« Une idée devient fausse à partir du moment où l’on s’en contente. »
Alain
De l’underground à l’establishment
AU DÉBUT de ce siècle, quand le théâtre ivoirien d’expression française n’existait pas encore, il était facile de l’inventer. La terre brûlée, que laissaient derrière eux le fouet et les sarcasmes du colonisateur, devenait paradoxalement le Lieu de surgissement d’autres « possibles ».
Bernard Dadié, Coffi Gadeau et Amon d’Aby firent faire ses premiers pas à ce théâtre1. Censuré et s’autocensurant, le théâtre d’alors se garda de descendre dans l’arène des quêtes esthétiques et se contenta des atouts vaudevillesques de ses origines jusqu’en 1969.
Cette année-là en effet, Niangoran Porquet, un jeune lycéen féru de négritude, tape du poing sur la table en lançant le concept de la « Griotique » (« un théâtre plus africain » }, et s’impose comme le père de la théorisation du théâtre en Côte d’Ivoire. Avec son ami Aboubacar Touré (qui a depuis lors pris quelque distance avec le concept), Niango‑l’Africain2 définit ce nouveau théâtre africain comme « une expression dramatique dans laquelle s’intègrent de manière méthodique et harmonieuse le verbe et le chant, la musique et la danse, la mimique et la gestuelle, et qui met en mouvement les aspects fondamentaux de la vie africaine »3.
Bientôt, malgré les sourires en coin qui avaient accueilli la Griotique comme une simple divagation artistique, d’autres « théâtres plus africains » fusent : le Kotéba de Souleymane Koly, le Didiga de Bernard Zadi Zaourou4 qui tente « un équilibrage méticuleux du plus grand nombre de langages possibles : la chorégraphie, la musique et la gestuelle »5, et plus récemment le Bin Kadi So de Marie-Josée Hourantier et le Ki-Yi M’Bock Théâtre de Werewere Liking qui essaie, elle, « de faire une synthèse de l’utilisation de la danse, du masque, de la marionnette, du chant, de la plastique. 6 »
On l’aura compris, malgré quelques différences, d’ailleurs fort discutables, ces avant-gardes semblent d’accord sur un point : le théâtre africain sera dansé ou ne sera pas. En fait, disonsle tout de suite, tous cherchent à mettre hors-jeu les normes occidentales vécues comme la source matricielle des problèmes liés à l’éclosion d’un théâtre authentiquement africain.
Aujourd’hui tous ces théâtres sont reconnus, et en f’absence de — véritable — troupe nationale, représentent régulièrement la Côte d’Ivoire lors des festivals internationaux ; ils sont devenus, à juste titre, la carte postale théâtrale de la Côte d’Ivoire.
La dérive intégriste

