Le chemin de la mémoire oubliée

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Le chemin de la mémoire oubliée

Le 9 Avr 1985
Article publié pour le numéro
Le butô et ses fantômes-Couverture du Numéro 22-23 d'Alternatives ThéâtralesLe butô et ses fantômes-Couverture du Numéro 22-23 d'Alternatives Théâtrales
22 – 23
Article fraîchement numérisée
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Le mythe pri­mor­dial du Japon com­por­tait le néant en son cen­tre1. Il n’y eut plus alors qu’om­bre et chaos, et choses et gens faisant, dans cette con­fu­sion, de leur mieux pour restau­r­er la lumière du jour.

(…) À mi-par­cours de ce dernier quart du siè­cle, il sem­ble que nous ayons été sevrés (à nou­veau) des sig­ni­fi­ca­tions indi­vidu­elles et/ou col­lec­tives cen­sées venir occu­per, telle une chair habil­lant le squelette, les espaces inter­sti­tiels du mythe-struc­ture. (…) Les humains n’ont plus de chair:à la place, ils n’ont que des corps, trop embar­rassés et emprun­tés en eux-mêmes pour servir à la nar­ra­tion du mythe. La fête ne peut être vraie que si cette gène est tran­scendée, si la sépa­ra­tion entre les corps est comblée par la fonc­tion de l’âme : le cou­ple chair/esprit enfer­mé dans le sac de peau de l’in­di­vidu sait, con­sciem­ment et sci­en­tifique­ment, qu’il est né quelque part — et pour­tant il ne sait pas com­ment y retourn­er. Le gène humain attend, rêvant à la stim­u­la­tion qui lui don­nera accès à la mémoire oubliée de notre voy­age au fil des siè­cles. Car le mythe du futur est d’ores et déjà écrit : le man­u­scrit est là, tout proche, au cœur de notre mémoire oubliée et intem­porelle. Qui le lira, ou nous aidera à le lire ? Si le médi­um est le mes­sage et si la fonc­tion crée l’or­gane, il s’en­suit que les pro­tag­o­nistes du mythe sont en même temps ses instru­ments de lec­ture. Tana­ka Min est de ceux-là, parce qu’il est un danseur et que, danseur, il a atteint à l’anony­mat — même s’il nous faut encore l’ap­pel­er par un nom pour les besoins de cet arti­cle. Le pro­tag­o­niste anonyme est un con­cept para­dox­al mais, comme tous les para­dox­es, il est vrai aus­si. Et quand l’âme — ce lien frag­ile mais per­sis­tant qui nous relie à notre mémoire oubliée — est stim­ulée dans l’e­space et le temps invo­qués par le danseur, nous pou­vons nous en réjouir, et cette fête à son tour fera se man­i­fester claire­ment à nos yeux le mythe du futur.

Traduit de l’anglais par Daniel De Bruy­ck­er

  1. Koba­ta Kazue fait allu­sion à l’épisode de la mytholo­gie japon­aise où Amat­era­su-omika­mi, la déesse du Soleil, s’é­tait retirée au fond d’une cav­erne du ciel après avoir été offen­sée par un autre dieu. Ce n’est qu’en exé­cu­tant devant Sa cav­erne une danse comi­co-éro­tique —pro­to­type des spec­ta­cles sacrés et arché­type de la féte au Japon — qu’une autre déesse, exci­tant sa curiosité, parvint à l’en faire sor­tir. (Voir aus­si l’in­ter­view de Suzu­ki Tadashi et celle de Don Ken­ny). (n.d.t) ↩︎
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Kobata Kazue
Kobata Kazue, critique, photographe et traductrice entré autres activités, dirige actuellement Plan B, une cellule...Plus d'info
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