Macbeth de K. Warlikowski au Festival de Salzburg
Entretien
Opéra

Macbeth de K. Warlikowski au Festival de Salzburg

Paroles du chorégraphe Claude Bardouil sur les répétitions d’enfants

Le 8 Déc 2025
Macbeth, opéra de G. Verdi, livret de M. Piave, mise en scène de Krzysztof Warlikowski, direction musicale de Philippe Jourdan, Festival de Salzburg 2025 © Ruth Walz
Macbeth, opéra de G. Verdi, livret de M. Piave, mise en scène de Krzysztof Warlikowski, direction musicale de Philippe Jourdan, Festival de Salzburg 2025 © Ruth Walz

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Macbeth, opéra de G. Verdi, livret de M. Piave, mise en scène de Krzysztof Warlikowski, direction musicale de Philippe Jourdan, Festival de Salzburg 2025 © Ruth Walz
Macbeth, opéra de G. Verdi, livret de M. Piave, mise en scène de Krzysztof Warlikowski, direction musicale de Philippe Jourdan, Festival de Salzburg 2025 © Ruth Walz

Dans l’opéra Mac­beth, que ce soit celui représen­té à la Monnaie/ De Munt en 2010 ou la ver­sion de Salzburg en 2023, le vrai sujet, pour War­likows­ki, reste l’infertilité de Lady Mac­beth. Qu’il s’agisse d’enfant morts-nés ou de stéril­ité, de cette absence d’héritier et du vide abyssal au sein du cou­ple Mac­beth, advien­dra une quête du pou­voir et le meurtre des descen­dants de tout autre clan. Que des fig­ures d’enfants, inquié­tantes créa­tures omniprésentes sur le plateau, incar­nent les obses­sions de Lady Mac­beth ou les visions effrayantes de Mac­beth, tout dans la dra­maturgie évoque l’enfant, celui qui n’adviendra jamais et dont l’absence va se démul­ti­pli­er pour hanter l’immense plateau du Gross­es Fest­spiel­haus tout au long de l’œuvre.

Choré­graphe de Krzysztof depuis 2010, je suis chargé de col­lab­o­ra­tion avec les enfants

La fig­ure de l’enfant et le sujet de l’enfance sont très présents dans le tra­vail de Krzysztof. Il y a beau­coup d’enfants dans ses spec­ta­cles, surtout les opéras. Quant à moi, je suis le choré­graphe de Krzysztof depuis 2010, et les enfants sont devenus le cœur de ma prob­lé­ma­tique et de mon tra­vail !  

En 2010, j’ai col­laboré pour la pre­mière fois, en tant qu’assistant à la mise en scène, avec Krzysztof. C’était pour la pro­duc­tion de Mac­beth à La Monnaie/de Munt1. Je n’étais pas encore chargé de col­la­bor­er avec les enfants, mais ce sera le cas pour Lulu2, Wozzeck3, puis toutes les autres pro­duc­tions de Krzysztof : dans La Femme sans ombre4, par exem­ple, nous avions une petite fille et des enfants-fau­cons, tout comme il y aura une petite fille dans Salomé5.  

La pro­duc­tion de Wozzeck à Ams­ter­dam reste mon meilleur sou­venir de col­lab­o­ra­tion avec des enfants. L’opéra s’ouvrait sur une séquence de ball­room avec des enfants-danseurs. Ici, nous avions des petits artistes de scène, des danseurs semi-pro­fes­sion­nels, qui savaient danser le tan­go et le cha-cha. Certes, ils étaient petits, mais déjà des danseurs con­fir­més. Pour Lulu égale­ment, j’ai col­laboré avec des petits danseurs en herbe. Pour tous ces enfants en voie de pro­fes­sion­nal­i­sa­tion, je pou­vais écrire une choré­gra­phie et déclencher des impro­vi­sa­tions, car nous avions un lan­gage com­mun. 

Lors de la créa­tion de Mac­beth6 à Salzbourg, la sit­u­a­tion était très dif­férente, car il s’agissait d’enfants pure­ment ama­teurs. Mais cette pro­duc­tion se dis­tin­guait sur un autre point, à savoir qu’il y avait vingt-cinq enfants, entre sept et douze ans, sur le plateau, et leur investisse­ment scénique était sans précé­dent : ils incar­naient les sor­ciers, étaient présents pen­dant l’enterrement du roi et jouaient la mort de tous les enfants de Mac­duff. Et je dois dire qu’il y avait vrai­ment beau­coup de par­tic­i­pa­tion de leur part.  

Les pro­to­coles de pro­tec­tion de l’enfance 

Je con­state, avec le temps, que les pro­to­coles de pro­tec­tion de l’enfance changent énor­mé­ment, et qu’en rai­son de ces change­ments notre rap­port aux enfants se mod­i­fie égale­ment. Je l’ai ressen­ti il y a deux ans, lors de la créa­tion de Mac­beth à Salzbourg, quand la direc­tion du fes­ti­val m’a demandé de ren­con­tr­er tous les par­ents pour leur expos­er le pro­jet avec la présence de toute l’équipe. Il y avait un pro­to­cole de pro­tec­tion en place pour­tant, et les par­ents avaient déjà ren­con­tré les mem­bres con­cernés du fes­ti­val, mais, là, ils voulaient aus­si ren­con­tr­er l’équipe au com­plet. Je trou­vais que c’était un peu trop, alors j’ai refusé, dis­ant qu’il n’était pas néces­saire de déplac­er tant de monde lors de la réu­nion, et que je m’en occu­perais per­son­nelle­ment, puisque c’était moi qui avais en charge la col­lab­o­ra­tion avec les enfants. Et durant cette ren­con­tre, il y avait une vidéo géante, avec des images du spec­ta­cle expliquées aux par­ents. Sène après scène, tout était détail­lé : les enfants font ci et ça, et pour telle ou telle rai­son dra­maturgique…  

Macbeth, opéra de G. Verdi, livret de M. Piave, mise en scène de Krzysztof Warlikowski, direction musicale de Philippe Jourdan, Festival de Salzburg 2025 © Ruth Walz
Mac­beth, opéra de G. Ver­di, livret de M. Piave, mise en scène de Krzysztof War­likows­ki, direc­tion musi­cale de Philippe Jour­dan, Fes­ti­val de Salzburg 2025 © Ruth Walz

J’ai réal­isé, après coup, que ce n’était pas tant la propo­si­tion du pro­jet qui impo­sait qu’il nous fal­lût ras­sur­er les par­ents. Il y avait d’une part le pourquoi et le com­ment des cos­tumes et des sit­u­a­tions, et de l’autre la démon­stra­tion et la preuve que nous n’étions ni pédophiles ni dan­gereux. C’était une reprise pour­tant, nous avions déjà été présents pour d’autres pro­duc­tions les années précé­dentes, le fes­ti­val était une garantie en soi, avec un encadrement mis en place, et puis nous n’étions pas tout seuls dans une cham­bre noire avec des enfants, quand même ! Les salles de répéti­tion, c’est un espace avec beau­coup de monde, des équipes bien­veil­lantes… 

D’ailleurs, je devais refaire un cast­ing cette année, les enfants de la créa­tion de 2023 étant devenus trop grands.  Mais le cadre pour les audi­tions était devenu telle­ment sécu­ri­taire que je n’ai pas voulu m’en charg­er. 

Tra­vailler avec les enfants dans un cadre très strict

Dans Mac­beth, vingt-cinq enfants investis­sent le plateau et les répéti­tions – c’était une organ­i­sa­tion mon­stre pour gér­er tout cela. J’avais deux assis­tants qui m’accompagnaient ; il y avait des garderies d’enfants qui organ­i­saient des jeux quand ceux-ci étaient en pause ; il fal­lait tou­jours une per­son­ne pour les emmen­er aux toi­lettes pen­dant les répéti­tions ; il y avait le goûter ; il y avait les couliss­es égale­ment, car au moment des représen­ta­tions il fal­lait prévoir leurs entrées et les calmer aus­si, avant qu’ils n’entrent en scène… Ce n’est pas rien, des enfants, dans une pro­duc­tion !  

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Macbeth
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Portrait de Leyli Daryoush
Écrit par Leyli Daryoush
Leyli Dary­oush (née en 1975 à Téhéran) est musi­co­logue, doc­teure en études théâ­trales (2009) et mem­bre du comité...Plus d'info
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Par Marie Bernanoce
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