En guise d’avant-propos
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En guise d’avant-propos

Le 30 Sep 1986
Article publié pour le numéro
Canada Quebec 86 repères-Couverture du Numéro 26 d'Alternatives ThéâtralesCanada Quebec 86 repères-Couverture du Numéro 26 d'Alternatives Théâtrales
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J’ai sou­vent dit et répété que la dif­fi­culté pour un organ­isa­teur de fes­ti­vals est de con­cili­er la var­iété et l’unité de la pro­gram­ma­tion. La var­iété con­siste à présen­ter au pub­lic un état du théâtre inter­na­tion­al con­tem­po­rain le plus proche pos­si­ble de la réal­ité mou­vante et par­fois peu logique des arts du théâtre. De nos jours, la danse, la musique, les tech­niques audio­vi­suelles, le texte, la per­for­mance gestuelle ne con­stituent plus des gen­res séparés mais bien sou­vent heur­tent notre sens de l’ordre didac­tique par leurs inter­férences par­fois sophis­tiquées. 

Nous essaierons cette année de ren­dre compte de cette diver­sité à tra­vers huit pays, quelque dix-sept spec­ta­cles dif­férents et une quar­an­taine de représen­ta­tions qui se dérouleront à Liège, Mons, Namur, Tour­nai et Arlon. 

L’autre objec­tif que nous voulons pour­suiv­re est de présen­ter le tra­vail théâ­tral d’un pays, d’une manière plus com­plète. Cette année la chance nous a souri : notre invité d’hon­neur est le Québec-Cana­da. C’est une aven­ture fab­uleuse que celle qu’il m’a été don­né de vivre par la con­nais­sance du théâtre québé­cois, depuis une longue décen­nie. Il y a une douzaine d’an­nées, Pol Puaux, directeur du Fes­ti­val d’Av­i­gnon, Michel Dubois, directeur du Cen­tre dra­ma­tique de Caen, Philippe Tiry, directeur de l’ON­DA et moi-même, nous fûmes invités à pren­dre con­nais­sance du théâtre québé­cois qui éclatait à la faveur d’une autre explo­sion poli­tique et cul­turelle que la Belle Province vivait dans la pas­sion et l’effervescence. 

J’ai eu la sur­prise à cette époque, de con­stater que la plu­part des scènes de Mon­tréal et de Québec ne présen­taient que des pièces de théâtre con­tem­po­raines écrites par des Québé­cois. Je com­pris dès lors que la recherche éper­due d’une iden­tité cul­turelle ame­nait naturelle­ment les artistes québé­cois à rejeter dans le même geste les relents d’une cul­ture anglo-sax­onne et « fran­squionne » pour priv­ilégi­er leurs pro­pres créa­tions.
Ce mou­ve­ment se traduisit notam­ment par la créa­tion d’ate­liers d’écri­t­ure dra­ma­tique dans la plu­part des Con­ser­va­toires du pays. La con­séquence en fut surtout l’ap­pari­tion d’au­teurs de très grand tal­ent tels que Michel Trem­blay, Anto­nine Mail­let, Michel Gar­neau, etc…
Au reste, les comé­di­ens québé­cois jouaient leurs scènes et dis­aient leurs textes avec l’âpre rocaille d’un accent | qui lui aus­si se voulait insolem­ment comme le signe d’un affran­chisse­ment du bien par­lé français. Dès le début de cette décou­verte, notre fes­ti­val de Liège invi­ta régulière­ment des com­pag­nies québé­cois­es présen­tant des auteurs québé­cois. Nous eûmes ain­si la joie de con­naître toute une panoplie de jeunes écrivains et met­teurs en scène, depuis La sagouine d’Antonine Mail­let, jusqu’au Rail de Gilles Maheu, en avril 1986.
Le pub­lic lié­geois con­nut ain­si de grands moments de théâtre, notam­ment avec la Ligue nationale d’im­pro­vi­sa­tion et le Théâtre expéri­men­tal de Jean-Pierre Ron­fard. Et puis voilà que les Québé­cois, gens de « race française et de for­ma­tion anglo-sax­onne » se ren­dent compte peu à peu que la con­struc­tion de leur iden­tité cul­turelle risquait, dans une cer­taine mesure, de les couper de la créa­tion inter­na­tionale. 

Bien qu’artiste on peut être prag­ma­tique. C’est ce qui ame­na il y a trois ans un groupe d’animateurs québé­cois à organ­is­er la pre­mière Quin­zaine Inter­na­tionale de Théâtre et à renouer ain­si avec le monde entier, à tra­vers la présen­ta­tion de spec­ta­cles venant des qua­tre coins du monde. C’est à Québec, en 1984, que le Plan K représen­ta bril­lam­ment notre pays ; c’est à Québec en 1984 que je décou­vris le Handspan the­atre d’Aus­tralie dans son mer­veilleux spec­ta­cle Secrets que nous présen­tons cette année à Liège. Les fes­ti­vals sont aus­si des lieux de ren­con­tres ani­mées et pas­sion­nées d’or­gan­isa­teurs.. de fes­ti­vals. C’est à Québec en 1985, à Mon­tréal en 1986, à l’occasion d’un Fes­ti­val du théâtre des Amériques que nous fûmes un cer­tain nom­bre à échang­er nos infor­ma­tions, nos émo­tions et à nouer les con­tacts dont l’aboutisse­ment est la pro­gram­ma­tion de tout fes­ti­val de théâtre.

Je crois qu’à présent la créa­tion québé­coise est bien sor­tie des dan­gers qui la menaçaient. En dix années elle s’est nour­rie et for­ti­fiée de sa pro­pre sub­stance, riche et cor­re­spon­dant à une réal­ité humaine pro­fondé­ment vécue. A présent, les créa­teurs de la Belle Province ont sil­lon­né le monde, ont engrangé de nou­velles émo­tions, ont invité les étrangers à venir chez eux et le résul­tat ne s’est pas fait atten­dre : la choré­gra­phie, l’art visuel, le théâtre des Améri­cains fran­coph­o­nes écla­tent partout et partout se trou­vent à l’a­vant-garde de l’in­ven­tion. Je crois que notre vieux monde d’Eu­rope qui s’est trop attaché à ses tra­di­tions et à sa pré­cel­lence devrait avec la même humil­ité se refer­mer sur lui pen­dant très peu de temps, retrou­ver ses véri­ta­bles racines et puis, nour­ri de nou­velles forces, se con­fron­ter avec les autres créa­teurs du monde entier.
Peut-être y a‑t-il là un sim­ple remède à ce que cer­tains appel­lent chez nous, un peu exagéré­ment, « la crise du théâtre français »… 

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Canada Quebec 86 repères-Couverture du Numéro 26 d'Alternatives Théâtrales
#26
mai 2025

Canada, Québec 86 : repères

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