Le paysage dramatique en Angleterre : consensus et transgression

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Le paysage dramatique en Angleterre : consensus et transgression

Le 28 Juil 1999

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Écrire le théâtre aujourd'hui-Couverture du Numéro 61 d'Alternatives ThéâtralesÉcrire le théâtre aujourd'hui-Couverture du Numéro 61 d'Alternatives Théâtrales
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D’UNE INTENSE CRÉATIVITÉ, le théa­tre anglais du sec­ond vingtième siè­cle ne cesse de se renou­vel­er. Le goût pronon­cé des auteurs dra­ma­tiques pour la trans­gres­sion, héritée d’un passé pres­tigieux qui igno­rait cout des con­traintes de la bien­séance, se man­i­feste dans un théâtre aus­si orig­i­nal qu’au­da­cieux. Là n’est pas le moin­dre para­doxe d’un pays où la cen­sure théâ­trale a sévi de 173 7 à 1968. Le siè­cle se clôt sur un théâtre moins polémique qu’il ne le fut dans les années qua­tre-vingt mais qui se veut tou­jours miroir de la nation. À la fois con­sen­suel et sub­ver­sif, il pose les ques­tions éthiques fon­da­men­tales, con­teste ses pro­pres codes et bous­cule le spec­ta­teur dans ses cer­ti­tudes.

Les nou­velles écri­t­ures s’ex­pri­ment au sein d’un cadre insti­tu­tion­nel dont l’ex­cep­tion­nel dynamisme est le fruit d’une col­lab­o­ra­tion entre un secteur com­mer­cial, tra­di­tion­nelle­ment soumis aux lois du marché (le West End à Lon­dres, dom­iné par les comédies musi­cales à grand spec­ta­cle, les « block­buscer musi­cals » ), et un secteur sub­ven­tion­né créé après la guerre. Celui-ci se sub­di­vise en un ensem­ble de com­pag­nies abritées par des salles ortho­dox­es dans les cen­tres des villes, et un cir­cuit « alter­natif » ou « par­al­lèle » ( « fringe »),qui pro­duit ses spec­ta­cles en des lieux divers. À Lon­dres, le secteur sub­ven­tion­né des « trois grands », qui com­prend la Roy­al Shake­speare Com­pa­ny avec ses deux salles du Bar­bi­can, le Roy­al Nation­al The­atre et ses trois théâtres, et enfin le Roy­al Court The­atre (Down­scairs, et Upscairs, le théâtre lab­o­ra­toire) spé­cial­isé dans la recherche de jeunes auteurs, se dou­ble d’un ensem­ble inter­mé­di­aire de petits théâtres périphériques, tels que le Bush The­atre, le Gate, le Hamp­stead The­atre, l’Almei­da, les deux salles du Lyric à Ham­mersmich, et River­side Stu­dios, véri­ta­bles ram­pes de lance­ment pour les pro­jets les plus nova­teurs. Le sys­tème du trans­fert des spec­ta­cles du cir­cuit sub­ven­tion­né vers le West End com­mer­cial explique la con­sécra­tion par­fois aus­si rapi­de qu’éphémère de nou­veaux tal­ents. Cette inter­ac­tion per­ma­nente explique l’ef­fi­cac­ité d’un ensem­ble qui porte les expéri­men­ta­tions les plus inso­lentes à la con­nais­sance d’un pub­lic élar­gi.

Le théâtre anglais très con­tem­po­rain prend le pouls de la nation dans une esthé­tique plu­ral­iste, tan­tôt fig­u­ra­tive, tan­tôt abstraite. Même si la créa­tion dra­ma­tique con­tem­po­raine se sig­nale, out­re-Manche, par un mélange des gen­res, faisant cohab­iter un nat­u­ral­isme savam­ment dosé avec un expres­sion­nisme exalté, le réal­isme social, qui imprègne la presque total­ité de la pro­duc­tion théâ­trale, demeure le style anglais par excel­lence. En Angleterre plus qu’ailleurs, l’in­no­va­tion passe par la tra­di­tion. Tou­jours proches du ter­rain, les auteurs restent attachés à la comédie de moeurs, de fac­ture clas­sique, à tonal­ité dra­ma­tique, dans la grande tra­di­tion morale de la pièce à thèse, qu’ils se plaisent à sub­ver­tir.

David Hare rénove le genre et le porte à un niveau d’ex­cel­lence iné­galé. Délais­sant le théâtre expéri­men­tal d’in­ter­ven­tion, qu’il pra­ti­qua dans les années soix­ante- dix, il se tourne main­tenant vers la « pièce bien faite », dont il révise les con­ven­tions réal­istes, pour assur­er à son théâtre une flu­id­ité ciné­matographique liée à sa struc­ture épique en tableaux. Après la vaste fresque de sa trilo­gie de 1993 (RACING DEMON, MURMURING JUDGES et THE ABSENCE OF WAR), explo­ration sans con­ces­sion des insti­tu­tions bri­tan­niques que sont l’Église angli­cane, la jus­tice et le Par­ti tra­vail­liste, Hare se penche sur les muta­tions sociales de l’An­gleterre con­tem­po­raine. Avec SKYLIGHT (1995), une pièce intimiste au cadre tem­porel resser­ré (l’ac­tion dure une nuit), l’am­pleur et la dis­tan­ci­a­tion épiques de la trilo­gie cèdent la place à un nat­u­ral­isme de type télévi­suel. David Hare mec au cen­tre de la scène les retrou­vailles d’une jeune enseignante et de son ex-amant, sorte de fig­ure pater­nelle resurgie du passé. Inverse­ment, AMY’s VIEW (1997) recou­vre une ving­taine d’an­nées de la vie d’une famille où deux généra­tions aux valeurs opposées s’af­fron­tent : l’u­nivers du théâtre et celui des affaires. Fêlures indi­vidu­elles et col­lec­tives com­posent ces radi­ogra­phies très fines de l’âpreté du monde posc-thatch­érien. Dans VIA DOLOROSA(1998), un mono­logue où, devenu con­teur et inter­prète, Hare retrace son récent voy­age au Proche Ori­ent, il élar­git son ques­tion­nement aux points chauds de la planète. Son théâtre résonne comme un vibrant témoignage sur la fin du vingtième siè­cle.

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Nicole Boireau
Nicole Boireau enseigne la littérature anglaise à l'université de Metz où elle dirige également le...Plus d'info
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