Se prendre le mur de l’Enfance
Le jeu comme outil politique
Entretien
Théâtre
Jeune Public

Se prendre le mur de l’Enfance
Le jeu comme outil politique

Entretien de Julien Fournet

Le 8 Déc 2025
Acrobaties sur ballots de paille (Tobo-ballot) Phalanges d'harmonie - Mini-parade en micro-utopie - Chorège CDCN Falaise Normandie © ClaraRambaud
Acrobaties sur ballots de paille (Tobo-ballot) Phalanges d'harmonie - Mini-parade en micro-utopie - Chorège CDCN Falaise Normandie © ClaraRambaud

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Acrobaties sur ballots de paille (Tobo-ballot) Phalanges d'harmonie - Mini-parade en micro-utopie - Chorège CDCN Falaise Normandie © ClaraRambaud
Acrobaties sur ballots de paille (Tobo-ballot) Phalanges d'harmonie - Mini-parade en micro-utopie - Chorège CDCN Falaise Normandie © ClaraRambaud

La lec­ture des textes du philosophe français Charles Fouri­er autour du pha­lanstère, bâti­ment à usage com­mu­nau­taire, a con­duit l’artiste Julien Four­net à s’intéresser aux utopies réal­isées, aux actes d’appropriation de l’espace pub­lic et aux con­di­tions de la nais­sance de l’autodétermination dans un groupe d’enfants. L’Enfance majeure est un spec­ta­cle dans l’espace pub­lic créé l’été 2025, dans lequel la rue se trans­forme en ter­rain de jeu car­nava­lesque et où la puis­sance de l’enfance devient le moteur d’une trans­for­ma­tion. 

L’Enfance majeure est précédé d’une « Plaine de jour », un cen­tre aéré de deux ou trois journées réservé à une ving­taine d’enfants qui par­ticiper­ont à cette dou­ble expéri­ence péd­a­gogique et micro-utopique. Les pro­pos qui suiv­ent sont extraits d’une con­férence-échange entre Julien Four­net et sa col­lab­o­ra­trice, Emmanuelle Nizou, qui s’est tenue à la mai­son de la cul­ture de Tour­nai au print­emps 2025, lors d’un cycle sur les utopies de l’enfance. 

 Capes de camouflages (Costumes customisés & Amulettes cousues)
L'Enfance majeure – Mars 2025, Mars Mons Ars de la Scène © David Bormans
Capes de cam­ou­flages (Cos­tumes cus­tomisés & Amulettes cousues)
L’En­fance majeure – Mars 2025, Mars Mons Ars de la Scène © David Bor­mans

Emmanuelle Nizou. L’Enfance majeure est un spec­ta­cle qui pose la ques­tion de l’au­tonomie d’un groupe d’en­fants et leur capac­ité à décider pour elleux-mêmes. Com­ment l’as-tu mise au tra­vail ?

Julien Four­net. J’ai com­mencé à m’in­téress­er à la ques­tion de l’autodétermination chez les enfants il y a cinq ans, ce qui a don­né lieu à un tra­vail de recherche, à la créa­tion d’une sorte de cen­tre aéré, puis d’un spec­ta­cle dans l’espace pub­lic. La recherche s’est faite en deux lignes par­al­lèles, une ligne théorique, faite de sémi­naires, de dis­cours et d’ex­péri­ences de pen­sée, plutôt entre adultes, et une autre, tournée vers de la recherche appliquée, avec des enfants de huit à douze ans. En deux ans, nous avons ren­con­tré près de deux cents enfants : on a tra­vail­lé avec cinq class­es, trois écoles, trois cen­tres aérés, des asso­ci­a­tions à Mons, à Falaise, à Auril­lac et à Brux­elles. Nous leur avons prin­ci­pale­ment pro­posé des ate­liers de gestes et de pra­tiques.

EN. Aujourd’hui, c’est effec­tive­ment de cette dernière ligne dont nous allons nous entretenir. L’En­fance majeure est-elle un pas­sage à l’acte, une utopie réal­isée ? Y a‑t-il une ten­ta­tive de faire alter­na­tive ? 

Appeaux d’Appel (Signaux, danse et jeux) Phalanges d'harmonie - Mini-parade en micro-utopie - Chorège CDCN Falaise Normandie © ClaraRambaud
Appeaux d’Appel (Sig­naux, danse et jeux)
Pha­langes d’har­monie — Mini-parade en micro-utopie — Chorège CDCN Falaise Nor­mandie © ClaraRam­baud

On par­le ici d’utopies con­crètes, qui sont une branche bien par­ti­c­ulière du cor­pus utopique. Ce sont des modes d’ac­tion en prise avec le monde, inté­grés dans la vie sociale. On essaie d’y expéri­menter d’autres valeurs et modes de vie. À tra­vers notre recherche sur L’Enfance majeure, j’ai réu­ni une équipe de plusieurs per­son­nes, notam­ment la danseuse Emma Hard­er et la cir­cassi­enne Lucie Yer­lès. Nous avons tra­ver­sé des états de vie avec les enfants : ensem­ble, nous avons tra­vail­lé à la fab­ri­ca­tion d’un vocab­u­laire et à la mise en place d’un petit ter­ri­toire mou­vant, pro­vi­soire. Avec des com­mu­nautés d’enfants, nous avons fait des expéri­ences sen­sorielles, imag­i­naires, et nous nous sommes exposé·es à des ques­tions liées au fonc­tion­nement du groupe, au risque, mais aus­si au don et au partage. 

EN. Peux-tu dévelop­per en quoi ont con­sisté ces expéri­ences sen­sorielles et imag­i­naires avec les enfants ?

La pre­mière série d’ateliers s’est tenue à Mon­treuil-sur-Mer, en France. Nous avons mis l’accent sur l’ap­pro­pri­a­tion de l’e­space pub­lic par les enfants, car iels y sont sou­vent mis de côté, voire rejetés. Nous avons fait une recherche de matéri­aux d’am­biance et util­isé le bal­lot de paille comme objet cir­cassien. Nous en avons fait à la fois un agrès de cirque et un char de foire en mon­tant dessus et en le faisant rouler. Il peut être un élé­ment per­tur­ba­teur pour une rue ou pour un espace pub­lic : le dérouler crée un tapis de vingt-cinq mètres de long qui peut recou­vrir une rue. Un bal­lot de paille pèse 300 kilos, le met­tre ain­si entre les mains des enfants com­porte un cer­tain dan­ger. Nous avons mis en place toute une série de tech­niques de parade, de pro­tec­tion et de liens entre elleux pour pou­voir manip­uler un bal­lot de paille en toute sécu­rité. Par ailleurs, je trou­ve le bal­lot de paille fasci­nant dans la mesure où c’est un objet cap­i­tal­iste qu’on voit partout, au bord des routes, mais avec lequel on a très rarement l’oc­ca­sion de jouer, qu’on ne peut même pas touch­er. Cer­tains objets liés à la pro­duc­tion se sont mul­ti­pliés depuis cinquante à soix­ante-dix ans (à l’image des fils bar­belés ou des con­tain­ers) et nous cap­turent : ils nous privent de quelque chose. Le bal­lot de paille nous prive d’un rap­port à la terre, puisque c’est toute la mois­son qui a été com­plète­ment indus­tri­al­isée. Il représente l’aboutissement de l’a­gri­cul­ture inten­sive – on ne peut plus le gér­er nous-mêmes sans recourir à de gross­es machines. Nous l’avons repris avec les enfants pour redé­ploy­er le champ, les déchets du blé, c’est-à-dire la paille. Com­ment met­tre les enfants en puis­sance par des actes d’ap­pro­pri­a­tion de l’e­space pub­lic a été notre point de départ, et le bal­lot de paille s’est imposé comme créa­teur de coopéra­tion, de partage de risque, d’empuissantement poé­tique et pra­tique.

EN. Com­ment avez-vous plus spé­ci­fique­ment tra­vail­lé sur la con­fi­ance et l’autonomie ?

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Écrit par Emmanuelle Nizou
Emmanuelle Nizou est basée à Brux­elles. Elle engage des col­lab­o­ra­tions avec des artistes et des col­lec­tifs qui inven­tent,...Plus d'info
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