La traduction : deux ou trois choses que je sais d’elle

La traduction : deux ou trois choses que je sais d’elle

Le 1 Juil 1999
Massimo Foshi et Paolo Bonacelli dans LUSTRINI de Antonio Tarancino, mise en scène Cherif. Photo Federico Riva.
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Article publié pour le numéro
Écrire le théâtre aujourd'hui-Couverture du Numéro 61 d'Alternatives ThéâtralesÉcrire le théâtre aujourd'hui-Couverture du Numéro 61 d'Alternatives Théâtrales
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CE N’EST PAS la pre­mière fois que je fais une tra­duc­tion mais c’est la pre­mière fois que j’écris sur une tra­duc­tion ; franche­ment cela me met dans un très grand malaise car je me sens là très peu com­pé­tente et pour cause : je ne suis pas une tra­duc­trice pro­fes­sion­nelle, je suis encore moins une théorici­enne de la tra­duc­tion. Pour­tant quand je me lance dans la tra­duc­tion, je le fais sans com­plex­es et j’ai même l’au­dace de m’y sen­tir fort bien !

Autant, là, main­tenant, j’ai peur de n’énon­cer que des tru­ismes — je n’ai pra­tique­ment jamais lu de textes réflex­ifs sur la tra­duc­tion, je risque donc à tous moments de redé­cou­vrir l’Amérique‑, autant, quand je traduis, j’ai peu peur et de pas grand-chose. Pour­tant je con­nais mal les langues à par­tir desquelles je traduis. Il est vrai que je ne tra­vaille jamais seule : je m’ad­joins tou­jours un col­lab­o­ra­teur ou une col­lab­o­ra­trice dont la langue d’o­rig­ine est la langue mater­nelle — qui a donc un corps dans cette langue — et qui con­naît suff­isam­ment le français pour refuser toutes les propo­si­tions qui s’é­carteraient trop de l’o­rig­i­nal.

Est-ce dire qu’à deux, on touche à la fidél­ité ? Non. Je ne le pense pas. J’ai même plutôt envie de dire qu’à deux, c’est pire, puisqu’on prend mieux la mesure de l’in­fidél­ité ! Une tra­duc­tion est tou­jours une trahi­son (et voilà que je tombe dans le tru­isme mais c’est la réal­ité : je le sais, je le redé­cou­vre per­son­nelle­ment à chaque fois et je le ré-expéri­mente), la tra­duc­tion est tou­jours chose impos­si­ble, parce qu’on ne traduit jamais que des mots quand ce serait une cul­ture, une his­toire, une his­toire lit­téraire ou une pra­tique du théâtre qu’il faudrait entraîn­er dans sa langue, voire un cli­mat ou même des paysages. Ça fait beau­coup pour un seul texte.

Par­fois on recourt à la note en bas de page : toute per­son­ne qui a lu Shake­speare sait que son texte est truf­fé de « jeux de mots intraduis­i­bles en français ». C’est au théâtre, d’une inef­fi­cac­ité totale, mais ça fonc­tionne comme pis-aller. Nous avons dû y recourir en traduisant STABAT MATER1 (Il, notam­ment quand Marie par­le des « Maroc­chi­ni ». Bien sûr en français, ça veut dire « Maro­cains ». Mais en Ital­ie ( je désigne bien ici le pays et pas seule­ment la langue), c’est ain­si qu’on appelle les étrangers mar­gin­aux qui vendent des bijoux de pacotille ou lavent les pare-bris­es des voitures qui s’ar­rê­tent aux feux rouges et le texte fait allu­sion à ces deux activ­ités-là. Or en France, que je sache, on lave son pare-brise soi-même et les vendeurs de pacotille me parais­sent, la plu­part du temps, orig­i­naires de l’Afrique de l’Ouest, le Maghreb aurait plutôt fourni ce qu’on appelle (en français et en France) « l’Arabe du coin », avec recon­nais­sance, car son épicerie est en général ouverte chaque fois qu’on en a besoin, qu’il vienne du Nord de l’Afrique ou d’une région plus aus­trale. Je me demande com­ment on traduirait« l’Arabe du coin » dans la langue du pays où ces mêmes épiceries, à con­di­tion qu’il y en eût, seraient tenues par des Turcs par exem­ple, ou par des Yougoslaves … J’a­joute que pour n’im­porte quel Ital­ien nor­male­ment con­sti­tué, qui dit « Maroc­chi­ni », pense égale­ment « shit », herbe ou mar­i­jua­na, là où le fran­coph­o­ne pense éventuelle­ment peausserie, cuir, bref « maro­quiner­ie ». Ce prob­lème étant insol­u­ble, je ne l’ai donc pas résolu, j’ai nom­mé les « Maroc­chi­ni » « Ivoiriens », et m’en suis expliquée dans une note en bas de page. Le sens n’est hélas qu’ap­prox­i­matif par rap­port à l’o­rig­i­nal, mais l’as­so­nance m’in­téres­sait, car ces « Ivoiriens ne don­nent rien », nous répète Marie. Et au théâtre, ce qu’on entend est impor­tant.

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Michèle Fabien
Michèle Fabien est l'auteur de plusieurs textes de théâtre: JOCASTE, NOTRE SADE, SARA Z, TAUSK,...Plus d'info
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