Actéon – l’histoire d’un homme transformé en bête, puni de sa curiosité, châtié à cause de son voyeurisme. Est-ce un chasseur habile, un voyeur lubrique, ou pourrait-il être considéré comme une métaphore de notre société, prise à son propre piège ? Ce mythe raconté par Ovide dans ses Métamorphose a été mis en musique par Marc-Antoine Charpentier en 1684 dans des circonstances très particulières.
Dans un format peu habituel pour le genre lyrique, et surtout pour l’opéra baroque tel que nous l’imaginons aujourd’hui, Charpentier et son librettiste anonyme (peut-être lui-même ?) ont raconté une histoire mythique dans laquelle la nature (sauvage, mais aussi la nature humaine) occupe la place centrale. Le temps de l’action de cet « opéra de chasse », qui ne dure que 40 minutes, est représenté dans le temps réel, ce qui donne une force vitale à sa dramaturgie.
Les circonstances dans lesquelles cet opéra a été créé – les restrictions imposées par les droits privilégiés dont Jean-Baptiste Lully jouissait – sont particulièrement intéressantes depuis le point de vue d’aujourd’hui. En ce moment quand on ne peut plus programmer les productions librement et où il faut respecter des restrictions imposées par la pandémie globale, mettre en scène cet opéra qui fut conditionné à l’époque de sa création par différents obstacles et qui est resté un exemple brillant de la création artistique, plus forte que toutes les limitations, s’est révélé une décision très pertinente de la part de la direction du Théâtre du Châtelet. La durée de cet opéra est très adaptée pour les spectateurs contemporains manquant toujours de temps libre pour des activités hors de leurs responsabilités quotidiennes.
Conçu comme un film-opéra à cause du coronavirus, ce spectacle n’est pas une simple transmission en direct d’un opéra mais un vrai format original dans lequel s’entremêlent le théâtre, l’opéra et le film. Les éléments cruciaux du spectacle vivant ont été conservés. L’opéra a été filmé entièrement sans coupures ni arrêts, ce qui le rend plus convaincant et lui permet de laisser une forte impression sur les spectateurs, semblable à celle ressentie dans les conditions du live dans un théâtre.
Au tout début de l’opéra dans un prologue déclamé, imaginé par le metteur en scène Benjamin Lazar, la comédienne Judith Chemla introduit les spectateurs regardant cet opéra à l’écran (à la télé, sur leurs ordinateurs ou sur leurs téléphones portables) dans un monde qui est celui du théâtre. Elle se trouve dans les coulisses du Théâtre du Châtelet, ce qui n’est pas évident au premier regard. La caméra montre d’abord la comédienne dans un espace qui ressemble à une scène sans décors, et que l’on reconnaîtra bientôt comme les coulisses du théâtre, remplies de barres de fer formant des cubes qui ont l’air de cages. Le metteur en scène a eu l’idée de ce prologue après les répétitions ouvertes au public pendant le mois de septembre 2020 (la période originellement prévue pour la production). En raison des mesures sanitaires, l’équipe était limitée à treize personnes, dont sept chanteurs lyriques et six instrumentistes.