SÉLECTION PROPOSÉE PAR LAURENCE VAN GOETHEM
Sam Touzani
Je n’ai pas choisi la diversité, c’est la diversité qui m’a choisi. À la diversité je préfère l’égalité. Regarder la société par le prisme de la citoyenneté. Si nous sommes citoyens, alors nous sommes à parts égales. Pour qu’il y ait un vivre ensemble, il faut qu’il y ait un libre ensemble. Le théâtre c’est quoi, la danse c’est quoi ? C’est un corps. C’est d’abord un corps libre. Il y a pire que la censure, c’est l’autocensure.
Jasmina Douiebw
Je crois que les arts vivants ont une responsabilité dans la manière dont ils véhiculent des clichés sur ce que c’est qu’une tête d’arabe, un humour d’arabe, un imaginaire d’arabe… Bien souvent dans les castings où on m’a contactée à cause de mon nom, on m’a dit que je ne faisais pas assez typée, parce que j’ai les yeux bleus, la peau claire, etc. Je fais moins arabe qu’une italienne ! Même pour un casting pour jouer dans une capsule de prévention contre le racisme, on m’a dit que je n’étais pas assez typée marocaine ! C’est un comble et pourtant c’est la réalité. Comme si on avait encore du mal à rendre en images la vraie diversité, celle d’une mixité profonde, faite de contrastes, de contradictions. Des marocaines aux yeux bleus qui ne parlent pas l’arabe, des femmes metteuses en scènes qui ne le sont pas par frustration ou soif de pouvoir, mais parce qu’elles ont des choses à dire et à raconter au-delà de leur condition de femmes, juste parce que ce sont des êtres humains…
Roda Fawaz
On dit que le monde artistique est un monde à part, composé de gens différents. On dit qu’un artiste ne regarde pas le monde avec les mêmes yeux qu’une personne lambda. On dit que les artistes sont tolérants, libres, fous, cultivés car nourris par la lecture des plus grandes œuvres… Eh bien non, Roda. Ce sont des hommes comme les autres. Tu rencontreras des directeurs de théâtre plus intolérants que ces patrons de boîte de nuit qui ne veulent pas de toi. Tu rencontreras des auteurs, metteurs en scène tout aussi ignorants que ta voisine raciste. Tu rencontreras des directeurs de casting tout aussi stupides que ce flic qui pensait qu’un habitant du Liban était un Albanais. Et j’en passe… Certaines situations te feront sourire, d’autres moins.
Consolate Sipérius
Il a fallu Chocolat, Joséphine, et bien d’autres pour ouvrir le bal. Ils se sont battus pour leur art et étaient conscients de leur statut, de leur exotisme fascinant et en jouaient pleinement. Ce qui fait d’eux de grands artistes. Heureusement il y a eu une grande avancée depuis. Je décide d’être avant tout une personne et non une couleur ou une représentation d’une communauté. Je m’efforce à espérer que les artistes de ce domaine ont envie de travailler avec moi car je suis moi et non une personnification de l’exotisme.
Soufian El Boubsi
On peut espérer qu’à terme plus personne ne trouvera incongru qu’un Noir ou un Arabe joue une partition qui n’ait rien à voir avec son origine. Je pense surtout aux producteurs et dans une moindre mesure aux réalisateurs. Certains nous demandent encore de jouer avec un accent arabe pour être plus « crédible » ! Le chemin est encore long !
Donc pour changer cet état de fait, je ne vois que la prise de conscience, l’envie et le courage politique des metteurs en scène et réalisateurs. Ils peuvent imposer des acteurs issus des minorités dans des rôles où on ne les attend pas et lutter avec les producteurs et les directeurs de casting pour sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons. Le changement viendra d’eux ou ne viendra pas.
Serge Aimé Coulibaly

J’ai souvent croisé des programmateurs de théâtre qui me disent : « J’aime beaucoup votre travail mais mon public ne comprendra pas ». En général, on pense à un seul type de public. On oublie très souvent les autres, ceux qu’on ne voit pas dans les salles. Et de toutes façons, le public demande à être surpris. […]
Quand on assiste aux Récréâtrales, festival dirigé par Étienne Minoungou au Burkina Faso, on y voit de nombreuses créations théâtrales contemporaines avec des artistes formidables. L’Europe a autant à apprendre du reste monde que le reste du monde a à apprendre de l’Europe. Il faut souvent regarder plus loin que le pas de sa porte pour parvenir à réorganiser sa maison.

Cathy Min Jung
En tant qu’actrice, j’ai eu quelques fois l’occasion d’être engagée pour des rôles centraux, sans que mon physique asiatique ait eu une incidence particulière dans le choix du metteur en scène, mais il faut bien admettre que la plupart du temps, si j’ai accès à des auditions ou des castings, c’est précisément parce que l’on recherche des Asiatiques et on n’en cherche pas souvent. Pour la télévision ou le cinéma, c’est presque toujours pour des rôles subalternes, ou pour surjouer un stéréotype. J’ai parfois accepté, ce n’est pas toujours évident de refuser quand on débute dans le métier, plein de rêves et d’envies mais qu’il n’y a rien d’autre à se mettre sous la dent. Un professeur au Conservatoire m’avait prévenue que ce métier ne serait pas facile pour moi. Sur le moment, ça m’avait scandalisée, mais en fait, il n’avait pas tort. Pourtant, si je suis effectivement née à Séoul et que je suis d’apparence asiatique, dans le fond, ma culture est très occidentale, j’ai grandi en Belgique, dans une famille belge, j’ai fréquenté l’école publique, ma langue maternelle est le français et je maîtrise très bien l’alexandrin. Ce qu’on appelle diversité dans mon cas ne tient finalement quasiment qu’à mon apparence physique.