« Ce qui préside, c’est la rencontre, des gens, des objets, des idées, des intuitions, des conneries. »
Pascal Rome
Depuis 22 ans et quelques mois, Pascal Rome et ses complices de la compagnie OpUS, Office de Phabricants d’Univers Singuliers, « phabriquent », dit-on en langue opusienne, un monde savamment posé entre la réalité et la fiction, investi par une flopée d’hommes et d’objets.
Le point O
En octobre dernier, sur leur territoire à Niort, ils ont follement fêté leurs 22 ans et quelques mois lors des Pholies douces. Une date d’anniversaire décalée, à l’image de tout l’univers de la compagnie. L’histoire a pourtant débuté il y a trente ans, avec Philippe Nicolle, cofondateur avec Pascal Rome de la compagnie 26 000 Couverts1. Mais c’est en 2000 que Pascal Rome fonde OpUS et invente un théâtre différent, au plus proche des gens, inscrit dans le réel, flirtant de près avec l’art brut et l’art populaire. Un théâtre où l’objet, animé ou non, est l’axe central, le point O.
Un art majeur fait de petits riens
Les créations d’OpUS sont peuplées d’objets ordinaires, devenus extraordinaires une fois frappés par le génie des phabricants de la compagnie. Détournés, métamorphosés en ready-mades, ils sont les réceptacles de récits presque vrais, portés par des comédiens exigeants et proposés à tous et partout : chez les gens, dans les maisons de retraite, les théâtres, les places, les vide-greniers…
Pascal Rome travaille par analogies et associations d’idées. Il assemble, procède à des collages, trie (un peu), fait le ménage, puis arrange, « comme pour le rhum », dit-il. « Je ne réfléchis pas trop à l’aspect conventionnel, à la dramaturgie. Ce qui préside, c’est la rencontre, des gens, des objets, des idées, des intuitions, des conneries. »
Sa bibliothèque donne toutes les clés de lecture de ce théâtre vivant. On y trouve « les singuliers de l’art », bien sûr (Gaston Chaissac, Robert Filliou, André Robillard), on y lit Henri Cueco (Le Collectionneur de collections, 1995), Pierre Sansot (Les Gens de peu, 1992), Bruno Montpied (Le Gazouillis des éléphants, 2017), Michel Piquemal (Le Manège de Petit Pierre, 2005), Michel de Certeau (L’Invention du quotidien, 1980) et on y contemple le catalogue Manufrance, le magazine Le Magasin pittoresque et la revue Système D, évidemment.
Collections de collections
Depuis 22 ans et quelques mois donc, au fil d’un répertoire d’une quinzaine de spectacles – dont La Ménagerie mécanique (2000), Le Musée Bombana de Kokologo (2008), La Veillée (2014), Colliers de nouilles (2007), Le Grand débarras (2019), l’exposition drÔles de chÔses (2017)… –, des dizaines de collections d’objets se sont ainsi formées. Elles constituent le Conservatoire des curiosités, qui s’attache à réhabiliter ces objets à utilité variable et à retracer le parcours singulier de leurs auteurs2 : plaques funéraires, objets en nouilles, animaux empaillés, cartes postales, frigidaires, inventions hydrauliques, almanachs et autres calendriers d’éboueurs.
Collection de mots, aussi. Des mots marqués d’une estampille, un « ph » visible et sonore ayant expulsé le trop traditionnel « f », qui décrivent le monde d’OpUS et son organisation : les Phabricants (inventeurs des objets singuliers, également comédiens, musiciens), le Phourbi (lieu de travail, de stockage, d’exploration), les Pholies douces, les Amphigouris (le laboratoire d’idées d’OpUS), et bien d’autres « ph » encore.
Projet d’avenir
La compagnie travaille depuis quelque temps sur un projet de livre à paraître en 2023. Plutôt que le sempiternel livre retraçant son histoire, OpUS invente le catalogue d’une exposition… qui n’a jamais eu lieu.