Attente d’écriture

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Le 12 Juin 1994

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On voudrait écrire, on en meurt d’en­vie. Pas­sion, ivresse, intérieure néces­sité, curiosité devant ce qu’on est capa­ble de met­tre en bran­le, défi expec­tatif qu’on se lance à soi- même, ambi­tion, bien sûr naïve, inavouée peut-être ou que seule­ment l’on évoque avec réti­cence, ironie, je m’voy­ais déjà en haut de l’af­fiche, orgueil, plus inavouable encore, lorsqu’on veut faire sur­gir de son tra­vail ce que nul autre ne pour­rait et qui au monde réson­nera, et qui paiera ce qu’on endure de l’ex­is­tence, chi­enne de vie dans bahut de mis­ère sur cette planète qui tourne sur elle-même en vingt-qua­tre heures sans jamais nous présen­ter vrai­ment sa face lumineuse, ou bien l’on veut régler ses comptes, avec soi, soi d’abord, ou son père, et la loi, et Dieu même, et la poix, l’ig­no­ble fiente pois­seuse qui s’é­coule tous les jours sous le nom de lit­téra­ture, l’une ou l’autre de ces raisons ou toutes mêlées, ou l’an­goisse encore de ne pou­voir trou­ver rai­son en dehors de ce qui s’écrira, qu’im­porte : le désir est là, mais per­son­ne, hormis nous-mêmes, n’en attend rien. Malaise. On était prêt à apos­tro­pher l’hu­man­ité entière, et l’on s’aperçoit qu’on est seul.

Que per­son­ne n’at­tende rien, c’est sans doute beau­coup dire : il faut bien que la lit­téra­ture trou­ve à se per­pétuer. Mais c’est une attente sans objet, une pure disponi­bil­ité, à peu près comme quand — ça arrive — quelqu’un désire être amoureux : sur qui se fix­era ce désir ? Pourquoi pas sur nous ? Mais pourquoi s’ar­rêterait-il sur nous, qui n’avons encore rien mis en forme de ce qui nous tra­vaille, ou si peu ?

Seul on écrit alors : un poème, un roman, des nou­velles, un dés­espoir qui cause. Du théâtre ? Vous n’y songez pas. Réfléchissez à la dépense, toutes ces bouch­es à nour­rir pour qu’elles pronon­cent sur la scène les mots que vous aurez choi­sis. Plaisan­tin ! Onaniste ! Fils prodigue ! Et qui vous lirait, puisqu’on n’édite pas les pièces ? Et qui vous édit­erait, si vous n’êtes pas joué ?

C’est qu’a­vant de ren­con­tr­er son pub­lic, le texte dra­ma­tique n’est guère qu’une latence, qui a besoin des formes de la scène pour man­i­fester pleine­ment ses effets : un lan­gage — dira-t-on poten­tiel ? — qui n’ex­iste en sa fonc­tion pro­pre que s’il réus­sit à en sus­citer d’autres, de lumière, d’e­space, de présence et de chair. Voici qui com­plique la demande. Car si l’on ne sup­pose pas d’un édi­teur que, par son tra­vail, il ajoute à votre œuvre, mais plutôt qu’il la dif­fuse en con­va­in­quant sa clien­tèle que le texte imprimé cor­re­spond à son hori­zon d’at­tente, pour l’écrit théâ­tral il faut davan­tage, puisque celui-ci devra d’abord emporter l’ad­hé­sion d’un entre­pre­neur de spec­ta­cles et d’un créa­teur autre, puisqu’il est un appel à la pro­duc­tion — coû­teuse — d’autres signes.

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Le monologue-Couverture du Numéro 45 d'Alternatives Théâtrales
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Le monologue

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