« La prose du Transsibérien » de Blaise Cendrars, un spectacle de Jacques Probst 
Non classé

« La prose du Transsibérien » de Blaise Cendrars, un spectacle de Jacques Probst 

Le 20 Fév 1986
Article publié pour le numéro
Le théâtre en Suisse Romande-Couverture du Numéro 25 d'Alternatives ThéâtralesLe théâtre en Suisse Romande-Couverture du Numéro 25 d'Alternatives Théâtrales
25
Article fraîchement numérisée
Cet article rejoint tout juste nos archives. Notre équipe le relit actuellement pour vous offrir la même qualité que nos éditions papier. Pour soutenir ce travail minutieux, offrez-nous un café ☕

Après un acci­dent, radius et cubi­tus dehors de la peau, j’avais reçu un texte de Cen­drars. A tra­vers les fron­tières de l’hôpi­tal. On m’avait don­né du courage. Courage jamais aveu­gle des engins qui fon­cent franchir les ponts de fer. J’é­tais aus­si « en mon ado­les­cence », un demi-siè­cle plus tard. Plus tard, demain, tou­jours, tous deman­deront du courage. Une âme écrite venait vers moi, dans l’u­l­ule­ment chim­ique des chemins de fer. Fra­ter­nité des semelles, d’une roue, de trois manch­es de couteau. Un de ces couteaux m’avait été offert par un sculp­teur pié­mon­tais louant son méti­er à un anti­quaire d’une froide ville alpine.

Et Cen­drars ? Un cœur capa­ble de nom­mer les pau­vres cœurs. | devine dans les recoins mon­di­aux la fraîcheur d’une sol­danelle espérant sous la neige !
Après, je suis par­ti. Vers les trains d’Asie. De l’autre côté des mon­tagnes où est né le père de mon père, où est né mon père un an après que Cen­drars ait date la Prose du Transsi­bérien. C’é­tait le temps où je reje­tais la con­fu­sion. Et la con­fu­sion m’ap­pelait. J’ap­pre­nais à écrire. Cen­drars m’avait souf­flé des con­signes, mais je n’avais pas de maitre. Vers quel monde diriger la vie ? Cen­drars est le pre­mier écrivain qui m’ait indiqué une inclass­able con­trée. Et j’ai été là où il n’a pas écrit qu’il était allé, là où jamais je n’au­rai mor­du à un cru­el et dis­trait mariage. Cen­drars a écrit :
«Je voudrais n’avoir jamais fait mes voy­ages ? »
J’avais lu, enten­du, et j’é­tais quand même par­ti.

Force d’une gifle qui n’est pas une gifle.
J’ai marché vers les trains. Et dans chaque train j’ai touché les peaux qui font que tous on se ressem­ble.
Les lignes du désert et de la jun­gle :
Bel­grade-Istam­bul
Teheran-Zahedan
Bom­bay-Madras
Et la che­nille de Dar­jeel­ing, quand le pré­posé en tur­ban rouge, accroupi sur une planche ficelée au muse­au de la loco­mo­tive, ver­sait du sable sur le rail, comme un enfant qui joue, pour faire adhér­er la machine.
En avant !
On est des sémaphores avides de ne rien sig­naler. Et la volon­té des trains nous met le sang aux veines.
Au bas des pan­talons, les dysen­ter­ies !
Et cette parole de Cen­drars, de der­rière un ciel qui est notre ciel :
«Le paysage ne m’in­téresse plus Mais la danse du paysage..»
Il n’y a plus de train, et dans la Prose du Transsi­berien je retrou­ve tous mes trains.

La vie, loco­mo­tive d’où le mécani­cien fou prévoit de sauter, où il croche pour­tant, décidé a emmen­er le con­voi par-dessus tous les ponts de fer.

Ce soir je pense aux plan­ta­tions hachées par une grêle furieuse comme le per­ro­quet des enfers, et j’en­voie aux planteurs con­tem­plat­ifs cette parole de Cen­drars, écrite il y a si longtemps que c’est comme hier :
«Quand on voy­age on devrait fer­mer les yeux..»
Et je pense à Jacques Prob­st et Patrick Mamie. Avec la dureté et la douceur sobres, nettes, ils nous redonnent la Prose du Transsi­bérien, ils amè­nent en nous sa force rugueuse, puis­sam­ment harcelée comme toute une exis­tence.


La prose du Transsi­bérien
de Blaise Cen­drars
par Jacquers Prob­st
avec Jacques Probs
et Patrick Mamie, accordéon
Musique orig­i­nale : Patrick Mamie
Eclairages : Lil­iane Ton­del­li­er 

Non classé
2
Partager
Partagez vos réflexions...

Vous aimez nous lire ?

Aidez-nous à continuer l’aventure.

Votre soutien nous permet de poursuivre notre mission : financer nos auteur·ices, numériser nos archives, développer notre plateforme et maintenir notre indépendance éditoriale.
Chaque don compte pour faire vivre cette passion commune du théâtre.
Nous soutenir
Précédent
Suivant
Article publié
dans le numéro
Le théâtre en Suisse Romande-Couverture du Numéro 25 d'Alternatives Théâtrales
#25
mai 2025

Théâtre en Suisse romande

21 Fév 1986 — Lors d’une rencontre entre des représentants de l’Union des théâtres romands et la Municipalité lausannoise, le directeur d’un théâtre genevois,…

Lors d’une ren­con­tre entre des représen­tants de l’Union des théâtres romands et la Munic­i­pal­ité lau­san­noise, le directeur d’un…

Par Pierre Bauer
Précédent
19 Fév 1986 — Plutôt qu'une troupe de théâtre ordinaire, le Théâtre du loup est un groupe colore et divers, une sorte de tribu…

Plutôt qu’une troupe de théâtre ordi­naire, le Théâtre du loup est un groupe col­ore et divers, une sorte de tribu informelle com­prenant enfants, adultes, musi­ciens, comé­di­ens, ama­teurs ou pro­fes­sion­nels, tous réu­nis par un ent­hou­si­asme con­stant…

Par Gilles Anex
La rédaction vous propose

Bonjour

Vous n'avez pas de compte?
Découvrez nos
formules d'abonnements

Mot de passe oublié ?
Mon panier
0
Ajouter un code promo
Sous-total