La danse de la terre

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La danse de la terre

Le 12 Avr 1985

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Le butô et ses fantômes-Couverture du Numéro 22-23 d'Alternatives ThéâtralesLe butô et ses fantômes-Couverture du Numéro 22-23 d'Alternatives Théâtrales
22 – 23
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Le spec­ta­cle de Hijika­ta1 appelle en nous une mul­ti­tude d’images:fœtus, femmes, sexe, orig­ine, une goze2 se ten­ant sur la scène comme dans un tableau, ou encore cette atmo­sphère sen­si­ble du nord du Japon en hiv­er dont nous entre­tient Hijika­ta ; et ces images nous envahissent et vien­nent se super­pos­er au spec­ta­cle réel.

Je voy­ais pour la pre­mière fois Hijika­ta Tat­su­mi, sans rien con­naitre de sa per­son­nal­ité ni de sa philoso­phie de la danse ; pour­tant, ce danseur si dif­férent des danseurs que l’on voit habituelle­ment, je l’ai sen­ti proche de moi.

Est-ce une impres­sion pure­ment per­son­nelle ? Sur la scène, je n’ai vu aucun homme : à part quelques êtres évo­quant des fœtus ou des sper­ma­to­zoïdes, on ne voit que des femmes. Elles cachent leur pas­sion jusqu’à l’ob­sti­na­tion tout en don­nant l’im­pres­sion de répan­dre leur féminité jusqu’aux extrémités de leur chair déchirée :tête tor­due de tra­vers, exposées en leur nudité, éten­dues, les jambes igno­ble­ment écartées, elles rejet­tent toute féminité ordi­naire, mal­gré quoi on ne peut douter qu’elles soient fières de leur pro­pre vie, de leur exis­tence réelle de femmes, et le sexe gémit vers l’e­space vide comme s’il n’avait pas besoin de l’homme. Est-ce en rap­port avec la fameuse « absence du père »3 que, pen­dant la pre­mière danse de la série, le corps de Hijika­ta, recou­vert de coton, sem­ble délais­sé, han­té par le vide qu’au­rait lais­sé quelque chose en lui ?

Une fois seule­ment, lorsqu’il vient répon­dre aux applaud­isse­ments, il appa­raît comme un homme et même comme un père. Il y a avec lui un enfant et cinq femmes, et Hijika­ta, aban­don­né comme un Pier­rot, comme s’il accep­tait mal­gré lui le rôle du père, lève la main sur la scène, lais­sant flot­ter sur ses lèvres l’om­bre d’un sourire presque amer :sa bonne volon­té ressem­ble à de la résig­na­tion. Ici j’ai ressen­ti que Hijika­ta est en réal­ité plein de ten­dresse, et cette impres­sion, loin de me quit­ter, s’est même ren­for­cée tout au long du spec­ta­cle.

Les spec­ta­teurs perçoivent la danse dans sa total­ité : éclairages, sonorités, tex­tures, etc. — mais l’essen­tiel se trou­ve évidem­ment dans les gestes des danseurs : leurs atti­tudes, leur façon de bouger, de se recro­queviller, de lever les mains, les jambes… L’ensem­ble de ces mou­ve­ments, la res­pi­ra­tion des danseurs, leur façon d’ar­tic­uler os et ten­dons : tous ces élé­ments con­stituent la clé du spec­ta­cle, que nous pou­vons ressen­tir dans notre pro­pre corps de manière physique, par­tic­i­pant ain­si avec notre pro­pre chair au monde intérieur des danseurs.

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