Dans l’opéra Macbeth, que ce soit celui représenté à la Monnaie/ De Munt en 2010 ou la version de Salzburg en 2023, le vrai sujet, pour Warlikowski, reste l’infertilité de Lady Macbeth. Qu’il s’agisse d’enfant morts-nés ou de stérilité, de cette absence d’héritier et du vide abyssal au sein du couple Macbeth, adviendra une quête du pouvoir et le meurtre des descendants de tout autre clan. Que des figures d’enfants, inquiétantes créatures omniprésentes sur le plateau, incarnent les obsessions de Lady Macbeth ou les visions effrayantes de Macbeth, tout dans la dramaturgie évoque l’enfant, celui qui n’adviendra jamais et dont l’absence va se démultiplier pour hanter l’immense plateau du Grosses Festspielhaus tout au long de l’œuvre.
Chorégraphe de Krzysztof depuis 2010, je suis chargé de collaboration avec les enfants
La figure de l’enfant et le sujet de l’enfance sont très présents dans le travail de Krzysztof. Il y a beaucoup d’enfants dans ses spectacles, surtout les opéras. Quant à moi, je suis le chorégraphe de Krzysztof depuis 2010, et les enfants sont devenus le cœur de ma problématique et de mon travail !
En 2010, j’ai collaboré pour la première fois, en tant qu’assistant à la mise en scène, avec Krzysztof. C’était pour la production de Macbeth à La Monnaie/de Munt1. Je n’étais pas encore chargé de collaborer avec les enfants, mais ce sera le cas pour Lulu2, Wozzeck3, puis toutes les autres productions de Krzysztof : dans La Femme sans ombre4, par exemple, nous avions une petite fille et des enfants-faucons, tout comme il y aura une petite fille dans Salomé5.
La production de Wozzeck à Amsterdam reste mon meilleur souvenir de collaboration avec des enfants. L’opéra s’ouvrait sur une séquence de ballroom avec des enfants-danseurs. Ici, nous avions des petits artistes de scène, des danseurs semi-professionnels, qui savaient danser le tango et le cha-cha. Certes, ils étaient petits, mais déjà des danseurs confirmés. Pour Lulu également, j’ai collaboré avec des petits danseurs en herbe. Pour tous ces enfants en voie de professionnalisation, je pouvais écrire une chorégraphie et déclencher des improvisations, car nous avions un langage commun.
Lors de la création de Macbeth6 à Salzbourg, la situation était très différente, car il s’agissait d’enfants purement amateurs. Mais cette production se distinguait sur un autre point, à savoir qu’il y avait vingt-cinq enfants, entre sept et douze ans, sur le plateau, et leur investissement scénique était sans précédent : ils incarnaient les sorciers, étaient présents pendant l’enterrement du roi et jouaient la mort de tous les enfants de Macduff. Et je dois dire qu’il y avait vraiment beaucoup de participation de leur part.
Les protocoles de protection de l’enfance
Je constate, avec le temps, que les protocoles de protection de l’enfance changent énormément, et qu’en raison de ces changements notre rapport aux enfants se modifie également. Je l’ai ressenti il y a deux ans, lors de la création de Macbeth à Salzbourg, quand la direction du festival m’a demandé de rencontrer tous les parents pour leur exposer le projet avec la présence de toute l’équipe. Il y avait un protocole de protection en place pourtant, et les parents avaient déjà rencontré les membres concernés du festival, mais, là, ils voulaient aussi rencontrer l’équipe au complet. Je trouvais que c’était un peu trop, alors j’ai refusé, disant qu’il n’était pas nécessaire de déplacer tant de monde lors de la réunion, et que je m’en occuperais personnellement, puisque c’était moi qui avais en charge la collaboration avec les enfants. Et durant cette rencontre, il y avait une vidéo géante, avec des images du spectacle expliquées aux parents. Sène après scène, tout était détaillé : les enfants font ci et ça, et pour telle ou telle raison dramaturgique…

J’ai réalisé, après coup, que ce n’était pas tant la proposition du projet qui imposait qu’il nous fallût rassurer les parents. Il y avait d’une part le pourquoi et le comment des costumes et des situations, et de l’autre la démonstration et la preuve que nous n’étions ni pédophiles ni dangereux. C’était une reprise pourtant, nous avions déjà été présents pour d’autres productions les années précédentes, le festival était une garantie en soi, avec un encadrement mis en place, et puis nous n’étions pas tout seuls dans une chambre noire avec des enfants, quand même ! Les salles de répétition, c’est un espace avec beaucoup de monde, des équipes bienveillantes…
D’ailleurs, je devais refaire un casting cette année, les enfants de la création de 2023 étant devenus trop grands. Mais le cadre pour les auditions était devenu tellement sécuritaire que je n’ai pas voulu m’en charger.
Travailler avec les enfants dans un cadre très strict
Dans Macbeth, vingt-cinq enfants investissent le plateau et les répétitions – c’était une organisation monstre pour gérer tout cela. J’avais deux assistants qui m’accompagnaient ; il y avait des garderies d’enfants qui organisaient des jeux quand ceux-ci étaient en pause ; il fallait toujours une personne pour les emmener aux toilettes pendant les répétitions ; il y avait le goûter ; il y avait les coulisses également, car au moment des représentations il fallait prévoir leurs entrées et les calmer aussi, avant qu’ils n’entrent en scène… Ce n’est pas rien, des enfants, dans une production !




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