Trouer le désert des fausses vérités, pour faire partager de la pensée

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Trouer le désert des fausses vérités, pour faire partager de la pensée

Entretien avecLothar Trolle par Barbara Engelhardt

Le 7 Juil 1999
Marief Guittier et Frédérique Ruchaud dans LES 81 MINUTES DE MADEMOISELLE A. de Lothar Trolle, mise en scène Michel Raskine. Photo Marc Enguerand.
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Écrire le théâtre aujourd'hui-Couverture du Numéro 61 d'Alternatives ThéâtralesÉcrire le théâtre aujourd'hui-Couverture du Numéro 61 d'Alternatives Théâtrales
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BARBARA ENGELHARDT : Dans les années qua­tre-vingt, on a sou­vent dit, dans la revue The­ater der Zeit notam­ment, qu’il y avait en Alle­magne de l’Est une série de jeunes auteurs dont les pièces n’é­taient jamais jouées, et qui risquaient de céder au décourage­ment et de se résign­er à rester dans l’om­bre. À côté des noms de Hein, Bez, Sei­del, Koerbl, etc., on trou­vait aus­si le tien. À cette époque, tu avais déjà écrit plusieurs pièces, tu n’é­tais donc plus un débu­tant. Com­ment vivais-tu le fait que tes pièces ne soient pas jouées ?

Lothar Trolle : Ne pas être joué n’é­tait pas un vrai prob­lème. Quand j’é­tais à l’é­cole, je voulais déjà devenir écrivain, je me suis assis et me suis dit : main­tenant, je dois écrire. Pourquoi ce sont des pièces que j’ai écrites, je ne le sais pas moi-même. À vrai dire, je n’y con­nais­sais rien, alors même que je tra­vail­lais comme machin­iste — et je ne sais pas non plus com­ment j y suis arrivé — depuis un an au Deutsches The­ater.

Être mon­té dépas­sait ce que je pou­vais imag­in­er, je ne l’en­vis­ageais même pas.

Ça avait quelque chose à voir avec une sorte de dégoût : nous étions au fond tous con­tre tout, en même temps mem­bres de la FDJ1, mais en fait tou­jours con­tre l’É­tat.

B. E.: Ton rejet de tout ne con­sti-tuait pas pour autant une prise de posi­tion poli­tique résolue ?

L. T.: Non, au début, c’é­tait plutôt un rejet pri­maire : ce n’est que plus tard que nous nous sommes mis à lire.

Pour notre généra­tion, le théâtre avait depuis longtemps per­du le con­tact avec la réal­ité parce que, entre autres, il ne jouait pas les pièces des nou­veaux auteurs. Tout au plus Helmit Baierl ou Joachim Knauth, mais eux mis à part, nous n’imag­in­ions pas voir nos pièces jouées un jour.

B. E.: Tes pièces ont été créées lors de ces spec­ta­cles typ­iques de la fin du régime (organ­isés par exem­ple par Wolf Bunge à Gera, ou à Schw­erin, plus tard à la Volks­bühne de Berlin) en même temps que celles d’Hein­er Müller.

Ces man­i­fes­ta­tions sor­taient de la pro­gram­ma­tion nor­male, on les nom­merait aujour­d’hui « events ». On y « fice­lait » plusieurs jeunes auteurs que l’on mon­tait ensem­ble. Cela a‑t-il créé chez toi le sen­ti­ment d’ap­partenir à une généra­tion de « jeunes auteurs » ?

L. T.: Nous avions tous ce sen­ti-ment. Je n’ai longtemps écrit que pour des amis dont le juge­ment me suff­i­sait.

Mais on ne mon­tait pas les pièces que nous écriv­ions. Hein­er Müller est sor­ti le pre­mier de ce cer­cle plutôt douil­let, quand il fut joué. Cela créa quelques con­nec­tions avec l’ouest qui nous apportèrent un peu d’ar­gent. En 1979, pour l’an­niver­saire de Hein­er Müller, Wolf­gang Storch coor­don­na une pub­li­ca­tion à l’ouest qui com­pre­nait quelques-uns dé mes textes. Grâce à elle, mon tra­vail a alors vrai­ment pénétré dans le milieu lit­téraire, cela comp­tait plus que tout. Mais mes pièces n’é­taient tou­jours pas jouées. Quand ensuite de nom­breux amis par­tirent subite­ment, j’ai pour la pre­mière fois été com­plète­ment per­du. Parce que je n’avais plus de pub­lic. Ma famille se trou­vait là-bas, je devais alors vrai­ment m’ap­pli­quer, et j’é­tais naturelle­ment très heureux que ces spec­ta­cles aient lieu.

B. E.: Dans les années qua­tre-vingt, tu as ten­té, avec d’autres, de créer une nou­velle manière de dif­fuser la lit­téra­ture, et tu as lancé une revue : MIKADO. Com­bi­en de temps avez-vous pu exis­ter en marge de la presse offi­cielle ?

L. T.: Qua­tre ans, cela s’est ter­miné en 1987.

B. E.: Dans le dernier numéro vous avez écrit une pré­face qui dévelop­pait un con­cept de la con­tre-dif­fu­sion qui ne repo­sait pas sur des moti­va­tions poli­tiques. Le but était de faire cir­culer ce que vous écriv­iez, et qui n’au­rait autrement pas trou­vé de pub­lic, dans un petit cer­cle de lecteurs étab­lis prin­ci­pale­ment dans le quarti­er de Pren­zlauer­berg à Berlin.

L. T.: La visée n’é­tait pas d’être poli­tique­ment act­if, mais en décalage, et de pro­duire selon nos critères des textes qui pos­sé­daient une qual­ité lit­téraire. Il nous impor­tait de ne pas nous laiss­er guider par ces con­traintes. Plutôt jeter à la poubelle nos écries, que de se soumet­tre aux courants dom­i­nants.

B.E.: Tu as donc vécu comme con­trainte le « poli­tique­ment cor­rect » dans un sens dou­ble, à la fois dans un esprit offi­ciel et dans une atti­tude d’op­po­si­tion man­i­feste.

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Barbara Engelhardt est critique de théâtre et éditrice. Après avoir dirigé la revue Theater der...Plus d'info
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