Les Rouages d’une « inquiétante étrangeté »

Théâtre
Portrait

Les Rouages d’une « inquiétante étrangeté »

Regard sur le rôle des dispositifs dans les spectacles d’Anne-Cécile Vandalem

Le 15 Juil 2016
Zoé Kovacs, Lara Persain, Anne-Cécile Vandalem et Brigitte Dedry dans (Self) Service d’Anne-Cécile Vandalem, Das Fräulein (Kompanie), Théâtre de Vidy-Lausanne, 2009. Photo Mario del Curto.
Zoé Kovacs, Lara Persain, Anne-Cécile Vandalem et Brigitte Dedry dans (Self) Service d’Anne-Cécile Vandalem, Das Fräulein (Kompanie), Théâtre de Vidy-Lausanne, 2009. Photo Mario del Curto.

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Zoé Kovacs, Lara Persain, Anne-Cécile Vandalem et Brigitte Dedry dans (Self) Service d’Anne-Cécile Vandalem, Das Fräulein (Kompanie), Théâtre de Vidy-Lausanne, 2009. Photo Mario del Curto.
Zoé Kovacs, Lara Persain, Anne-Cécile Vandalem et Brigitte Dedry dans (Self) Service d’Anne-Cécile Vandalem, Das Fräulein (Kompanie), Théâtre de Vidy-Lausanne, 2009. Photo Mario del Curto.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 129 - Scènes de femmes
129

En quelques années à peine, Anne-Cécile Van­dalem a jeté les bases d’un pro­jet artis­tique de longue haleine. Chaque nou­veau pro­jet est une « pierre à l’édifice » qui nous fait entr­er un peu plus pro­fondé­ment dans son monde en nous don­nant de nou­velles per­spec­tives, mais aus­si en enrichissant notre regard sur les pro­jets antérieurs et nous ren­dant curieux et impa­tient de voir la suite.

Pour beau­coup, les fon­da­tions de cet « édi­fice artis­tique » tien­nent dans la force et la sin­gu­lar­ité des dis­posi­tifs scéniques. S’il est indé­ni­able que le dis­posi­tif occupe une place cen­trale dans son tra­vail, il ne faudrait pas laiss­er cette ques­tion éclipser d’autres aspects (comme le jeu des acteurs ou le fil nar­ratif). Envis­ager le dis­posi­tif comme faisant « œuvre en soi » est très ten­tant, cela per­met de don­ner l’illusion d’une par­faite maîtrise d’un sujet ; autant pour ceux qui le présen­tent (auteur, pro­duc­teurs, dif­fuseurs) que pour le spec­ta­teur. On peut focalis­er son regard sur les rouages du dis­posi­tif et une fois qu’on l’a décryp­té, avoir le sen­ti­ment d’avoir bien fait le tour du sujet. Un dis­posi­tif tour­nant sur lui-même donne l’illusion de tenir en main un sys­tème, un monde, c’est un lot de con­so­la­tion de ne pas pou­voir saisir le fond des choses. Chez Anne-Cécile Van­dalem, il n’y a pas de sat­is­fac­tion, pas de con­tente­ment, pas de con­so­la­tion. Les mon­des qu’elle met en scène sont extrême­ment com­plex­es, et les dis­posi­tifs élaborés ne sont qu’une clé pour ouvrir la porte qui nous jet­tera dans cette com­plex­ité, dans ce ver­tige sans fond. Son rôle d’artiste n’est pas de nous aider à con­tenir des sit­u­a­tions cri­tiques, de les met­tre à notre mesure pour les con­trôler, mais de nous forcer à nous engager sur les chemins dan­gereux des forces som­bres qui nous ani­ment, et regarder en face ce qu’il y a tout au fond ; tout au fond de nous-mêmes, de notre société. 

Pour rap­pel, et en prenant comme source le site inter­net de la com­pag­nie Das Fräulein, voici une présen­ta­tion suc­cincte de quelques pro­jets : 

— Au milieu du plateau, une grande table de mariage est dressée. Les acteurs/personnages sont assis au cen­tre. À leurs côtés trô­nent sept téléviseurs dans lesquels sont dif­fusés les vis­ages en gros plan de leurs invités. Ces vis­ages, ce sont les leurs, car ils ont eux-mêmes filmé et inter­prété tous les invités de leur pré­ten­due fête… Le pub­lic assiste à un trou­ble jeu iden­ti­taire où les acteurs/personnages se débat­tent dans leur pro­pre mise en scène – une fois de plus les acteurs pren­nent en charge une grande par­tie de la tech­nique du spec­ta­cle – et livrent un com­bat acharné avec eux-mêmes. Mise en abîme per­pétuelle, le dis­posi­tif est au cen­tre d’une fic­tion aux strates mul­ti­ples, libre à chaque spec­ta­teur d’y plonger com­plète­ment ou de demeur­er à la sur­face. (Hansel et Gre­tel)

— Sur le plateau, une mai­son à taille réelle, boîte gigan­tesque et her­mé­tique­ment séparée du pub­lic par une grande baie vit­rée : fenêtre ouverte sur l’appartement de Sal­ly R, une jeune femme au bord du sui­cide… Le pub­lic, relégué au statut de voyeur par la dis­tance que le dis­posi­tif lui impose, assiste à une enquête au cours de laque­lle qua­tre femmes ten­tent de répon­dre à la ques­tion qu’il se pose : à quoi suis-je en train d’assister ? ((Self) Ser­vice)

Chloé Resibois dans Habit(u)ation d’Anne-Cécile Vandalem, Das Fräulein (Kompanie), Théâtre de Namur, 2011. Photo Phile Deprez.
Chloé Resi­bois dans Habit(u)ation d’Anne-Cécile Van­dalem, Das Fräulein (Kom­panie), Théâtre de Namur, 2011. Pho­to Phile Deprez.

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Portrait
Anne-Cécile Vandalem
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Écrit par Patrick Corillon
Plas­ti­cien, artiste asso­cié au Cor­ri­dor (Liège). Depuis 2007, il investit le domaine des arts vivants avec des spec­ta­cles...Plus d'info
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