L’OISEAU BLEU, de Moscou à Paris

L’OISEAU BLEU, de Moscou à Paris

Le 13 Juil 2002
L’OISEAU BLEU de Maeterlinck, mise en scène de K. Stanislavski, 1908, acte l.
L’OISEAU BLEU de Maeterlinck, mise en scène de K. Stanislavski, 1908, acte l.

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L’OISEAU BLEU de Maeterlinck, mise en scène de K. Stanislavski, 1908, acte l.
L’OISEAU BLEU de Maeterlinck, mise en scène de K. Stanislavski, 1908, acte l.
Article publié pour le numéro
Modernité de Maeterlick-Couverture du Numéro 73-74 d'Alternatives ThéâtralesModernité de Maeterlick-Couverture du Numéro 73-74 d'Alternatives Théâtrales
73 – 74
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L’OISEAU BLEU fut créé à Moscou le 30 sep­tem­bre 1908, dix ans après LA MOUETTE. Ce rap­proche­ment n’est pas for­tu­it car Stanislavs­ki décou­vrit Maeter­linck grâce à Tchekhov1. Comme Mey­er­hold pour qui « le nou­veau théâtre naît de la lit­téra­ture », Stanislavs­ki, alors à un tour­nant de son activ­ité, expéri­mente de nou­velles formes à par­tir des pièces sym­bol­istes de Maeter­linck (dès 1904 il monte L’INTRUSE, LES AVEUGLES, INTÉRIEUR) et des œuvres de Blok, Andreev, Ham­sun, Ibsen, Haupt­mann.

En 1904, la mort de Tchekhov et le départ de Gor­ki pour l’Italie privent le Théâtre d’Art d’auteurs qui ont été des com­pagnons de route et dont l’écriture lui est dev­enue famil­ière. Dès lors, le met­teur en scène cherche un nou­veau souf­fle, son sys­tème de for­ma­tion de l’acteur est en ges­ta­tion, il se pas­sionne pour les dans­es d’Isadora Dun­can, l’eurythmie de Jaques-Dal­croze, les travaux sur la psy­cholo­gie, les impro­vi­sa­tions sur canevas selon le mod­èle de la Com­me­dia dell’arte (il esquis­sera un pro­jet dans ce sens avec Gor­ki à Capri durant l’hiver 1911). Il espère décou­vrir de nou­veaux modes d’approche qui lui per­me­t­tront de mon­ter des auteurs qui lui résis­tent (Shake­speare) ou des « œuvres irréelles » telle LA VIE DE L’HOMME d’Andreev ou le mys­tère de Byron, CAÏN.

Pour mon­ter HAMLET, Stanislavs­ki invite Craig et se pro­pose, dans un tra­vail com­mun sur la mise en scène, d’apprendre auprès de l’artiste étranger, admis du bout des lèvres par les action­naires du Théâtre. Dans L’OISEAU BLEU, féerie traduite en russe dès 1906 avant que le texte ne soit pub­lié en français, il voit l’occasion d’expérimenter de nou­velles tech­niques d’éclairage et des procédés illu­sion­nistes qui ne relèvent pas de la machiner­ie théâ­trale tra­di­tion­nelle2. En tes­tant les effets d’un tra­vail sur le velours noir3, sans rien mod­i­fi­er au proces­sus de tra­vail intérieur de l’acteur, Stanislavs­ki s’aventure dans des voies qui vont s’écarter rad­i­cale­ment du réal­isme his­torique ou psy­chologique qui a fait jusque-là la répu­ta­tion du Théâtre d’Art.

Polémi­quant avec Mey­er­hold, dont il a ouverte­ment cri­tiqué la mise en scène de LA VIE DE L’HOMME d’Andreev, et pas unique­ment parce qu’elle con­cur­rençait la sienne4, il estime qu’à par­tir d’un point de départ com­mun (exprimer les émo­tions de l’âme) sa démarche s’oppose à celle de son ancien dis­ci­ple essen­tielle­ment dans le domaine du jeu. Stanislavs­ki n’accepte pas la con­ven­tion intro­duite par Mey­er­hold dans LA MORT DE TINTAGILES par exem­ple où, visant « l’harmonie presque inaudi­ble des voix », « le trem­ble­ment intérieur du frémisse­ment mys­tique », Mey­er­hold exige des comé­di­ens une absence totale de ten­sion, un débit sans pré­cip­i­ta­tion, car le « théâtre immo­bile » de Maeter­linck doit tran­scen­der l’humain, pour attein­dre une sérénité épique faisant « quit­ter la terre pour le monde des rêves »5.

Stanislavs­ki s’attelle à un tra­vail colos­sal qui va rester dans les annales, par sa longévité (la pièce fig­ure aujourd’hui encore au réper­toire du Théâtre d’Art, après avoir subi dans les années 1970 une cure de raje­u­nisse­ment), par les dif­fi­cultés tech­niques qu’il a dû résoudre et qui entraînèrent un retard de deux ans dans la pro­gram­ma­tion, et enfin par la très éton­nante repro­duc­tion du spec­ta­cle en 1911 à Paris, à la demande de Réjane et de Geor­gette Leblanc-Maeter­linck.

C’est l’histoire des con­tacts réguliers qui se sont étab­lis entre les Maeter­linck et Stanislavs­ki à pro­pos de la créa­tion mon­di­ale de la pièce à Moscou, puis de son expor­ta­tion-repro­duc­tion au Théâtre Réjane que je voudrais retrac­er ici. Le cas est excep­tion­nel, Stanislavs­ki n’acceptera la copie de sa mise en scène qu’après beau­coup d’hésitations et parce qu’il n’avait pas vrai­ment d’autre choix. Seul le met­teur en scène tchèque Kva­pil sera autorisé en 1906 à mon­ter LES TROIS SŒURS sur le mod­èle du Théâtre d’Art de Moscou.

Le dis­cours à la troupe

Le 11 novem­bre 1906, W. Bien­stock, tra­duc­teur de L’OISEAU BLEU avec Z. Vengero­va, demande des nou­velles du pro­jet de mise en scène : Maeter­linck a don­né au Théâtre d’Art le droit exclusif de créer le spec­ta­cle et de pub­li­er la pièce en Russie après la Pre­mière. Un retard repousserait la pub­li­ca­tion de la pièce dans d’autres pays et retarderait la réal­i­sa­tion d’autres mis­es en scène prévues à Lon­dres, Munich, Vienne et New York. Maeter­linck vien­dra à Moscou, car, écrit Bien­stock, il « a enten­du par­ler de vous et de votre troupe en des ter­mes ent­hou­si­astes par La Duse, aus­si a‑t-il une très grande con­fi­ance en votre intu­ition artis­tique ».6

Après quelques essais en mars 1907 (Nemirovitch Dantchenko décrira ironique­ment la cen­taine de comé­di­ens, sélec­tion­nés pour imiter oiseaux et ani­maux : « Toute cette foule miaulait, aboy­ait, piaulait, cri­ait, et il était aux anges »), Stanislavs­ki, au début avril, prononce un dis­cours devant sa troupe dont le texte est envoyé à Maeter­linck quelques jours plus tard et dont la tra­duc­tion paraît dans Le Mer­cure de France le 15 juin 1907. Le met­teur en scène dis­tingue trois objec­tifs :

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