Héritiers d’une histoire en mouvement
Entretien

Héritiers d’une histoire en mouvement

Entretien avec Vincent Baudriller et Hortense Archambault

Le 30 Juil 2006
Affiche du 60e Festival d'Avignon. Conception de la photographie: Josef Nadi. Photo Christophe Raynaud de Lage pour le Festival d'Avignon.
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Alter­na­tives théâ­trales : Ce qui frappe dans l’édition de cette année, c’est la réu­nion de toutes les généra­tions du théâtre. Des gens très jeunes jusqu’à Peter Brook. Il y a tout un arc de généra­tions et d’identités dif­férentes. 

Vin­cent Bau­driller : Je pense qu’une des sin­gu­lar­ités du Fes­ti­val d’Avignon, c’est qu’il rassem­ble depuis longtemps du côté des artistes comme celui du pub­lic, plusieurs généra­tions. C’est un des rares événe­ments cul­turels où l’on trou­ve trois généra­tions de spec­ta­teurs dans les mêmes salles pour partager une envie de théâtre. Cela s’est peut-être accen­tué depuis deux ans avec un raje­u­nisse­ment impor­tant du pub­lic et l’arrivée d’une nou­velle généra­tion qui cotoie les spec­ta­teurs fidèles du fes­ti­val. 

Pour con­stru­ire cette 60e édi­tion nous nous sommes beau­coup inter­rogés avec Josef Nadj sur la ques­tion de la moder­nité. Com­ment un artiste peut trou­ver une écri­t­ure qui soit mod­erne et sin­gulière sans for­cé­ment se couper des tra­di­tions dont il a pu hérit­er ? Nous avons aus­si par­lé de l’importance des maîtres dans l’apprentissage. Idée peut-être incar­née ici par la présence de Peter Brook ou Ana­toli Vas­siliev. Un des para­dox­es de l’édition 2006 est d’être l’une des  plus con­tem­po­raines en ter­mes de textes qui y seront présen­tées dans des mis­es en scène qui par­fois se rat­tachent à de grandes tra­di­tions théâ­trales. Il n’y a qu’un seul texte du réper­toire, peu con­nu,  Les Bar­bares de Gor­ki que met­tra en scène Eric Lacas­cade. 

A. T. : La ques­tion d’équilibre ou de ten­sion vient du fait qu’on a l’impression qu’il y a d’un côté  les « met­teurs en scène » dans le sens noble et réputé du terme et de l’autre les « écrivains du plateau ». Cette ten­sion entre ces deux direc­tions n’est-elle pas le pho­togramme du paysage théâ­tral européen ? Est-ce que cette édi­tion ne retrou­ve pas cette dimen­sion de la mise en scène sans renon­cer aux acquis des écrivains du plateau ?

V. B. : Ce qui me gêne dans la ques­tion, c’est que nous n’avons jamais mis en oppo­si­tion ces deux approches du théâtre que nous souhaitons au con­traire faire dia­loguer. Beau­coup d’artistes d’ailleurs peu­vent se retrou­ver dans ces deux caté­gories à la fois, si caté­gorie il y avait. Ceux qui ont analysé le fes­ti­val de l’année dernière en voulant nous faire oppos­er deux formes de théâtre,  ont oublié notre pre­mière édi­tion qui met­tait vrai­ment en avant l’artiste met­teur en scène à tra­vers la présence notam­ment de Thomas Oste­meier, Frank Cas­torf ou Ludovic Lagarde… Ce théâtre était aus­si présent dans l’édition 2005, en même temps qu’une présence forte d’  « écrivain du plateau » ou plutôt de « poète du théâtre » avec une vision plus glob­ale de la créa­tion théâ­trale. Ce qu’il y a de com­mun aux trois édi­tions, c’est que ce sont tou­jours des écri­t­ures sin­gulières, des démarch­es authen­tiques qui se retrou­vent chez les artistes que nous invi­tons. Le proces­sus qui con­duit à la pro­gram­ma­tion 2006 est le même que celui qui nous a fait aboutir à celles  de 2004 et de 2005. A par­tir de dis­cus­sions avec l’artiste asso­cié, de son regard sur le théâtre, sur le monde, sur la créa­tion,  nous avons dess­iné un ter­ri­toire artis­tique sur lequel je bâtis la pro­gram­ma­tion.  Donc, cette notion d’équilibre n’intervient jamais lorsqu’on tra­vaille, je par­lerai plutôt d’une recherche de cohérence. 

Hort­ense Archam­bault : Ain­si une idée qui nous a sem­blé impor­tante, en regar­dant l’œuvre de Josef Nadj, est celle du besoin de la ren­con­tre avec l’autre, l’altérité. Com­ment l’artiste, pour créer, intè­gre cette ren­con­tre, se nour­rit des dif­férences pour trou­ver sa pro­pre écri­t­ure, sa pro­pre iden­tité. Une chose frap­pante avec Josef Nadj, c’est que depuis une ving­taine d’années pour créer un spec­ta­cle, il se plonge sou­vent dans l’univers d’un autre artiste pour dévelop­per le sien. Ça a été celui de Borgès, Kaf­ka, Schulz, cette année il s’agit d’Henri Michaux.

V. B. : En écho à cette démarche, nous pro­posons trois par­cours artis­tiques qui témoignent d’une rela­tion forte entre un met­teur en scène et un auteur : Alain Françon avec Edward Bond, Eric Vign­er avec Mar­guerite Duras, Mar­cial Di Fon­zo Bo avec Copi.

A. T. : La ren­con­tre entre artistes de genre dif­férent se passe sou­vent sur les plateaux comme le mon­tre votre affiche, signée Barceló et Nadj.

V. B. : Une par­tie impor­tante du pro­gramme témoigne d’un dia­logue entre dif­férents lan­gages artis­tiques. En effet ce dia­logue est sym­bol­isé par la ren­con­tre entre Josef Nadj, met­teur en scène, choré­graphe et danseur et Miquel Barceló, pein­tre et sculp­teur. La ren­con­tre se retrou­ve aus­si dans la démarche de nom­breux artistes qui vont se nour­rir d’autres formes : Jan Lauw­ers, François Ver­ret ou Christophe Huys­man qui pour­suit son tra­vail  entre son écri­t­ure et les arts du cirque. 

Il y a aus­si cette année un rap­port très fort à la musique, que ce soit chez Alain Pla­tel, Bartabas, Josef Nadj, tous les trois invi­tant une dizaine de musi­ciens sur le plateau, ou chez Ana­toli Vas­siliev qui développe son théâtre musi­cal en com­pag­nie du com­pos­i­teur Vladimir Mar­tynov. Enfin, un cycle de jazz et de musique impro­visée va venir ponctuer l’ensemble du pro­gramme. Ces con­certs seront sou­vent l’occasion d’une ren­con­tre entre deux musi­ciens  d’origine ou d’instrument dif­férents, qui, grâce à la maîtrise de leur art, sont capa­bles de dia­loguer libre­ment. Le temps d’une soirée,  nous ver­rons ain­si Archie Shepp, jazzman améri­cain en con­cert dans la cour d’honneur avec le Dresch Quar­tet de Budapest.

 H. A. : C’est une autre ques­tion de cette édi­tion : la maîtrise du geste dans l’art, sou­vent fruit d’un long tra­vail, per­met à l’artiste de créer libre­ment et sou­vent d’inventer une forme. On la retrou­ve chez les musi­ciens de jazz, les danseurs, le cal­ligraphe Naka­ji­ma, et bien sûr chez les cav­a­liers de Zin­garo. Pour Bat­tuta Bartabas évoque la lib­erté ou plutôt le dan­ger de la lib­erté avec la vir­tu­osité des cav­a­liers dans un spec­ta­cle au galop. 

V. B. : Deux spec­ta­cles vont racon­ter ce moment con­cret de l’artiste face à son tra­vail : le spec­ta­cle de Thier­ry Baë qui racon­te la soli­tude de l’artiste, ses doutes, le vieil­lisse­ment de son corps. Et le lever de soleil où Bartabas invite les spec­ta­teurs à l’aube pour regarder  ce moment de tra­vail intime et mag­ique entre le cav­a­lier et son cheval qu’il pra­tique tous les matins.

A. T. : Cette idée de la ren­con­tre avec l’autre prend tout son sens avec Nadj, artiste lié à son ter­ri­toire et en même temps très ouvert à des pra­tiques d’écriture étrangères. Il y a donc une rela­tion com­plexe entre ter­ri­toire et décou­verte de l’autre. L’enracinement et le besoin d’air frais, d’aller ailleurs.

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Bernard Debroux
Co-écrit par Bernard Debroux
Fon­da­teur et mem­bre du comité de rédac­tion d’Al­ter­na­tives théâ­trales (directeur de pub­li­ca­tion de 1979 à 2015).Plus d'info
Portrait de George Banu
et Georges Banu
Écrivain, essay­iste et uni­ver­si­taire, Georges Banu a pub­lié de nom­breux ouvrages sur le théâtre, dont récemment La porte...Plus d'info
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