Découvrir des metteurs en scène
D’ABORD, être à l’écoute. Il y a tout un réseau européen d’information. Nous avons la chance, ici, au bureau parisien du festival d’Avignon, d’être les voisins de l’Onda (Office national de diffusion artistique). Sur les quelques 1300 spectacles professionnels qui sortent chaque année, personne n’a la possibilité d’avoir une vision globale, sinon leur équipe, autour de Philippe Thiry. Mais il faut souligner qu’aujourd’hui aucun metteur en scène important ne peut passer inaperçu : il y a tellement de postes d’observation de la vie théâtrale, encore la presse, les inspecteurs, les réseaux professionnels, qu’il est difficile que quelqu’un échappe, même si cela doit prendre un certain temps. Donc, je suis à l’écoute, de mes amis, des bons connaisseurs du théâtre. C’est par Jean-Jacques Lerrant ou Michel Bataillon que j’ai eu l’attention attirée sur Chantal Morel, sur Znorko. Bruno Meyssac a fait au festival d’Avignon sa première « sortie » hors de sa région grenobloise.
J’écoute aussi l’insistance d’une rumeur, par exemple sur le Radeau et François Tanguy : on finit par aller voir. Et c’est la même chose hors frontières : je suis allé souvent en URSS, voir les grandes machines officielles, et puis des amis, là-bas, nous ont entraînés dans les « studios », dans toute une effervescence sur laquelle nous avons bâti notre programmation soviétique de 87.
Il y a des découvreurs : c’est Peter Brook qui m’a parlé d’un génial théâtre de Commedia dell’arte en Ouzbekistan, qui n’est même pas catalogué dans les répertoires culturels de l’URSS. Nous y sommes allés, nous sommes allés en Iran, et maintenant on verra ces spectacles en France, même si ce n’est pas automatiquement à Avignon.
J’ai des « informateurs » en Italie (un agent, un grand critique), en Espagne. Toute l’information passe par des amitiés, des rencontres : il suffit de penser à la façon dont Ninon Talon a découvert Bob Wilson – puisque vous allez aux USA, poussez donc jusqu’au Texas… Il y a là-bas un jeune plasticien… Ça a donné LE REGARD DU SOURD, au festival de Nancy puis à Paris. On va à la pêche, donc, mais ni systématiquement ni à l’aveuglette. Notre travail reste aux dimensions interpersonnelles, et je ne vois pas comment le théâtre pourrait fonctionner autrement. On travaille à l’intuition. Et il suffit d’avoir les yeux ouverts : quand j’ai vu pour la première fois la parade des futurs Zingaro, en « off » à Avignon, j’ai tout de suite senti qu’il y avait là quelque chose de fort, des gens avec qui j’avais envie de travailler.