Le film, source d’inspiration plutôt que fil conducteur

Entretien
Théâtre

Le film, source d’inspiration plutôt que fil conducteur

Entretien avec Johan Simons

Le 23 Avr 2009
Dirk Bogarde dans LA CADUTA DEGLI DEI (Les Damnés) de Luchino Visconti, 1969. Photo D. R.
Dirk Bogarde dans LA CADUTA DEGLI DEI (Les Damnés) de Luchino Visconti, 1969. Photo D. R.

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Dirk Bogarde dans LA CADUTA DEGLI DEI (Les Damnés) de Luchino Visconti, 1969. Photo D. R.
Dirk Bogarde dans LA CADUTA DEGLI DEI (Les Damnés) de Luchino Visconti, 1969. Photo D. R.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 101 - Extérieur Cinéma - théâtre national de Nice
101

Durant sa péri­ode néer­landaise, lorsqu’il était directeur artis­tique du groupe de théâtre « Hol­lan­dia », Johan Simons tra­vail­lait prin­ci­pale­ment les pièces du réper­toire, les tragédies clas­siques mais aus­si les drames paysans récents d’Achternbusch et de Kroetz. Cela ne l’empêchait pas de temps à autre d’adapter, pour ses réal­i­sa­tions théâ­trales, des scé­narii de films. Ce fut le cas pour Théorème de Pier Pao­lo Pasoli­ni ou les damnés de Vis­con­ti.

Ces dernières années Simons tra­vaille de plus en plus sou­vent à par­ti d’un matéri­au romanesque ou ciné­matographique. Il a réal­isé une ver­sion théâ­trale du Déca­logue de Krzysztof Kieslovs­ki pour le Kam­mer­spiele de Munich et le NT Gent (Ned­er­lands Toneel Gent). Il met­tra bien­tôt en scène en Alle­magne, du même cinéaste, Bleu blanc rouge. Récem­ment, il a présen­té au NT Gent, Dou­ble Indem­ni­ty, réal­isé à par­tir du film de Bil­ly Wilder.

Geert Sels : Avez-vous un rap­port per­son­nel avec les films dont vous choi­sis­sez le scé­nario pour l’adapter au théâtre ?

Johan Simons :  Mon choix pour les scé­narii de films n’est pas guidé par des raisons per­son­nelles. Je suis plutôt motivé par  la dimen­sion poli­tique ou la per­ti­nence des thèmes dévelop­pés. J’avais aupar­a­vant un sen­ti­ment d’amour-haine pour les rap­ports de pou­voir tels que Vis­con­ti les présente dans les Damnés. Je n’ai pas beau­coup de rap­ports avec ce monde-là.. C’est un thème mag­nifique, sans plus : com­ment de grands indus­triels ten­tent de met­tre en sûreté leur cap­i­tal famil­ial, même s’ils doivent, pour cela, renier leurs idéaux poli­tiques.

G. S. : Voyez-vous ces films plusieurs fois ? faites-vous un tra­vail par­ti­c­uli­er de tran­scrip­tion du scé­nario à la scène ?

J. S. :  Ces films ne me sont pas absol­u­ment indis­pens­ables, ni ne me pour­suiv­ent durant des années, sauf peut-être les damnés que j’ai vus à plusieurs repris­es. Ce n’est pas le cas pour Kies­lows­ki ; j’avais vu ces films au début des années 1990 sous forme de séries à la télévi­sion néer­landaise, et il ne me venait pas à l’esprit que je pou­vais en faire quelque chose. C’est le dra­maturge du Kam­mer­spiele de Munich qui a attiré mon atten­tion sur cette œuvre et, en la revoy­ant, j’ai trou­vé qu’elle con­te­nait beau­coup de choses intéres­santes à traiter par le théâtre. 

Il y a un grand tra­vail d’adaptation à réalis­er pour porter ce genre de scé­nario au théâtre. On peut le faire de dif­férentes manières. Chez Vis­con­ti, on trou­vait la langue trop faible pour accom­pa­g­n­er de grandes images scéno­graphiques. C’était une langue trop plate, trop nat­u­ral­iste. Nous lui avons donc ajouté une couche sup­plé­men­taire, plus lit­téraire, tirée de L’homme sans qual­ités de Robert Musil. Dans la ver­sion théâ­trale, la langue joue donc un rôle plus impor­tant que dans le film.

Pour  le Déca­logue, Kies­lows­ki a réal­isé un script très dévelop­pé où les mou­ve­ments de caméras sont décrits en détails. Nous avons util­isé ces indi­ca­tions dans une par­tie nar­ra­tive. La ver­sion de Munich se décom­pose en scènes jouées et scènes racon­tées. Pour Bleu blanc rouge., nous allons agir autrement. Là, nous pren­drons comme point de départ unique­ment le texte du film mais nous allons ten­ter de le com­pléter par le lan­gage des images.

G. S. : Les films retenus sont par­fois des films culte d’une époque. Etes-vous sen­si­ble à la mytholo­gie du film retenu ? A‑t-elle un rap­port avec la société et la cul­ture de votre pays ? Tra­vaillez-vous sur le rap­port à l’imaginaire col­lec­tif dont sont chargés la plu­part de ces films ?

J. S. :  Je suis bien con­scient de la mytholo­gie qui se dégage de pareils films. Cela peut sem­bler pré­ten­tieux de dire : je vais faire un Kies­lows­ki. Mais ça ne m’impressionne pas. Je ramène le film à son actu­al­ité et à une cer­taine réal­ité sociale. Ce qui est intéres­sant par exem­ple, c’est que Kies­lows­ki met en doute la valid­ité des dix  com­man­de­ments (excep­té le cinquième : Tu ne tueras point). Il s’agit aus­si d’un grand cycle à l’intérieur duquel, par le mou­ve­ment qui tra­verse l’ensemble, on apprend, chemin faisant, à con­naître les habi­tants d’un édi­fice unique. C’est assez rare dans le réper­toire théâ­tral de pou­voir suiv­re des réc­its dans l’ampleur de leur con­ti­nu­ité.

C’est intéres­sant de pou­voir jouer avec cet imag­i­naire col­lec­tif. Je le fais avec plaisir. Il y a des his­toires qui sont si fortes, si ter­ri­ble­ment recon­naiss­ables ; elles pour­raient se pass­er en ce moment même chez notre voisin.

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Geert Sels
Geert Sels est rédacteur culture du Standaard. Il a été critique théâtral à la VRT,...Plus d'info
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