Nos choix

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Le 12 Fév 2016
"Moby Dick - en répétition". Photo © B. Breuse.
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Au départ du pro­jet, il y a cette envie de mar­quer un anniver­saire sans faire de com­mé­mora­tion. Mar­quer le temps, mais autrement qu’en se tour­nant vers le passé (ce que je fais pour­tant main­tenant, en remon­tant dans mes notes à l’occasion de ce bil­let…) : en sai­sis­sant l’occasion d’en faire le cadre d’un nou­veau pro­jet. Et pour ne pas nous met­tre en posi­tion de recevoir le cadeau (ce qui est un peu indéli­cat quand on décide de ren­dre son anniver­saire pub­lic), c’est nous qui allons le faire : ce sera le choix que nous offrons, pour l’occasion, au pub­lic.

Par voie de con­séquence, c’est une invi­ta­tion à suiv­re pour une fois sous un angle dif­férent la vie d’une pro­duc­tion dans un théâtre, dans une per­spec­tive tem­porelle lon­gi­tu­di­nale, si on peut dire. Le pub­lic est invité à être par­tie prenante à ce qu’il va voir, puisqu’il est à la source du proces­sus de tra­vail, et ce faisant il est invité à toutes les étapes.
Mais ce proces­sus du choix demande une réflex­ion appro­fondie : com­ment choisir ce qu’on va don­ner à choisir ?

Très vite, il nous est apparu que le ter­rain com­mun qui pou­vait se dégager entre le pub­lic et nous, le ter­rain le plus évi­dent, c’é­tait le réper­toire. Ce n’est pas notre pra­tique habituelle, nous préférons d’or­di­naire la créa­tion orig­i­nale. Mais dans le cadre de ce pro­jet-ci, nous avons réal­isé que cela nous per­me­t­tait de l’aborder dans une autre per­spec­tive : plutôt que d’être l’objet d’une pre­scrip­tion, le réper­toire deve­nait le ter­rain où lever la fron­tière scène/salle, ain­si que l’objet même d’un dia­logue inusité. Un élé­ment objec­tif, extérieur à nous et au pub­lic.
Cela ne nous a pas sim­pli­fié la tâche, que du con­traire. Com­bi­en de pièces ? Et lesquelles ?

C’est ici une réflex­ion con­jointe que nous avons menée avec le Théâtre de Liège, qui s’est mon­tré très réac­t­if quant aux hypothès­es qui ont émergé. Sondages express, approches de ter­rain spon­tanées qui ont apporté des répons­es con­crètes aux moments cru­ci­aux.

Quels textes choisir ? Notre idée de base était qu’il fal­lait que ces pièces puis­sent dire quelque chose à un pub­lic « lamb­da », et qu’elles soient toutes d’un niveau équiv­a­lent de per­cep­tion immé­di­ate : pas com­plète­ment exo­tiques, mais pas non plus par­mi les block­busters intem­porels : pas de Ham­let ou de Trois sœurs qui auraient imman­quable­ment raflé la mise. À un moment nous avons pen­sé faire une sorte de tour d’Europe, voire du monde, afin d’ouvrir les per­spec­tives. Il en est resté quelque chose, mais nous man­quions d’éléments tan­gi­bles pour le pub­lic : que ce soit un per­son­nage emblé­ma­tique (Volpone, de Ste­fan Zweig), la réu­nion d’un mon­stre lit­téraire et d’un mon­stre ciné­matographique (Moby Dick, Orson Welles), une décou­verte récente (Rafael Spregel­burd que nous venions de jouer à Liège), la redé­cou­verte d’une autrice belge dans sa réap­pro­pri­a­tion du réper­toire (Michèle Fabi­en, Amphit­ry­on), une thé­ma­tique pro­pre à la vie d’une ville (Notre petite ville de Thorn­ton Wilder), un sujet aguicheur (Sept pipes de Mac Well­man), un ovni russe post-sovié­tique (Diag­nos­tic : Hap­py Birth­day de Kon­stan­tin Kostienko).

Le tra­vail de lec­ture et de défrichage s’avère con­séquent. Nous nous sommes fixés comme con­signe de ne pas com­mencer le tra­vail de mise en scène avant la date du vote, mais de toute façon nous n’en avons pas le temps. Il faut balis­er le ter­rain, pour éval­uer les con­di­tions de fais­abil­ité pure­ment budgé­taire des pro­jets : dis­tri­b­u­tion min­i­male, néces­sités scéniques de base. Nous avons pro­posé à Julie Devi­gne de met­tre à prof­it le stage passé chez nous pour dégager avec nous ces dra­matur­gies de bases, et elle s’est acquit­té de sa tâche haut la main.

À par­tir de là, la mise en place de la stratégie de com­mu­ni­ca­tion s’est élaborée avec les équipes du théâtre : rela­tions avec les écoles, les asso­ci­a­tions, les amis du Théâtre, etc., autour de l’argument inédit qu’est la pos­si­bil­ité de vot­er, d’une inter­ven­tion directe sur le pro­jet. Et d’autre part, en prenant appui sur la ville elle-même, en prise directe : clips de présen­ta­tion des pièces sous forme de micro-trot­toirs, per­for­mance fes­tive lors du piquenique urbain, céré­monie publique de clô­ture des votes le 16 novem­bre 2015 avec lec­ture d’un extrait du texte gag­nant.

Il a été intéres­sant de suiv­re l’évolution des choix du pub­lic : dans un pre­mier temps, ce sont Notre petite ville et Volpone qui ont dom­iné, sans doute le pro­pos de prox­im­ité de l’une et la célébrité et le comique sar­cas­tique de l’autre ont pré­valu. Mais à par­tir de sep­tem­bre, la donne a changé : ce sont peu à peu Amphit­ry­on et Moby Dick – en répéti­tion qui se sont imposés, pour don­ner lieu finale­ment à un duel chargé de sus­pens, pour finale­ment pencher en faveur de la geste du mythique cachalot albi­nos à une dizaine de voix près. 1 222 per­son­nes auront voté au final, ce qui représente à peu près deux fois et demie la salle de la Grande Main du Théâtre de Liège. Joli score pour le pub­lic.

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