Avant-Propos, Groupov
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Avant-Propos, Groupov

Le 19 Juil 1993
Article publié pour le numéro
Théâtre et vérité-Couverture du Numéro 44 d'Alternatives ThéâtralesThéâtre et vérité-Couverture du Numéro 44 d'Alternatives Théâtrales
44
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Depuis dix ans, Alter­na­tives théâ­trales fait régulière­ment écho aux expéri­ences, réflex­ions et spec­ta­cles du Groupov. Cepen­dant, ce numéro est dif­férent, il est l’occasion pour le Groupov de franchir une nou­velle étape.
Le Groupov n’ap­par­tient plus (peut-être ne serait-il pas d’ac­cord avec pareille affir­ma­tion) à l’a­vant-garde ou au « lab­o­ra­toire » , il s’af­firme comme une réal­ité majeure du théâtre con­tem­po­rain dont la con­fi­den­tial­ité ne peut plus s’excuser de la géo­gra­phie : belge.
Si le Groupov ne s’évertue guère au mar­ket­ting, à la co-pro­duc­tion tapageuse, il est para­dox­al de con­stater qu’en Bel­gique, il est dif­fi­cile de penser le théâtre à venir sans se con­fron­ter à sa pen­sée et aux inno­va­tions dont il a été le généra­teur.
Sans doute le Groupov occupe-t-il une place impor­tante dans la pen­sée théâ­trale mod­erne parce qu’il a su per­sis­ter en lui-même sans cess­er de s’élargir à d’autres hori­zons artis­tiques : par­mi la ving­taine de mem­bres que compte le col­lec­tif Groupov, on trou­ve des pein­tres, des musi­ciens, des poètes, des acteurs, des philosophes, des dra­maturges de tous âges, de 20 à 50 ans.
Les invi­ta­tions qui, désor­mais, lui sont faites, en France, devraient ouvrir une nou­velle piste à son aven­ture. Les textes et images ici pub­liés en prendraient un nou­veau sens : celui de sig­naler forte­ment que le Groupov ne se réduit pas à ses spec­ta­cles, mais que son his­toire même, ses débats, ses con­vul­sions, son enseigne­ment con­stituent une superbe et provo­cante sin­gu­lar­ité.
Dans le théâtre de cette fin de siè­cle qui réitère les inven­tions des années 50 et 60, mais refuse les cer­ti­tudes et les ques­tions dont elles procé­daient, on ne trou­ve plus guère de « col­lec­tifs » , le théâtre (et l’art en général) ne se pose plus comme vecteur du change­ment du monde, le marché a rem­placé la recherche, le réper­toire sup­plan­té l’ex­péri­ence, etc. Or, voici un groupe authen­tique, pleine­ment inscrit dans les années 90, qui a tout ingur­gité depuis 15 ans, des Sex Pis­tols à Talk­ing Heads, du Squat The­ater au pre­mier David Lynch, et qui, pour­tant, résiste à l’individualisme, au nar­cis­sisme, à la dépoli­ti­sa­tion, à la dévi­tal­i­sa­tion, au grand « cen­trisme » général­isé.
Le Groupov tient du mir­a­cle, de la sci­ence-fic­tion tant ses con­tra­dic­tions internes sem­blent porter les mille et une bonnes raisons qui devraient le con­duire à l’échec. Ces con­tra­dic­tions se sont, à l’in­verse, révélées sal­va­tri­ces.
De même que le cou­ple Artaud-Brecht nous paraît apor­ique et pour­tant fon­da­teur même de la moder­nité du théâtre, les accou­ple­ments étranges et les pra­tiques apparem­ment con­tra­dic­toires du Groupov en font la richesse et nous le ren­dent indis­pens­able.
Citons pour exem­ples la jux­ta­po­si­tion de travaux frag­men­taires et expéri­men­taux comme KONIEC (GENRETHÉÂTRE) et la mise en scène de L’ANNONCE FAITE À MARIE, citons égale­ment la farouche indi­vid­u­al­i­sa­tion de cha­cun des mem­bres du Groupov et la solide fratrie que celui-ci forme, citons le refus qua­si-total du texte en scène (durant les trois pre­mières années) alors que les mem­bres du Groupov écrivaient tous, citons enfin le fait que le groupe per­siste dans sa rad­i­cal­ité, alors que ses acteurs jouent pour d’autres com­pag­nies, enseignent, et sig­nent des mis­es en scène à l’Opéra Nation­al.
Le Groupov n’est pas pri­mor­dial par delà ses apor­ies, mais grâce à elles, par la moder­nité de son hétérogénéité, et c’est ain­si qu’il nous oblige à repenser sans cesse le théâtre et l’art en général, qu’il inter­dit la som­no­lence, la com­plai­sance et la facil­ité.
Il va de soi que le Groupov irrite. Je n’en saurais par­ler objec­tive­ment. À ceux qui n’eurent pas encore le priv­ilège du choc que le Groupov réserve à ses « invités » , la lec­ture de cette let­tre, ce qu’elle dit et ce qu’elle sous-entend d’une pra­tique et d’une qual­ité de rela­tions créa­tri­ces, char­rie déjà toutes les émo­tions et les per­plex­ités que sus­cite sa démarche. 

Jean-Christophe Lan­wers 

Les mem­bres du Groupov :
Marie-France Col­lard
Johan Dae­nen
Jacques Del­cu­vel­lerie
Thier­ry Dev­illers
Eric Duy­ck­aerts
Stéphane Fauville
Chris­tine Gré­goire
Lou Héri­on
Sofie Kokaj
Francine Landrain
Jean-Christophe Lauw­ers
Sofia Leboutte
Nathalie Mauger
Frédéric Neige
Délia Pagliarel­lo
Denis Pousseur
Gio­van­na Rug­gieri
François Sikivie
Benoit Vreux

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