Abandonner ou affûter ses outils esthétiques en contexte de crise ? 
 Proposition de stratégies d’intervention dans la sphère publique par Loop‑s.

Compte rendu
Performance
Parole d’artiste

Abandonner ou affûter ses outils esthétiques en contexte de crise ? 
 Proposition de stratégies d’intervention dans la sphère publique par Loop‑s.

Le 18 Déc 2020
Cabinet de curiosités économiques, performance du Laboratoire sauvage de recherches expérimentales Désorceler la finance, exposition à l’ERG galerie (Bruxelles), février 2019. Photo Anna Muchin.
Cabinet de curiosités économiques, performance du Laboratoire sauvage de recherches expérimentales Désorceler la finance, exposition à l’ERG galerie (Bruxelles), février 2019. Photo Anna Muchin.

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Cabinet de curiosités économiques, performance du Laboratoire sauvage de recherches expérimentales Désorceler la finance, exposition à l’ERG galerie (Bruxelles), février 2019. Photo Anna Muchin.
Cabinet de curiosités économiques, performance du Laboratoire sauvage de recherches expérimentales Désorceler la finance, exposition à l’ERG galerie (Bruxelles), février 2019. Photo Anna Muchin.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 132 - Bruxelles, ce qui s'y trame
142

« Je ne pense covid qui nous sépare. » On a vu émerg­er ce slo­gan dans les rues de Brux­elles pen­dant le con­fine­ment, évo­quant l’état d’impuissance sidérée dans laque­lle 2020 nous a plongé.e.s. Covid, la petite dernière de la série noire des crises san­i­taires, sociales, écologiques, finan­cières a bien enrac­iné les principes d’une logique de frac­tion­nement. Celle-là a creusé l’écart dans la répar­ti­tion des ressources et des richess­es, des pertes et des béné­fices, accen­tué les iné­gal­ités en pré­carisant et en invis­i­bil­isant à l’extrême des com­mu­nautés entières de vivant.e.s, déroulé le tapis rouge à des expert.e.s capa­bles de vom­ir des chiffres déshu­man­isants et de nous con­fron­ter à des dilemmes vides de sens : la vie ou l’économie ?

Com­ment réa­gir face à de telles sit­u­a­tions d’urgence ? Et quels moyens se donne-t-on pour résis­ter aux « alter­na­tives infer­nales1 » ? On ne peut répon­dre à ces ques­tions depuis un prisme stricte­ment artis­tique, on se place for­cé­ment comme acteur.rice d’un con­texte plus glob­al. Et il s’agit de trou­ver le juste équili­bre entre plusieurs tem­po­ral­ités et lignes de front : pal­li­er aux incuries, s’impliquer dans des solu­tions directes et immé­di­ates et/ou met­tre à con­tri­bu­tion ses out­ils esthé­tiques pour renou­vel­er la bataille des imag­i­naires et ten­ter d’apporter une réponse décente, durable, à cette crise de nos rela­tions exis­ten­tielles au vivant. 

Des dis­posi­tifs de sol­i­dar­ité capa­bles de répon­dre aux urgences sociales et san­i­taires provo­quées par l’épidémie de Covid ont été mis en place pour combler les man­que­ments des pou­voirs publics. Des expéri­ences auto-ges­tion­naires ont mon­tré qu’on pou­vait détourn­er une con­cep­tion autori­taire du pou­voir ; une intel­li­gence col­lec­tive de non expert.e.s s’est solid­i­fiée démon­trant qu’on pour­rait pren­dre con­gé de la vision économique dom­i­nante qui dis­tan­cie et isole. Qu’est-ce alors qu’agir en tant qu’artiste ? L’enjeu des sit­u­a­tions de destruc­tion dépasse celui d’un renou­velle­ment des statuts et des formes. Plutôt que de faire de ces expéri­ences de nou­veaux spec­tres, peut-on ren­dre tan­gi­bles leurs poten­tial­ités ? Faire exis­ter et per­dur­er les lieux d’entraide et les pra­tiques de partage qui ont vu le jour, en garder la trace, faire mémoire en don­nant à écouter la mul­ti­tude des témoignages et des réc­its qui s’écrivent en marge d’un dis­cours offi­ciel pris­on­nier d’une con­cep­tion néolibérale. Plutôt que de compter les mort.e.s, c’est de ces expéri­ences qu’il nous faut nous con­t­a­min­er pour nous réap­pro­prier l’espace et la vie publiques. (Ré-)habiter le vide qui (nous) sépare, ren­forcer nos alliances et dessin­er une nou­velle carte de répar­ti­tion des forces. 

Des situations d’attention et d’écoute comme valeurs politiques

La plate­forme Loop‑s est née d’un pre­mier pro­jet, Approche, que j’ai mené avec Lau­rie Bel­lan­ca et Luce Goutelle, et qui s’est déroulé à la fin de l’année 2015 dans six cafés de six com­munes de Brux­elles. Les auditeur.rice.s rassemblé.e.s dans les cafés entendaient, par le biais d’ondes hertzi­ennes émis­es par des radios FM posées sur les tables, les réc­its de bruxel-lois.e.s avec qui nous nous étions entretenu.e.s au sujet de leurs tech­niques d’approche. Nous avions ren­con­tré des per­son­nal­ités très divers­es : un homme sage-femme, une adepte du spiritisme, un étho­logue, un lob­by­iste, la dou­blure de Naru­to… Approche s’est déroulé en décem­bre, juste après les atten­tats con­sé­cu­tifs de Paris et Brux­elles suiv­is du lock­down. Quand la ville s’est retrou­vée occupée par les chars mil­i­taires, la place de la Bourse méta­mor­phosée en mémo-rial des vic­times : alors que les infor­ma­tions dég­lutis­saient du repli sur soi, nous enreg­istri­ons les voix des habitant.e.s de Brux­elles sur les dif­férents lan­gages qu’iels met­taient en œuvre, par­lés, écrits, cor­porels, rit­uels, pour aller au devant de l’autre, abor­der et entr­er en rela­tion avec l’inconnu. Avec les habitué.e.s ain­si qu’une petite com­mu­nauté de com­plices et de curieux.se.s et qui nous accom­pa­g­nait et s’augmentait de soir en soir, nous avons réin­vesti café, bar et bistrot comme théâtres de petites expéri­ences et de temps partagés. 

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Performance
Parole d’artiste
Emmanuelle Nizou
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#142
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Bruxelles, ce qui s’y trame

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