatre-vingts à quatre-vingt-dix musiciens (cent-sept à la création de Parsifal en 1882), tout autant de choristes (cent-vingt-trois à sa création) et pas moins de vingt-trois solistes. Les mises en scènes dont la partie visible est incarnée par les décors et les costumes ne sont pas en reste. Qu’en est-il de la lumière, est-elle aussi conséquente et dispendieuse ?
De l’hypothèse à la réalité
La lumière d’un spectacle d’opéra n’échappe pas à la règle de toute forme scénique, elle est relative aux orientations esthétiques de la production. Néanmoins, deux facteurs particuliers entrent en ligne de compte. D’une part, la nécessité d’une bonne visibilité entre les chanteurs et le·la chef·fe d’orchestre qui impose un éclairage proche du plein feu et, d’autre part, la taille de la salle et du plateau. Cette dernière donne rejoint la question de la visibilité pour le public qui peut être éloigné de trente à quarante mètres du plateau comme à l’Opéra Bastille dont la salle peut accueillir 2700 personnes. La quantité et l’intensité de la lumière doivent garantir une bonne perception de la scène au spectateur le plus éloigné. Quant au plateau, sa taille est à prendre en compte : celui de Bastille constitue une superficie de 750 m², le plateau de la Salle Favart de l’Opéra Comique est de 210 m². Le tout ramené à la durée d’une représentation, la question de la consommation électrique d’un spectacle d’opéra se pose.
Notons d’abord qu’actuellement, en 2021, le bilan carbone de l’éclairage scénique est difficile à évaluer scientifiquement1 car il n’est pas imposé. Le calcul du bilan carbone, ou émission de gaz à effet de serre, ne se fait pas uniquement sur la base des kilowatts-heures (kWh : dépense énergétique en kilowatts ramenée à l’heure), mais devrait inclure les dépenses occasionnées par la fabrication des projecteurs, ce que ne renseignent pas les fabricants. En outre, la facture énergétique d’un éclairage scénique d’opéra pourrait être nuancée en ramenant son bilan carbone au spectateur à l’image de la SNCF qui rapporte le calcul du bilan carbone d’un trajet par voyageur.
Quoiqu’il en soit, la réalité s’avère nuancée par rapport à l’imaginaire du coût énergétique d’un plan feux d’opéra, ce que démontrent des exemples concrets. Ainsi, la fiche technique de la création d’Atys, opéra de Lully dirigé par William Christie et mis en scène par Jean-Marie Villégier en 2011 Salle Favart, fait état de 151 projecteurs traditionnels de divers types dont la puissance totale s’élève à 195 kWh. Le créateur lumière Patrick Méeüs, qui travaille depuis les années 1980 pour des créations à l’international, avait utilisé un matériel d’éclairage courant dans les théâtres (PC, basses tensions, découpes, etc.), équipé de lampes halogènes et de lampes à décharge. En admettant théoriquement et de manière quelque peu simpliste que les 151 sources taxées d’être énergivore soient allumées en plein feux durant la représentation, la consommation électrique correspondrait à 195 kWh soit l’équivalent de 16,4 ampoules à basse consommation durant un an (sur la base d’une ampoule domestique économique d’une puissance de 12 W qui consomme 12 kWh par an en usage moyen).