LES NOUVELLES technologies, on vit très bien sans, mais l’on risque de ne pas comprendre ce qui est en train de se passer ; car malgré nous, cela se passe. Il est difficile d’en faire abstraction car elles sont là, elles imprègnent les artistes, elles font déjà partie d’eux. La création artistique est frappée de plein fouet par l’évolution incessante des nouvelles technologies. De nombreux artistes, loin de s’en effrayer, s’‘approprient leurs potentialités innovantes pour développer leurs intentions esthétiques et renouveler leurs pratiques artistiques. En testant ces nouveaux rêves mais en jaugeant également leurs limites et les dangers propres à leur utilisation.
En effet, si l’artiste se contente d’expérimenter ces nouveaux outils sans les faire siens, sans se les approprier jusqu’au besoin même de les transformer encore, il se peut qu’il se perde dans une herméticité qui empêche la rencontre avec le spectateur.
Par contre, quand l’artiste enrichit son vocabulaire des propositions infinies qu’offrent les nouvelles technologies, sans perdre son but premier, sans laisser de côté son propos essentiel, sans négliger son besoin de raconter l’homme et le monde, il pourrait bien y trouver un plaisir inégalable.
Par le numérique, on entre rapidement dans le développement d’outils performants, plus instinctifs et interactifs. Des outils qui se transforment et semblent suivre le trajet de leur développeur, des outils qu’on affûte à sa guise et par lesquels on trouve un nouveau moyen de représentation.
La maîtrise des techniques donne à celui qui la possède et qui, artiste, a un regard singulier sur le monde, une capacité à bouleverser l’observateur, à l’embarquer dans des flots de sentiments
et de passions, à éveiller sa conscience.
Quand Vincent Glowinski, alias Bonom, s’entoure d’un développeur informatique autodidacte qui expérimente intensément le traitement vidéo en temps réel, Les capteurs et actionneurs électroniques et autres systèmes de création visuelle et interactive ; quand il développe l’Human Brush ; quand son corps devient le pinceau multiforme ; quand il crée le très innovant MÉDUSES, c’est avant tout la puissance et la poésie de ses œuvres qu’il nous offre, c’est son trait tellement reconnaissable de guérillero du graffiti urbain qu’il nous donne àvoir, celui du tout début, qui remplit Bruxelles de ses animaux archaïques.
Quand par un dispositif, unique en son genre, de body-mapping interactif et de musique spatialisée et immersive, Thomas Israël crée SKINSTRAP, il revisite dix ans de vie à travers la création artistique numérique. Pourtant c’est une Histoire universelle de la couleur qui nous parvient, ludique, narrative, avec ses préoccupations fines et éternelles:l’inconscient, le rapport au temps, la hiérarchie.
Fabrice Murgia, dès ses premiers spectacles, décline toute une panoplie de médias universels qui nous rattachent au monde : caméras, ordinateurs, jeux vidéo, réseaux sociaux, qui accentuent la grande solitude de ses personnages, pris au piège de leur culture consumériste. Ses ingrédients de création sont à la fois technologiques, philosophiques, politiques et esthétiques.