Le Théâtre du loup
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Le Théâtre du loup

Le 19 Fév 1986
Article publié pour le numéro
Le théâtre en Suisse Romande-Couverture du Numéro 25 d'Alternatives ThéâtralesLe théâtre en Suisse Romande-Couverture du Numéro 25 d'Alternatives Théâtrales
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Plutôt qu’une troupe de théâtre ordi­naire, le Théâtre du loup est un groupe col­ore et divers, une sorte de tribu informelle com­prenant enfants, adultes, musi­ciens, comé­di­ens, ama­teurs ou pro­fes­sion­nels, tous réu­nis par un ent­hou­si­asme con­stant et com­mu­ni­catif. Des saltim­ban­ques mod­ernes en Somme, trans­portant leurs malles de cos­tumes de salles com­mu­nales en entre­pôts désaf­fectes et affichant claire­ment leur goût et leur par­ti-pris pour une cul­ture acces­si­ble a tous, pop­u­laire — sans fior­i­t­ures théoriques autour de ce mot -, qu’elle s’in­spire des con­tes de Grimm, de textes de Gabriel Gar­cia Mar­quez ou de la bande dess­inée.

Photos Maurice Aeschimann
Pho­tos Mau­rice Aeschi­mann

A ne pas con­fon­dre cepen­dant avec une bande de copains doues, un tan­ti­net idéal­istes et far­felus à leurs heures. Car, sous des dehors décon­trac­tés et un air de ne pas se pren­dre au sérieux, le groupe sait faire preuve d’une haute exi­gence de tra­vail, et d’une remar­quable capac­ité d’évo­lu­tion et d’in­no­va­tion dans sa démarche.
Avec sept années d’ex­is­tence et une douzaine de créa­tions de spec­ta­cles a son act­if, sans compter les réal­i­sa­tions ponctuelles et autres ani­ma­tions de quarti­er, le Loup con­stitue aujour­d’hui l’une des expéri­ences les plus orig­i­nales du théâtre indépen­dant en Suisse romande : per­for­mance exem­plaire, étant don­né l’é­tat d’é­clate­ment et de pré­car­ité dans lequel le théâtre non insti­tu­tion­nel est délibéré­ment main­tenu dans nos régions. Ce suc­cès, — non exempt de dif­fi­cultés et de zones d’om­bre, du cote des con­di­tions matérielles et finan­cières notam­ment — le Théâtre du loup le doit sans doute autant a sa manière d’as­sumer pleine­ment son indépen­dance vis-a-vis du théâtre Insti­tu­tion­nel qu’à sa ténac­ité dans le tra­vail.

A ses débuts, le groupe se con­sacre à la réal­i­sa­tion de spec­ta­cles encore proches de l’an­i­ma­tion — d’ou il est issu — et util­isant des moyens scéniques élé­men­taires. Déjà, les masques et la musique font par­tie inté­grante du jeu et un per­son­nage de con­teur assure la par­tie nar­ra­tive du spec­ta­cle. Déjà, les dis­tri­b­u­tions rassem­blent adultes et enfants, et déjà le courant passe avec le pub­lic, séduit par la sim­plic­ité, l’ingéniosité et l’hu­mour de ces réal­i­sa­tions.

Mais c’est en 1981 que le Loup fran­chit sa pre­mière étape déci­sive en présen­tant, sous le titre 

Les curieux vin­rent de loin,
l’adap­ta­tion scénique d’un con­te de Gabriel Gar­cia Mar­quez. Deux ans de pré­pa­ra­tion, une salle de paroisse entière­ment trans­for­mée en plage, avec sable, crabes et falais­es imposantes, plus de trente inter­prètes et une grande rigueur dans le tra­vail font de cette entre­prise, titanesque au regard des con­di­tions dans lesquelles elle a été menée a bien, une totale réus­site, cent pour cent de fréquen­ta­tion et un suc­cès cri­tique unanime. Loin des insti­tu­tions et des théories sur le théâtre, le Loup, cet automne-la, sort véri­ta­ble­ment de sa tanière.
Il ne cessera depuis lors d’af­firmer son orig­i­nal­ité et son indépen­dance, d’in­ven­ter des formes inédites de spec­ta­cles, priv­ilé­giant l’im­age plutôt que le texte, mani­ant l’hu­mour avec légèreté et vir­tu­osité et réu­nis­sant tou­jours es inter­prètes les plus divers sous le signe du plaisir et du jeu. Sous le signe de la rigueur et du risque aus­si, car — et c’est sans doute là une des clés du suc­cès et de la dura­bil­ité du Loup — chaque nou­veau spec­ta­cle est un pas en avant, sur le plan de l’ex­plo­ration de nou­veaux ter­ri­toires, de nou­velles pos­si­bil­ités, de nou­veaux enjeux.

Ain­si, il y a trois ans, le Loup s’attaque-t-il a un pro­jet dont la nou­veauté et l’ac­tu­al­ité ne sont pas force­ment syn­onymes de réus­site facile : porter a la scène des univers de ban­des dess­inées, recréer en trois dimen­sions cet espace visuel et imag­i­naire, ce monde de l’el­lipse et du clin d’œil fugi­tif, ces per­son­nages aux com­porte­ments imprévis­i­bles et sou­vent absur­des. Ger­ald Poussin d’abord, jeune bédéiste genevois, puis Georges Her­ri­man, dessi­na­teur améri­cain du début du siè­cle, surtout con­nu des ini­tiés, seront donc les inspi­ra­teurs de deux spec­ta­cles récents du Loup : Bud­dy et Flap­po brû­lent les planch­es et Krazy Kat. Deux réal­i­sa­tions qui, quoique bien dif­férentes l’une de l’autre, ont révélé le déco­ra­teur Eric Jean­mon­od, qui est aus­si le con­cep­teur des spec­ta­cles et e prin­ci­pal ani­ma­teur du Loup, autant qu’elles ont démon­tré la capac­ité du groupe a porter un tra­vail de grande exi­gence artis­tique, tout en gar­dant sa fraicheur et son charme, pro­pres.
Haut en couleurs, four­mil­lent de per­son­nages inso­lites et drôla­tiques, Bud­dy et Flap­po nous entraine dans un univers pro­pre­ment déli­rant que les deux héros tra­versent avec une bon­homie et une naïveté dignes des plus grands comiques. A l’op­posé, Krazy Kat est un spec­ta­cle sobre, tout en noir et blanc, dont les trois per­son­nages prin­ci­paux — par­mi lesquels un enfant, remar­quable — sont lies par des rap­ports oscil­lant entre haine et ten­dresse : l’é­mo­tion con­tenue et l’hu­mour tout en demi-teinte y sont comme une corde ten­due au-dessus du néant et de l’ab­sur­dité des choses…

Avec ces deux réal­i­sa­tions, créées en alter­nance avec des spec­ta­cles réu­nis­sant toute sa meute, le Théâtre du loup saute la bar­rière de l’ex­péri­ence locale et mérite large­ment une audi­ence qui dépasse les fron­tières de la Romandie. Par le car­ac­tère unique de sa démarche autant que par sa maitrise du lan­gage scénique qu’il s’est choisi.

Krazy Kat d’après George Her­ri­man
par le Théâtre du loup
Avec : François Berthet, Chris­t­ian Graf,
Eric Jean­mon­od, Rossel­la
Riccaboni,Sandro Ros­set­ti,
Simon Aeschi­mann, Aloys.
Adap­ta­tion scénique, masques, décors et
mise en scène : Eric Jean­mon­od.

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