Émotions partagées

Théâtre
Edito

Émotions partagées

Le 30 Avr 2014
Bérengère Bodin, Lisi Estaras, Ross McCormack (de dos) et Romeu Runa (de face) dans TAUBERBACH, mise en scène Alain Platel. Photo Chris Van der Burght.
Bérengère Bodin, Lisi Estaras, Ross McCormack (de dos) et Romeu Runa (de face) dans TAUBERBACH, mise en scène Alain Platel. Photo Chris Van der Burght.
Bérengère Bodin, Lisi Estaras, Ross McCormack (de dos) et Romeu Runa (de face) dans TAUBERBACH, mise en scène Alain Platel. Photo Chris Van der Burght.
Bérengère Bodin, Lisi Estaras, Ross McCormack (de dos) et Romeu Runa (de face) dans TAUBERBACH, mise en scène Alain Platel. Photo Chris Van der Burght.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 120 - Les théâtres de l'émotion
120

Les numéros d’Alter­na­tives théâ­trales sont habituelle­ment coédités par des parte­naires (fes­ti­vals, théâtres, uni­ver­sités, cen­tres cul­turels).

Ce parte­nar­i­at per­met d’inventer ensem­ble le traite­ment d’un sujet, de s’ouvrir à un nou­veau lec­torat, de boucler le bud­get de fab­ri­ca­tion des ouvrages.

Le numéro que vous avez entre les mains fait excep­tion à la règle et est né du désir des mem­bres de notre équipe de rédac­tion de faire part, en toute lib­erté, du ou des spec­ta­cles qui les ont durable­ment mar­qués ces derniers mois. Les artistes qui les com­posent vien­nent des qua­tre coins du monde : Afrique du sud, Bel­gique, Corée, France, Grèce, Ital­ie, Let­tonie… 

Cette livrai­son au vol­ume réduit (économie oblige) peut se lire comme un man­i­feste de défense et illus­tra­tion de formes sin­gulières du spec­ta­cle vivant d’aujourd’hui. 

L’actrice ou l’acteur est encore et tou­jours au  cen­tre de la créa­tion théâ­trale : Lee Jaram, Ascanio Celes­ti­ni, David Mur­gia, Pierre Sarte­naer, les inter­prètes d’Alain Pla­tel, de Julien Gos­selin, de Claude Schmitz, d’Antoine Defoort et Halo­ry Goerg­er, de Jacques Nichet et Aurélia Guil­let, de TgStan, du Blitz Teatre Group sont à l’honneur dans ces pages.

Plus que jamais le théâtre pra­tique l’interdisciplinarité : nous suiv­ons depuis longtemps, dans la revue, ces met­teurs en scène de théâtre qui ont don­né un nou­veau vis­age à l’opéra. Alvis Her­ma­n­is est de ceux-là. Alain Pla­tel dirige des danseurs, mais se con­sid­ère met­teur en scène et non choré­graphe. Les va-et-vient entre le théâtre et les arts plas­tiques con­nais­sent une recrude­s­cence : Claude Schmitz a créé Salon des refusés à la Bal­samine à Brux­elles. Exhib­it B de Brett Bai­ley, exposition/performance crée un choc partout où il se pro­duit. L’artiste Patrick Coril­lon a fait le chemin inverse : c’est le plas­ti­cien qui retrou­ve la voie et la voix du théâtre. Depuis Vitez, on sait que l’on peut faire théâtre de tout et Julien Gos­selin n’a pas hésité à se saisir du roman des Par­tic­ules élé­men­taires.

On dit sou­vent que le théâtre a emboîté le pas à la société « post­mod­erne » et son désen­chante­ment. La plu­part des spec­ta­cles présen­tés ici sont d’une autre fac­ture. Ils pren­nent par­ti pour la dig­nité de l’être humain. En dénonçant les tra­vers du monde, en inven­tant des formes nou­velles, ils ne nous offrent pas un théâtre de la résig­na­tion, ils pari­ent sur un théâtre des émo­tions partagées.

Nous pen­sons que l’émotion cesse aujour­d’hui d’être sus­pecte et qu’il est pos­si­ble de l’as­soci­er au bon­heur d’une décou­verte, à l’im­pact d’une expéri­ence sin­gulière, à l’hy­pothèse d’une… alter­na­tive. Ces émo­tions tien­nent de la révéla­tion et, rétives à tout pro­gramme esthé­tique ou idéologique, se définis­sent par leur capac­ité de sur­pren­dre, par l’in­vi­ta­tion qu’elles for­ment de déchir­er le ciel des cer­ti­tudes pour accéder à des hori­zons inat­ten­dus. 

Toute « alter­na­tive » s’est imposée grâce à une émo­tion sus­citée par l’inédit rad­i­cal d’une expéri­ence : Barthes devant Mère Courage du Berlin­er Ensem­ble en 1954, Aragon devant Le Regard du sourd de Bob Wil­son en 1971 pour ne con­vo­quer que les exem­ples légendaires !

En quête de nou­velles voies, nous décli­nons ici, ensem­ble, les espérances engen­drées par « les théâtres de l’é­mo­tion » dont cha­cun, à titre per­son­nel, témoigne. Quels espoirs seront con­fir­més, quelles décep­tions sanc­tion­neront, dans les années à venir, les visées actuelles ?  Nous pro­posons ici, libre­ment, les aveux de ce moi pluriel que nous con­sti­tuons. Nous réu­nis­sons les con­fi­dences sin­gulières for­mulées sur fond de sat­is­fac­tion éprou­vée dans le présent avec l’e­spoir d’une réver­béra­tion à long terme. Nous sommes habités par le voeu intime d’une réso­nance à venir, d’une con­fir­ma­tion et non pas d’une décep­tion de nos attentes. Le socle qui nous réu­nit, c’est l’é­mo­tion assumée non pas comme un neu­tre dénom­i­na­teur com­mun mais, au con­traire, comme la réac­tion d’un moi sin­guli­er, un instant réc­on­cil­ié avec le théâtre. L’é­mo­tion, par ce qu’elle com­porte comme vérité de soi, est un indice ! Réu­nis­sons- les, nos émo­tions indi­vidu­elles, afin de cray­on­ner le paysage de l’avenir qui, de toute manière, nous con­tredi­ra. Cette con­vic­tion ne doit pas pour autant nous décourager de le penser !

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Co-écrit par Georges Banu
Écrivain, essay­iste et uni­ver­si­taire, Georges Banu a pub­lié de nom­breux ouvrages sur le théâtre, dont récemment La porte...Plus d'info
Bernard Debroux
et Bernard Debroux
Fon­da­teur et mem­bre du comité de rédac­tion d’Al­ter­na­tives théâ­trales (directeur de pub­li­ca­tion de 1979 à 2015).Plus d'info
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Par Georges Banu
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