Apprendre à être acteur : les deux écoles de Suisse romande

Apprendre à être acteur : les deux écoles de Suisse romande

Le 22 Fév 1986

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Imiter est naturel aux hommes et se man­i­feste dès leur enfance (l’homme dif­fère des autres ani­maux en ce qu’il est très apte à l’imitation et c’est au moyen de celle-ci qu’il acquiert ses pre­mières con­nais­sances) et, en sec­ond lieu, tous les hommes pren­nent plaisir aux imi­ta­tions.
Aris­tote, La poé­tique 

On admir­era la sim­plic­ité avec laque­lle Aris­tote définit, au IVe siè­cle avant J.C., le plaisir simul­tané de l’ac­teur et du spec­ta­teur, ain­si que l’u­til­ité didac­tique de leur plaisir réciproque. Ce qu’il ne dit pas, c’est que les hommes sont diverse­ment doués pour l’im­i­ta­tion. Du moins, de l’histri­on­isme spon­tané, qui peut faire la joie des tables de famille, à l’art de plaire et d’in­stru­ire par la représen­ta­tion sen­si­ble et cri­tique des rela­tions humaines, il y a toute la dis­tance qui sépare le jeu au sens d’ac­tiv­ité d’é­va­sion et de défoule­ment et le jeu que guident des règles pré­cis­es, dont la trans­for­ma­tion ou même la trans­gres­sion imposera, a son tour, de nou­velles règles. Pour dis­tinguer ces deux types de jeu, l’anglais dis­pose de deux ter­mes : play désigne la créa­tiv­ité désor­don­née ; et game, ces exer­ci­ces qui délassent tout en mobil­isant les ressources de intu­ition, de l’in­tel­li­gence et du cal­cul : le jeu des échecs, les jeux de cartes, les jeux du stade.

C’est évidem­ment à ce deux­ième type qu’il faut rat­tach­er le jeu de l’ac­teur de méti­er, et l’ap­pren­tis­sage de ce méti­er con­siste sou­vent à pass­er du play au game ; à asseoir des dons naturels sur la con­nais­sance des forces qui règ­lent la vie des hommes et sur les tech­niques néces­saires à leur représen­ta­tion. C’est pourquoi, les théâtres pro­fes­sion­nels et sub­ven­tion­nés s’é­tant dévelop­pés en Suisse romande depuis 19471, les anci­ennes class­es de décla­ma­tion inclus­es dans les Con­ser­va­toires de musique ont vu la néces­sité de se ren­forcer et de se restruc­tur­er pour se con­ver­tir, l’une en l’Ecole romande d’art dra­ma­tique (ERAD, Lau­sanne, 1960); l’autre, en l’Ecole supérieure d’art dra­ma­tique (ESAD, Genève, 1971). Les Con­ser­va­toires con­tin­u­ent de les abrit­er2.

Vu de haut, le cur­sus actuel des deux écoles offre des ressem­blances : après une propédeu­tique, l’ap­pren­tis­sage est de trois ans. Au pro­gramme, des cours tech­niques le matin ! tech­niques res­pi­ra­toires, vocales et cor­porelles ; un cours théorique aus­si ; l’après-midi et le soir, des stages ou ate­liers, assurés par des maîtres affil­iés à l’école ou appelés de l’é­tranger ; d’une durée vari­able de 2 à 10 semaines, les stages aboutis­sent d’or­di­naire à ta présen­ta­tion d’un spec­ta­cle ou d’un exer­ci­ce, soumis à l’é­val­u­a­tion des pro­fesseurs. 

Vues de près, en revanche, les deux Doyens, d’abord : l’é­cole genevoise est dirigée par Mme Ley­la Aubert, for­mée au cours parisien de Tania Bal­a­cho­va et à Lon­dres ; celle de Lau­sanne, par André Steiger ; met­teur en scène et comé­di­en, il a paye son péd­a­gogiques qui ont fait la vie du théâtre fran­coph­o­ne depuis trente ans. La ou la pre­mière insiste sur grossière­ment esquis­sées, deux ori­en­ta­tions com­plé­men­taires qui remon­tent aux deux maitres de l’art théâ­tral mod­erne : Stanislavs­ki et Brecht. Deux ori­en­ta­tions qui peu­vent influer sur le choix des pro­fesseurs, et aux­quelles ce choix, d’ailleurs, pro­fesseurs sont engagés de part et d’autre.
Ecoles qui résol­vent aus­si cha­cune à leur façon les ques­tions aux­quelles quelques-unes de ces ques­tions que le présent arti­cle voudrait expos­er.

Niveau propédeu­tique et niveau pro­fes­sion­nel
Com­ment s’ar­tic­u­lent ces deux niveaux ? A Lau­sanne, le lien se fait organique­ment. Le cur­sus total étant de qua­tre ans, la pre­mière année accueille un grand nom­bre d’élèves : en 1984, vingt-qua­tre, sur une quar­an­taine de deman­des. Les élèves tra­vail­lent surtout en ate­liers libres, le rôle des pro­fesseurs étant de don­ner des con­seils, de répon­dre aux ques­tions, de fournir au tra­vail qui Stag­n­erait des impul­sions nou­velles. Et c’est à la fin de cette année que le corps pro­fes­so­ral désigne ceux qui lui parais­sent avoir les dons, mais aus­si l’én­ergie et l’en­gage­ment néces­saires pour envis­ager la pro­fes­sion. En 1984, neuf per­son­nes ont été retenues pour la deux­ième année.

Le Con­ser­va­toire de Genève, lui, abrite, out­re l’E­SAD, une école dite élé­men­taire, d’une durée de trois ans, qui, conçue comme un ser­vice pub­lic, va jusqu’à accueil­lir en début d’an­née cent ou cent-vingt inscrip­tions. Là se côtoient, quelques heures par semaine, les moti­va­tions, les besoins et les ambi­tions les plus dis­parates : les ama­teurs du play, ceux qui visent la maitrise du game, et toutes sortes de gens dont les activ­ités futures exigeront aisance orale et tenue cor­porelle — enseignants, avo­cats, etc. — A la fin de la troisième année, ceux des élèves qui ont tenu bon, alors au nom­bre de vingt ou trente, soit obti­en­nent une sim­ple attes­ta­tion d’é­tudes, soit présen­tent scènes et poèmes — il s’ag­it alors d’un con­cours — en vue de leur admis­sion à l’E­SAD. Le jury de l’E­SAD, com­posé de pro­fesseurs autres que ceux de l’é­cole élé­men­taire, en admet un max­i­mum de dix par année.

Sur quels critères admet­tre un élève dans l’é­cole ?
Il existe dans le monde, sur ce point, deux tra­di­tions dif­férentes. La pre­mière assim­i­le l’é­cole d’art dra­ma­tique à une haute école, à une Uni­ver­sité ; elle exige donc de ses can­di­dats le bac­calau­réat ou son équiv­a­lent. Cer­taines uni­ver­sités anglo-sax­onnes, par exem­ple, dis­posent de Départe­ments of dra­ma munis d’une scène et dis­pen­sant un enseigne­ment à la fois théorique et pra­tique. Le licen­cié qui en sort a des cordes à son arc : il sera, selon ses apti­tudes et ses visées, comé­di­en, dra­maturge, met­teur en scène, cri­tique, péd­a­gogue ; il dirig­era une revue, une mai­son d’édi­tion, il fera de la recherche. Selon cette belle tra­di­tion, pra­tique de l’art et réflex­ion sur l’art sont indis­so­cia­bles.

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