L’ENTRELACS, le tressage. Souvent Bernhard recourt à cette technique qui consiste à associer, à combiner des éléments apparemment hétéroclites : des événements de la vie quotidienne, des éléments biographiques, anecdotiques, etc…
Il procède à une conjugaison d’éléments disparates, composites qui se lient, se nouent à travers des trames souvent simples, mais qui « de fil en aiguille » deviennent très complexes.

Comme souvent, il met des contraires en présence, il a besoin de traits d’union.
Plus que de tissage, il s’agirait de métissage et de croisement.
Souvent, les lieux où les contraires se rencontrent, les carrefours sont des auberges, des brasseries, des hôpitaux, une chambre, des scènes à la limite de l’enfermement, du huis-clos.
Cependant, si toutes les histoires concourent à se refermer sur elles-mêmes, si toutes les phrases, tous les paragraphes fonctionnent comme des boucles qui auraient tendance à se replier sur elles ; dans l’ensemble, il existe une espèce de logique de l’oeuvre. Chaque livre est ouvert sur les autres.
Crée ainsi un effet d’infini, d’abîme. Le caractère ondoyant du tressage, son effet déformant, jouant sans cesse de l’avant et de l’arrière-plan.
La déformation, voire l’occultation, d’une partie des éléments initiaux.
Cette technique qui veut que la part de trame qui est ici cachée par un fil apparaît là.
Surtout lorsqu’il s’agit de tresser des images par exemple, il faut lacérer, détruire, découper avec une grande précision.
Décomposition, destruction et recomposition d’un labyrinthe organisent et littéralement donnent un corps à l’écriture de Bernhard.
De même la reconstitution est toujours à l’œuvre, reconstitution au sens judiciaire du terme.
Tresser, c’est aussi créer une sorte d’échiquier, une amorce de mathématique, de mise au carré des éléments.
Mais où jouerait néanmoins un certain décalage, un glissement. Ainsi aussi, les noms de lieux, les personnages, sont souvent des mots valises, intraduisibles. On cite régulièrement le personnage mélancolique du prince Sarau dans « Perturbations ». Sorrow veut dire en anglais tristesse, mélancolie.
Ce ne sont pas que des jeux de mots, ni des traits d’esprit mais des gauchissements qui entraînent une autre notion majeure chez Bernhard, la distorsion.

