LA PRÉSENTATION au public du théâtre contemporain est la mission essentielle du Théâtre National de la Colline. Au cœur de son activité, le Comité de lecture est un pôle de recherche sur l’écriture dramatique contemporaine. Il permet de nourrir la programmation du théâtre et voudrait favoriser la connaissance et la diffusion les plus larges possibles des écritures contemporaines françaises et étrangères. L’activité se développant, il pourrait contribuer à renforcer les bases d’une réflexion théorique sur les écritures dramatiques qui ont traversé ce siècle et celles qui ouvrent le siècle à venir. Cependant, pour mener à bien cette mission « écritures contemporaines », les moyens de production, de programmation, et la structure de ce théâtre sont actuellement insuffisants. Il faudrait pouvoir les renforcer et développer un véritable pôle de circulation des textes et d’échanges d’expériences et de savoir- faire avec d’autres comités de lecture français et étrangers.
Alternatives théâtrales : Quel est le mode de fonctionnement de votre Comité de lecture ?
Comité de lecture : Sous la direction d’Alain Françon, le Comité de lecture, animé par Laure Hémain, assistée de Florence Thomas, compte sept lecteurs extérieurs : les auteurs Eugène Durif, Michel Vittoz, le traducteur Maurice Taszman, les comédiens Dominique Valadié, Guillaume Lévêque, Stéphanie Beghain, et la chorégraphe Caroline Marcadé. Le Comité examine une soixantaine de manuscrits par mois. Une première sélection écarte environ trente pour cent des textes. Puis une dizaine de manuscrits sont distribués chaque mois aux lecteurs extérieurs. La plupart des textes sont lus par deux lecteurs, voire trois ; certains par quatre ou cinq.
Ces textes nous ont été envoyés par des auteurs, par des traducteurs ; mais nous recevons aussi des adaptations, des projets de création présentés par des metteurs en scènes ou des acteurs ; enfin des éditeurs et d’autres comités de lecture nous font parvenir des manuscrits, spontanément ou sur notre demande.
Notre Comité de lecture se réunit une fois par mois. Nous nous appliquons à répondre à chacun des envois qui nous a été adressé. Nous voudrions faire du Comité de lecture un espace d’accueil et de dialogue avec les auteurs ; indépendamment de la réalisation effective de projets, nombre d’entre eux ne cessent de nous exprimer la nécessité de faire exister un tel espace : un lieu qui leur offre, au minimum, la certitude d’être lus et la garantie d’une réponse, d’une réaction, d’un échange.
A. T. : Que deviennent les pièces qui ont retenu votre attention ?
Comité de lecture : Les pièces retenues constituent la source à laquelle la dynamique de création du Théâtre National de la Colline peut venir puiser. Mais bien évidemment toutes ne peuvent pas être intégrées dans la prochaine programmation : nous ne pouvons pas présenter plus d’une dizaine de spectacles par saison. La présentation des œuvres sous la forme de la lecture publique ou d’une esquisse de spectacle ne nous parait pas suffisante, si l’expérience en reste ponctuelle. Ces travaux auraient un sens dans le cadre de la mise en place d’un laboratoire expérimental au sein du théâtre. Mais cela est complexe à mettre en œuvre et nécessite des moyens substantiels.
Aussi avons-nous commencé à réfléchir à d’autres moyens de faire circuler les textes. Pour former un public susceptible de mieux appréhender les écritures dramatiques contemporaines, nous nous sommes très rapidement fixé la priorité, de mettre en œuvre une action de diffusion des textes auprès d’un public scolaire. Nous l’avons engagée la saison dernière, en l997/1998. Le projet que nous avons intitulé « Écritures en cours » développe un travail de formation à la lecture destiné aux élèves de lycée et à leurs enseignants. Faire comprendre que le texte de théâtre se « lit » avant de « s’ interpréter » est le présupposé sur lequel cette action se fonde. Elle tente d’ouvrir une brèche qui permette aux écritures contemporaines de s’inscrire au répertoire des œuvres étudiées à l’école.
Nous avons initié des comités de lecture au sein d’une dizaine de lycées autour de Paris. Les élèves devaient lire et donner leur point de vue sur dix manuscrits récents que nous leur fournissions. En offrant aux élèves la possibilité de rencontrer les auteurs et de réagir sur des écritures qui les concernent aujourd’hui, nous tentons d’engager un dialogue et des travaux d’approche qui, à partir du texte lui-même, leur permettent d’exercer leur esprit critique et de préparer leur regard de spectateur. Devant l’ensemble des élèves participant au projet, Laurence Mayor, accompagnée de six acteurs et d’un musicien, a par exemple proposé au lycée Voltaire une lecture exploratoire de quelques scènes de la pièce de Jean-Pierre Milovanoff CINQUANTE MILLE NUITS D’AMOUR. Il s’agissait de montrer aux élèves les variations de sens possibles du texte
à partir de l’imagination de scénarios différents pour une même scène.
Les élèves devaient ensuite imaginer leurs propres scénarios et définir des axes d’interprétation du jeu des acteurs. Ce travail s’est poursuivi en ateliers complémentaires avec deux classes participantes.
Pour cette saison 1998 /1999, nous tâcherons d’étendre notre action à quinze établissements de Paris et sa région, avec le souci de favoriser en particulier les lycées professionnels et les établissements ne bénéficiant d’aucun atelier théâtre. Nous voudrions construire les propositions de travail dans un rapport plus étroit encore avec les projets pédagogiques des enseignants, renforcer le nombre de nos interventions et mettre en place des travaux en ateliers plus poussés dans quatre établissements,
avec la collaboration de comédiens et de metteurs en scène travaillant en lien avec les auteurs : Vincent Garanger avec l’auteur Pauline Sales (sur sa pièce DÉPANNAGE), Laurence Mayor avec Marion Aubert, et Ludovic Lagarde avec Olivier Cadiot.