ALTERNATIVES THÉÂTRALES : Comment est née la Manifestation de la Mousson d’été ?
Michel Didym : Depuis sept ans, mon travail théâtral en Lorraine a pour but de développer le patrimoine contemporain au sein de ma compagnie « Boomerang » mais aussi de manière personnelle, en relation avec différences institutions, comme Théâtre Ouvert ou les éditions Théâtrales par exemple. Je voulais donner aux auteurs un partenaire afin de leur renvoyer une image de leur écriture qui puisse les éclairer, les faire avancer, et que cet étayage ne reste pas ponctuel, mais suscite une relation durable entre l’auteur et nous.
Nous voulions tout simplement et fondamentalement donner à entendre les textes contemporains. Il nous fallait un lieu, il fallait une équipe ; avec une vingtaine de comédiens nous nous sommes réunis dans l’abbaye des Prémontrés, située dans la ville de Pont-à-Mousson.
En 1992, j’avais réalisé une « maquette » de la Mousson d’été où seuls quelques auteurs étaient réunis. La manifestation a tout de suite rencontré l’adhésion professionnelle. Mais les moyens étaient très limités. Après cette première expérience, j’ai décidé de trouver les moyens financiers nécessaires à la réalisation de nos objectifs. Ce qui n’a pas été simple : il nous a fallu trois ans. La première véritable Mousson d’été a lieu en 1995. C’est alors que notre orientation s’esc réellement affirmée. Nous avions permis à de nombreuses personnes de rencontrer, de manière privée et de manière publique, un auteur et son œuvre. Il s’agissait de faire partager des textes, des expériences, des événements, des connaissances.
Le partage des connaissances esc organisé autour d’un certain nombre d’ateliers qui sont encadrés par des auteurs ou des auteurs-metteurs en scène ; ces auteurs sont présents à tous les postes de l’organisation de la Mousson : au niveau de la constitution du programme — ils participent aux tables rondes -, au niveau artistique — ils sont aussi musiciens, acteurs, chanteurs de cabaret, animateurs. Les auteurs sont tout simplement le centre vital de la manifestation.
A. T.: Comment se déroule une Mousson d’été ?
M. D.: Elle a lieu à la fin du mois d’août à l’abbaye des Prémontrés de Pont-à-Mousson et dure cinq jours ; les matinées sont consacrées aux ateliers, les après-midi et les soirées aux présentations de textes ; nous organisons aussi des débats et des tables rondes.
Mais avant tout aux Prémontrés, on « prémontre ». On donne à entendre des textes qui vont devenir des spectacles. C’est important pour l’auteur lui-même qui met à l’épreuve son texte devant un public, interprété par des acteurs de haut niveau. Cela lui permet d’en analyser les richesses et les faiblesses et de le confronter aux intentions qu’il avait
au départ ; mais aussi d’entendre le point de vue d’autres auteurs jeunes ou confirmés, d’évoluer dans une dynamique de critique constructive. C’est aussi important pour l’avenir du texte car sont présents des éditeurs et des professionnels susceptibles d’aider le projet, de permettre sa mise en production, d’éditer ou de traduire le texte.
A. T. : Vous vous adressez donc principalement à un public de professionnels ?
M. D.: Non, pas du tout. Cette Université d’été étaye aussi le travail réalisé tout le long de l’année en Lorraine avec de nombreux professeurs. Ceux-ci sont devenus très réceptifs au théâtre contemporain, et ne travaillent plus avec leurs élèves les seuls auteurs classiques. Ces professeurs, mais aussi un certain nombre d’amateurs ou de jeunes professionnels montent des textes écrits par les auteurs de la Mousson. Cette imprégnation de l’écriture contemporaine en Lorraine est un des objectifs principaux de notre travail. L’université s’ouvre d’ailleurs avec un spectacle amateur réalisé par une équipe de la région ; nous travaillons également avec des scolaires de la ville de Pont-à-Mousson, et ce travail aboutira certainement à une présentation lors de l’Université d’été 1999.
Nous sommes soutenus en ce sens par les villes de Pont-à-Mousson ec de Blénod, par la région, par le département ec par la DRAC de Lorraine.
A. T. : Comment déterminez-vous les auteurs programmés ?
M. D.: Nous fonctionnons avec un comité de lecture bénévole constitué de huit personnes qui se réunie tout
le long de l’année. Nous recevons et lisons environ trois cents textes. Ceux-ci sont lus par crois ou quatre lecteurs. Au bouc de six mois nous faisons un bilan et choisissons les auteurs dont nous voulons parler, avec gui nous voulons travailler.
Nous collaborons également avec les éditeurs de théâtre comme les Solitaires Intempestifs, Théâtrales ou Actes Sud.
Mais nous ne présentons pas que des textes déjà écries. Nous en commandons aussi. Cette année, nous avons demandé à douze auteurs sud-américains et à douze français d’écrire leur confession. Ces vingt-quatre textes rassemblés
ont donné lieu à un spectacle. Nous avons aussi présenté des textes gui n’avaient pas été lus avant la Mousson, et donc le projet nous avait intéressés : Le MALCOM X de Mohammed Rouabhi ou L’EXPOSITION de Philippe Minyana.
Pour déterminer ces choix je m’entoure de deux conseillers artistiques : Laurent Vacher et Véronique Bellegarde. Il s’agit aussi d’aller voir un grand nombre de spectacles, joués en banlieue, dans des petites salles … La programmation s’opère en conjuguant le travail du Comité de lecture à celui de direction artistique.
Il faut aussi prendre en compte la cohérence globale de la manifestation : nous ne nous déterminons pas uniquement en fonction de la qualité intrinsèque du projet. Encre en considération la question de sa pertinence par rapport aux autres projets. Nous tournons autour d’une thématique mais nous ne nous y restreignons jamais tout à fait. Nous choisissons en effet parfois un projet justement parce qu’il est dissonant, ou porteur de quelque chose de radicalement autre.
Propos recueillis et retranscrits par Julie Birmant.