L’enfant qui défie la mort
Edito

L’enfant qui défie la mort

Le 9 Déc 2025
Image extraite de la vidéo La petite fille sans ombre dans l'opéra La femme sans ombre (acte II, scène 16) de R. Strauss, livret de Hugo von Hoffmannsthal, mise en scène de K Warlikowski, direction musicale de K. Petrenko, 2013, Bayesrische Staatsoper. © Denis Guéguin
Image extraite de la vidéo La petite fille sans ombre dans l'opéra La femme sans ombre (acte II, scène 16) de R. Strauss, livret de Hugo von Hoffmannsthal, mise en scène de K Warlikowski, direction musicale de K. Petrenko, 2013, Bayesrische Staatsoper. © Denis Guéguin
Image extraite de la vidéo La petite fille sans ombre dans l'opéra La femme sans ombre (acte II, scène 16) de R. Strauss, livret de Hugo von Hoffmannsthal, mise en scène de K Warlikowski, direction musicale de K. Petrenko, 2013, Bayesrische Staatsoper. © Denis Guéguin
Image extraite de la vidéo La petite fille sans ombre dans l'opéra La femme sans ombre (acte II, scène 16) de R. Strauss, livret de Hugo von Hoffmannsthal, mise en scène de K Warlikowski, direction musicale de K. Petrenko, 2013, Bayesrische Staatsoper. © Denis Guéguin

L’ouvrage col­lec­tif L’Enfant qui meurt, sous la direc­tion de Georges Banu – mem­bre inspiré de notre comité de rédac­tion et ancien directeur de thèse –, traite de la mort de l’enfant, vic­time d’une tragédie insouten­able et d’une des­tinée implaca­ble. L’enfant, fig­ure impuis­sante, livré à la fureur des dieux, désigne en vérité le par­ent, à savoir le clan et sa descen­dance. Qu’il soit tué, mas­sacré, voire ingéré, le châ­ti­ment est si vio­lent qu’une lignée entière, une dynas­tie, une race même est alors anéantie. De tout temps, de Shake­speare à Kane, d’Ibsen à Pom­mer­at, en pas­sant par Tchekhov et Maeter­linck, la mort de cet être vul­nérable nous émeut tou­jours autant.

Image extraite de la vidéo La petite fille sans ombre dans l'opéra La femme sans ombre (acte II, scène 16) de R. Strauss, livret de Hugo von Hoffmannsthal, mise en scène de K Warlikowski, direction musicale de K. Petrenko, 2013, Bayesrische Staatsoper. © Denis Guéguin
Image extraite de la vidéo La petite fille sans ombre dans l’opéra La femme sans ombre (acte II, scène 16) de R. Strauss, livret de Hugo von Hoff­mannsthal, mise en scène de K War­likows­ki, direc­tion musi­cale de K. Petrenko, 2013, Bayesrische Staat­sop­er. © Denis Guéguin

L’enfant qui meurt… De nos jours, rien n’a changé, si ce n’est que les hommes sont plus forts que les dieux.

Et cet enfant, à l’instant même où j’écris ces lignes, meurt d’une telle façon que le sort des damnés serait à envi­er. Son corps explose sous les bombes, ses os craque­nt sous les coups, ses mus­cles se déchirent sous le poids écras­ant des hommes, ses cris se per­dent dans l’obscurité froide de la mer, son souf­fle s’éteint faute de nour­ri­t­ure ; et face à tous ces cadavres, vic­times de crimes de guerre ou d’une vision poli­tique par­faite­ment struc­turée, l’enfant qui meurt n’en finit plus de mourir en vérité. 

Étrange­ment, à côté de cette fig­ure dés­espéré­ment famil­ière de l’enfant, rôde une autre fig­ure inno­cente, et sans trop savoir pourquoi, je n’ai cessé de la chercher et de l’évoquer, dans mes recherch­es et ma thèse, dans mon livre, mes livrets et mes arti­cles, et finale­ment, dans ce numéro aus­si. Moi, et de nom­breux autres artistes et chercheurs bien plus tal­entueux il faut le dire ! Tous ont par­ticipé à cette aven­ture, tous1, je les remer­cie du fond du cœur.  

Cet enfant qui existe et qui est bien vivant, je le con­firme, prend par­fois la forme d’un fan­tôme ;  peut-être même que, par moments,  il devient impal­pa­ble, et on se dit alors que tout cela n’est qu’un rêve, une illu­sion, celle d’une enfance per­due, fan­tas­mée, tein­tée de la nos­tal­gie d’un monde dis­paru ; mais qu’importe après tout, car si la mort de l’enfant est un sujet inépuis­able au théâtre, si la mort de l’enfant est une tragédie qui se répète indéfin­i­ment et inlass­able­ment dans la vie réelle, si les infan­ti­cides se mul­ti­plient en rai­son de la mis­ère sociale, il est pour­tant une fig­ure d’enfant qui défie la mort et racon­te une vie certes frag­ile mais aus­si tenace. À la mort à la vie, la fig­ure d’un autre enfant au théâtre. 

  1. J’ai une pen­sée chaleureuse et com­plice pour San­drine Le Pors et son mag­nifique numéro de “Per­cées” n°10, que j’ai décou­vert tan­dis que cet numéro 153 était en cours. Très vision­naire, ce numéro traite mag­nifique­ment du sujet de la nais­sance et de l’ac­couche­ment :
    https://percees.uqam.ca/numeros/theatres-contemporains-de-la-naissance-et-poetiques-de-laccouchement/ ↩︎
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Portrait de Leyli Daryoush
Écrit par Leyli Daryoush
Leyli Dary­oush (née en 1975 à Téhéran) est musi­co­logue, doc­teure en études théâ­trales (2009) et mem­bre du comité...Plus d'info
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Par Marjorie Bertin
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