Denis Marleau, formaliste et sensible

Denis Marleau, formaliste et sensible

Le 27 Juil 2002
Ginette Morin et Annick Bergeron dans CATOBLÉPAS de Gaétan Soucy, mise en scène de Denis Marleau, 2001. Photo Richard-Max Tremblay.
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Article publié pour le numéro
Modernité de Maeterlick-Couverture du Numéro 73-74 d'Alternatives ThéâtralesModernité de Maeterlick-Couverture du Numéro 73-74 d'Alternatives Théâtrales
73 – 74
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LE PREMIER CONTACT de Denis Mar­leau avec Paris est resté mod­este : MERZ OPÉRA, d’après Kurt Schwit­ters, frag­ments entremêlés dans la logique déli­rante du mou­ve­ment dada, quelques soirs en 1988 au Cen­tre Georges-Pom­pi­dou. Une dizaine d’années, donc, après un séjour européen – de 1976 à 1979 – pen­dant lequel à tra­vers Gior­gio Strehler et Tadeusz Kan­tor entre autres, il s’était pris de pas­sion pour le théâtre. Entre temps, il était revenu chez lui, à Mon­tréal. En 1982, il y fondait sa com­pag­nie, le Théâtre Ubu, qui, fidèle aux dadaïstes en par­ti­c­uli­er, aux avant-gardes des années 20/30 en général se pro­dui­sait de préférence dans les musées, en tous lieux où ses1 col­lages lit­téraires, ses recherch­es plas­tiques ont trou­vé leur place. Au départ, Denis Mar­leau est un met­teur en scène for­mal­iste, on peut le définir ain­si.

Il l’a splen­dide­ment démon­tré avec LES TROIS DERNIERS JOURS DE FERNANDO PESSOA, d’après Anto­nio Tabuc­chi – au Théâtre de Dijon-Bour­gogne en 1997 – véri­ta­ble tour de magie par lequel se con­fondaient le virtuel et le char­nel, comme s’étaient con­fon­dues les innom­brables iden­tités du poète dont le nom sig­ni­fie « per­son­ne ». Il y avait là bien plus qu’un jeu d’images et de corps. Il y avait le mys­tère d’un homme qui se cache de lui-même. Bien sûr, c’était une vraie per­son­ne que l’on voy­ait éten­due tout au long de la représen­ta­tion. Un comé­di­en représen­tant Pes­soa mourant, rêvant, atti­rant les créa­tures passées par le fil­tre de son imag­i­na­tion. Vrai­ment une vraie per­son­ne ? Que dire alors du vis­age-vidéo col­lé au sien plus étroite­ment qu’un masque ? Des voix arti­fi­cielles parais­sant décalées des lèvres ? Qui était ce nain aux traits invis­i­bles sous son cha­peau, tra­ver­sant latérale­ment la scène à plusieurs repris­es ? Une illu­sion tech­nologique, mais si prenante, que jusqu’à la fin on se posait la ques­tion.

Alors on pou­vait penser à Robert Lep­age, cet autre Québé­cois, archi­tecte d’un monde sens dessus dessous aux dimen­sions mou­vantes, où les inven­tions virtuelles ten­dent à engloutir les humains. Domaine que les Améri­cains manip­u­lent sans com­plexe, avec plusieurs longueurs d’avance sur les Européens.

Chez Denis Mar­leau, en tout cas, rien de mou­vant, rien d’incertain. Son PESSOA met­tait en action un mécan­isme dia­bolique et enchanteur, d’une pré­ci­sion minu­tieuse, dans lequel les (vrais) acteurs devaient s’insérer, au mil­limètre et à la sec­onde près, sous peine de désagréger le spec­ta­cle. Le même principe s’est pro­longé dans URFAUST (créé à Weimar en 1998, présen­té ensuite à Berlin et à Sceaux, aux Gémeaux). Denis Mar­leau y renouait égale­ment avec Pes­soa : il avait mêlé des frag­ments d’un de ses poèmes à des extraits du texte de Goethe. Là encore, on se retrou­vait face à des fan­tômes éton­nam­ment présents, mais sans cesse prêts de se laiss­er aspir­er par une nuit envelop­pante. Face au théâtre dans sa fragilité.

Denis Mar­leau : sen­si­ble, et for­mal­iste. Ce n’est pour­tant pas ain­si qu’il s’est d’abord imposé dans les sou­venirs per­son­nels. C’était ROBERTO ZUCCO de Bernard-Marie Koltès, en 1993 au Fes­ti­val des Amériques. Spec­ta­cle sans apport tech­nologique, dans la rude beauté d’un décor métallique, struc­ture tout à la fois abstraite et imposante, faite d’échelles pour s’évader, qui sont en même temps les grilles qui empris­on­nent, qui bar­rent le chemin. La pièce est sans doute l’une des plus piégées d’un auteur infin­i­ment énig­ma­tique. La dernière qu’il ait écrite, et parce qu’il s’est inspiré d’un héros de fait divers pour se regarder mourir, elle a par­fois été mon­tée en s’appuyant sur le phénomène de société. C’était le par­ti pris de Peter Stein, qui en avait assuré la créa­tion mon­di­ale à la Schaubühne de Berlin avec une vedette de la scène rock. Le plus sou­vent pour­tant, l’onirisme l’emporte, le côté roman­tisme funèbre à pro­pos d’un homme qui tue comme il se dépouillerait de tout ce qui a fait sa vie.

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Colette Godard
Journaliste culturelle à France Inter et France Culture, Colette Godard a assuré la critique théâtrale...Plus d'info
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