Des histoires de famille

Des histoires de famille

Entretien avec Bruno Boëglin

Le 5 Sep 1995
Max Tidof, Corinna Kirchhoff, Roberto Zucco, mise en scène Peter Stein, Schaubühne am Lehiner Platz, Berlin avril 1990
Max Tidof, Corinna Kirchhoff, Roberto Zucco, mise en scène Peter Stein, Schaubühne am Lehiner Platz, Berlin avril 1990

A

rticle réservé aux abonné.es
Max Tidof, Corinna Kirchhoff, Roberto Zucco, mise en scène Peter Stein, Schaubühne am Lehiner Platz, Berlin avril 1990
Max Tidof, Corinna Kirchhoff, Roberto Zucco, mise en scène Peter Stein, Schaubühne am Lehiner Platz, Berlin avril 1990
Article publié pour le numéro
Article fraîchement numérisée
Cet article rejoint tout juste nos archives. Notre équipe le relit actuellement pour vous offrir la même qualité que nos éditions papier. Pour soutenir ce travail minitieux, offrez-nous un café ☕

ROBERTO ZUCCO sera créé en France dans une mise en scène de Bruno Boëglin au Théâtre Nation­al Pop­u­laire de Villeur­banne en novem­bre 1991. Bruno Boëglin a été un des pre­miers met­teurs en scène de Koltès : c’est lui qui mon­ta, en mai 1978, SALINGER au Théâtre de l’El­do­ra­do à Lyon. La pièce résul­tait d’une com­mande passée à l’au­teur. Cet entre­tien a été réal­isé deux mois avant la mise en répéti­tion de ROBERTO ZUCCO. 

Anne-Françoise Ben­hamou : ROBERTO ZUCCO sera la deux­ième pièce de Koltès que vous mon­tez, puisque vous avez mis en scène SALINGER en 1977. Com­ment aviez-vous été amené à faire appel à lui, dont aue­un texte n’é­tait pub­lié à l’époque ?

Bruno Boëglin : Ce sont Alain Mara­trat, Josiane Stoléru, et Lise Dambrin, avec qui je tra­vail­lais, qui m’ont les pre­miers par­lé de Koltès, comme d’un ami qui avait écrit un très beau roman. LA FUITE À CHEVAL TRÈS LOIN DANS LA VILLE1. Ils me l’ont fait lire. Puis nous avons été présen­tés. Bernard venait de finir l’é­cole du T. N. S.. Il était com­plète­ment fauché. Nous lui avons passé une com­mande d’au­teur (en 1977, ce n’é­tait pas une démarche courante, ni encour­agée par le Min­istère comme aujour­d’hui…). Je lui ai pro­posé de suiv­re un tra­vail d’ac­teurs que nous allions faire sur un romanci­er que j’adore, J. D. Salinger, puis de nous écrire un texte à par­tir de là, sur ce qu’il aurait vu ou sur autre chose, sur ce qu’il voulait : en lui don­nant carte blanche. Il est donc resté avec nous trois mois, à l’is­sue desquels nous avons créé un pre­mier spec­ta­cle, LECTURES AMÉRICAINES, IMPRESSIONS D’ACTEURS. Il regar­dait, sans rien dire. Puis il s’est retiré et nous a rap­porté SALINGER, inspiré, très libre­ment, par l’ensem­ble de l’œu­vre. C’est une pièce à huit per­son­nages, qui racon­te l’his­toire d’une famille améri­caine, mais que Bernard a trans­posée. Quand je pense aujour­d’hui à la manière dont j’ai mon­té ce texte, je suis épou­van­té ! J’avais fait des coupures (il y a beau­coup de longs mono­logues), ce que Bernard avait admis, mais j’ai aus­si ajouté un per­son­nage avec du texte, ce qui l’avait mis en fureur…

A. ‑F. B. : ZUCCO et SALINGER sont deux pièces très dif­férentes, séparées par treize ans et par l’écri­t­ure d’une œuvre majeure. Quelle con­ti­nu­ité percevez-vous ?

B. B. : Ce qui est extra­or­di­naire­ment frap­pant, c’est la per­ma­nence du thème de la famille dans l’œu­vre de Koltès. Bien sûr, dans ROBERTO ZUCCO, il y a le fait divers, mais c’est aus­si une pièce sur la famille. Curieuse­ment, per­son­ne n’en par­le. C’est l’his­toire de deux familles, celle de Zuc­co, qui est décimée dès le deux­ième tableau, et celle de la Gamine — le père, la mère, le frère, la sœur. Il faudrait sans doute ajouter une troisième famille, celle de la dame du square et de son fils — avec une évo­ca­tion caus­tique par la dame de son mari. Cet intérêt pour l’u­nivers famil­ial explique peut-être la prédilec­tion de Koltès pour les auteurs russ­es. Dos­toïevs­ki, Gor­ki.

A. ‑F. B. : Com­ment ce thème a‑t-il évolué ?

B. B. : Mal­gré la grav­ité de Zuc­co, on sent une dis­tance, un humour, qui lui per­met d’écrire plus rad­i­cale­ment encore. Dans SALINGER, on voit un fils cass­er la gueule à son père, déchir­er les rideaux, saccager l’ap­parte­ment. Alors que dans Zuc­co, on ne voit même plus le père, puisque Bernard a inver­sé les don­nées du fait divers : le vrai Suc­co a tué son père après sa mère (et parce qu’il avait tué sa mère), tan­dis que la pièce com­mence par la ren­con­tre de Zuc­co et de sa mère, après le meurtre du père.

Les par­ents pren­nent beau­coup plus de place dans SALINGER que dans Zuc­co. Ils ont des mono­logues, des scènes entières. Dans Zuc­co, leurs rôles sont très réduits. Ce qui n’empêche pas que le père et la mère de la Gamine soient des per­son­nages fab­uleux — que j’aimerais jouer si j’en avais l’âge… Mais tan­dis que chez le Koltès de vingt-cinq ans, les par­ents envahissent la scène, lorsqu’il écrit Zuc­co, à quar­ante ans, ils ne font plus que pass­er, plus ou moins alcooliques… 

A

rticle réservé aux abonné.es
Envie de poursuivre la lecture?

Les articles d’Alternatives Théâtrales en intégralité à partir de 5 € par mois. Abonnez-vous pour soutenir notre exigence et notre engagement.

S'abonner
Déjà abonné.e ?
Identifiez-vous pour accéder aux articles en intégralité.
Se connecter
Accès découverte. Accès à tout le site pendant 24 heures
Essayez 24h
1
Partager
Anne-Françoise Benhamou
Anne-Françoise Benhamou est professeure en Études théâtrales à l’ENS-PSL et dramaturge.Plus d'info
Partagez vos réflexions...
La rédaction vous propose
Mon panier
0
Ajouter un code promo
Sous-total

 
Artistes
Institutions

Bonjour

Vous n'avez pas de compte?
Découvrez nos
formules d'abonnements