Agnès Limbos : écrire pour et avec l’objet

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Agnès Limbos : écrire pour et avec l’objet

Le 10 Fév 2023
Ressacs, de et par Agnès Limbos et Gregory Houben, création 2015 à Bruxelles. Photo Alice Piemme.
Ressacs, de et par Agnès Limbos et Gregory Houben, création 2015 à Bruxelles. Photo Alice Piemme.
Ressacs, de et par Agnès Limbos et Gregory Houben, création 2015 à Bruxelles. Photo Alice Piemme.
Ressacs, de et par Agnès Limbos et Gregory Houben, création 2015 à Bruxelles. Photo Alice Piemme.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 148 - Arts vivants. Cirque marionnette espace public - Alternatives Théâtrales
148

Tan­dis qu’un auteur de texte choisit atten­tive­ment cha­cun de ses mots, soupèse les uns par rap­port aux autres, inter­roge leur sonorité et les pos­si­bil­ités inter­pré­ta­tives qu’ils offrent, dans le théâtre d’objets ce sont les objets eux-mêmes qui sont exam­inés et testés minu­tieuse­ment dans le cadre du réc­it à racon­ter. En effet, lors du tra­vail sur le plateau, les gestes rem­pla­cent pro­gres­sive­ment les mots, devenus redon­dants : « Il faut trou­ver l’objet qui résonne. Au lieu de dire : « Elle habitait dans un petit chalet en haut de la mon­tagne », on met un chalet et c’est fait »1, explique Agnès Lim­bos à pro­pos de sa gram­maire objectuelle.

Son écri­t­ure est donc d’abord une écri­t­ure de plateau : à par­tir des objets et des phras­es impro­visées, une dra­maturgie se des­sine. Elle se développe en par­al­lèle dans les cahiers que l’artiste rem­plit, les notes de recherche et les retran­scrip­tions des impro­vi­sa­tions. Une fois la matière accu­mulée, un tra­vail d’écriture à table développe la dra­maturgie amor­cée sur le plateau. Au bout du proces­sus créatif, un texte est pro­duit : la con­duite du spec­ta­cle. Doc­u­ment interne, doc­u­ment de tra­vail où sont con­signées toutes les actions et toutes les phras­es… quels sont le statut et le poten­tiel devenir d’un tel texte ? Pour­rait-il enrichir le réper­toire du théâtre d’objets, d’acteurs et de mar­i­on­nettes con­tem­po­rain ? 

La con­duite, texte de théâtre ? 

« Agnès avec per­ruque et man­teau de four­rure est assise à la table d’objet (la table-objet est une table en formi­ca, une table de cui­sine), elle attend le début de spec­ta­cle. Yan est assis à jardin, sur le côté, sur le tabouret adossé au mur. Agnès encoche le cas­set­to­phone, se lève avec son sac et rapi­de­ment sort, un temps d’arrêt, et puis ren­tre d’où elle est sor­tie, per­due, hagarde, elle déam­bule, d’abord direc­tion cour avec des arrêts sus­pendus puis revient tou­jours der­rière la bas­sine, revenant direc­tion à jardin, des regards. Elle a des regards vers Yan de temps en temps, avance trois pas. La voix (qui est une voix qui sort du cas­set­to­phone qui dit s’il vous plaît… » (Con­duite des pre­mières étapes de tra­vail de Il n’y a rien dans ma vie qui mon­tre que je suis moche intérieure­ment, avec Yan­nick Renier et Christophe Ser­met)

Alors qu’Agnès Lim­bos con­sid­ère que ce texte « ne va rien dire aux gens », il faut le rap­procher des scé­nar­ios édités lesquels, par les dia­logues, les descrip­tions des décors et des mou­ve­ments de caméra, invi­tent les lecteurs à « faire le film dans leur tête ». Le rap­proche­ment avec le ciné­ma n’est pas anodin : de fait, c’est bien au lan­gage ciné­matographique qu’Agnès Lim­bos a recours pour faire – et donc aus­si pour témoign­er de – son théâtre : « Moi je dis tou­jours le théâtre d’objets c’est une écri­t­ure ciné­matographique : on fait des séquences, on tra­vaille sur des sto­ry­boards, on crée des images… » 

Dans le cas des textes écrits en lien avec le plateau, on peut se deman­der com­ment ils pour­raient réson­ner indépen­dam­ment des images scéniques : sont-ils assez forts, assez intéres­sants, assez ouverts pour sus­citer d’autres inter­pré­ta­tions et adap­ta­tions ? Et si la pub­li­ca­tion devait avoir lieu, sous quelles formes ces textes pour­raient-ils être édités ? 

À ces ques­tions, citons, pour ouvrir la réflex­ion, la réponse apportée par le fon­da­teur
et directeur des édi­tions Lans­man (mai­son d’édition spé­cial­isée dans les textes dra­ma-tiques2) à Agnès Lim­bos qui lui demandait pourquoi il ne lui avait jamais pro­posé de pub­li­er un de ses textes : « Il y a beau­coup trop de silences. Il y a beau­coup trop de pages blanch­es, avec toi ce n’est pas pos­si­ble. »

  1. Toutes les cita­tions sont extraites d’un entre­tien avec Agnès Lim­bos, réal­isé par Karoli­na Svo­bodo­va, le 28.04.2021. ↩︎
  2. http://www.lansman.be/editions/index.php ↩︎
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Karolina Svobodova
Karolina Svobodova est chercheuse postdoctorale à l’Université libre de Bruxelles. Après avoir réalisé une thèse...Plus d'info
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