« Nous sommes de l’étoffe dont nos rêves sont faits»1

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« Nous sommes de l’étoffe dont nos rêves sont faits»1

Le 14 Oct 1995
Article publié pour le numéro
Werner Schwab-Couverture du Numéro 49 d'Alternatives ThéâtralesWerner Schwab-Couverture du Numéro 49 d'Alternatives Théâtrales
49
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JE NE SAIS PLUS s’il y avait une ques­tion pré­cise préal­able à l’en­tre­vue. J’ai le sou­venir, lors d’une réu­nion de rédac­tion, que l’on avait évo­qué la vis­ite d’un lieu men­tal, d’un champ priv­ilégié de théâ­tral­ité per­son­nelle – espace physique ou abstrait, peu­plé ou déserté – où la parole s’écrirait d’abord pour être proférée et ce faisant, don­ner bouch­es et corps, sens et action à des êtres de mots. Viendrait ain­si l’ex­plo­ration de cette pop­u­la­tion d’in­di­vidus, posés fatale­ment comme autant de miroirs face à la tête qui les pense, porte-parole oblig­és de ce que l’au­teur ne dit que par eux. De là le risque que rien d’autre ne sorte de la bouche de l’au­teur que ce qu’il fait dire à ses per­son­nages. L’en­nuierais-je donc à lui deman­der de sous-titres ses pièces ? Non. Je n’ai jamais su ce qui a fait qu’à chaque ren­con­tre, à un moment très pré­cis, j’ai eu imman­quable­ment l’im­pres­sion que l’au­teur répondait à cette ques­tion que pour­tant je n’avais pas posée. Il était au cen­tre même de cette inter­ro­ga­tion, avec pour réponse improb­a­ble, un con­stat qu’il for­mu­lait comme un aveu. Nous étions en somme, dans ce lieu men­tal indéfiniss­able où la ques­tion du pourquoi j’écris pour le théâtre ou pour qui et com­ment peut se pos­er en toute inquié­tude. Loin du com­men­taire, voilà donc leurs paroles d’au­teurs. Com­ment ne pas y recon­naître, surtout dans celles qui simu­lent une réponse struc­turée, cet aveu qui définit l’o­rig­ine même de leur écri­t­ure dans l’im­puis­sance à répon­dre au pourquoi ?

A l’é­coute, seule­ment, je revois leurs yeux. Mobiles jusqu’au frémisse­ment. Désar­mants d’être à ce point capa­bles de rester si con­scien­cieuse­ment tournés vers l’in­térieur. Regar­dant dedans comme ils font lorsqu’ils sont seuls, puis soudain revenant vers moi, l’in­trus, pour me chu­chot­er d’un sour­cil par­ti en éclaireur : « Ce que tu es venu enten­dre, ça ne se dit pas comme ça, si je par­le, c’est parce que tu souris, parole d’au­teur ».

  1. William Shake­speare, LA TEMPÊTE. ↩︎
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