La question se pose toujours de savoir à quelle entité rattacher Madagascar. Éternel drame des îles ! Pourtant, une évidence s’impose : on retrouve dans le théâtre malgache contemporain les mêmes thèmes et préoccupations que sur le continent. Si Le théâtre malgache a des racines qui lui sont propres, un destin contemporain commun, marqué par la colonisation, la dictature, la misère, a forgé une unité fondamentale.
AU DÉBUT des années 1900, à Antananarivo, la capitale malgache, sur la colline d’Ambatovinaky, à mi-chemin entre les hauteurs de l’ancienne royauté et les emplacements des nouveaux gouvernants, au carrefour de l’église des martyrs et du grand chemin menant aux rizières, avait été construit le théâtre municipal.
Emplacement hautement symbolique, il dominait toute la ville et quand il y avait un spectacle, la population se déplaçait pour voir les beaux habits, les voitures, les colons et leurs épouses, fiers sous-officiers, qui ainsi voulaient divertir leurs dames avant de les mener danser au bal du gouverneur, à l’hôtel Fumaroli, où des pianistes malgaches jouaient du tango adaptant Tino Rossi à la sauce locale, tandis que l’aristocratie et la grande bourgeoisie malgache, ou du moins ce qui en restait, s’initiaient aux opérettes et aux autres pièces de boulevard arrivées dans les bagages de la colonisation et promues représentantes attitrées de la culture française.
La France avait voulu créer un Paris dans l’Océan indien. L’entreprise s’avéra ardue, car la malgachisation du théâtre importé ne se fit pas attendre. L’opérette fut jouée à la sauce malgache. Près d’un millier de pièces de théâtre furent écrites, pièces qui reprirent la structure de l’opérette. Mais, stratégie classique chez les peuples vaincus, si la forme importée fut gardée, le fond parla d’autre chose : Le sujet de prédilection de ces écrits étant le temps ancien, les guerres perdues, la royauté, la sensation de se sentir orphelin. ; les œuvres parlent de mort, de tombes, manière élégante de dire la dépossession et de contourner la censure. Ces pièces disaient le mal de vivre de toute une génération.
Car la colonisation a créé une race d’hommes qui ont eu accès à la scolarité, aux instruments intellectuels occidentaux, mais à qui on a refusé l’épanouissement nécessaire à leur œuvre.
Face à une politique d’acculturation des plus violentes, politique qui exigeait l’oubli de la mémoire, le théâtre servit, d’abord et avant tout, de prise de parole. Les écrits maintiennent vivaces les notions de pays et de nation malgache. Que ce soit dans les pièces d’un Rodlish1, à qui on doit une.vingtaine de pièces, dont deux classiques RaNo Moby et SANGY MAHERY, écrites en 1926 et jouées encore actuellement, ou d’un Dox2, qui outre ses œuvres personnelles, traduisit entre autres LE Ci, mais aussi, Musset, Baudelaire, Samain.…, les auteurs choisirent de biaiser. Tout passait dans Les décors, les chants, les costumes et Les proverbes. Mais le public et la population ne s’y trompèrent pas, eux qui décodent chaque spectacle. Un pauvre orphelin pleurait-il devant la tombe de son père ?Il fallait e il suffisait que ce pauvre garçon arbore les vêtements et les insignes de l’ancienne royauté pour que le message de résistance à la colonisation soit reconnu. Et ce mouvement de résistance à la censure était général, cette analyse étant valable aussi pour le roman, les nouvelles ou la poésie dont la production fut très importante entre 1925 et 1950.
Ce passage de l’Histoire est extrêmement important, parce qu’en fait, il sert de fondement à toute la création littéraire actuelle. La force et la faiblesse de la culture malgache résident là. Force parce que face à une puissance dominatrice qui voulait là forger dans un moule étranger, elle trouva une dynamique endogène pour se maintenir. La langue a perduré, la création et la réflexion ont existé envers et contre tout. Mais, et c’est là que le danger a existé réellement et que des éléments d’immobilisme social et culturel dont les Malgaches subissent les séquelles jusqu’à maintenant se sont créés, cette culture s’est vécue quasiment uniquement en force d’opposition. La colonisation n’apporta qu’elle-même. L’Europe était inexistante, les Américains un mythe, et l’Afrique n’en parlons pas. Le tête-à-tête se fait entre la France et Madagascar. Duel à mort, dit-on, la bagarre menée à cette époque fut de créer un « homme noir » identique à celui proposé par l’idéologie coloniale, un homme à éduquer, chargé d’incarner la nature, pour le meilleur ou pour le pire, en sont innocence ou sa barbarie originelle. Au nom de cette idéologie, tous les meurtres intellectuels se justifièrent.
Bilan catastrophique ? Acculturation complète ? Oui et non.
Dans les campagnes, les jeux et l’art traditionnel

