L’anatomie d’un sanglot
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L’anatomie d’un sanglot

Le 24 Oct 2025
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CELA FAISAIT quinze ans déjà que j’ob­ser­vais l’en­gage­ment de McDi­armid avec mes textes. THAT GOOD BETWEEN US. THE LOVE OF A GOOD MAN. CRIMES IN HOT COUNTRIES. DOWNCHILD. THE CASTLE. PITY IN HISTORY. THE EARLY HOURS OF A REVILED MAN.
(…)
Il a créé un style.
Il a mar­ié le corps à la voix.
Il a exploré l’im­par­donnable.
Il a déter­ré l’il­lé­gal.
Il s’est cor­turé.
Il ne s’est pas repen­ti.
Il a exposé le privé au pub­lic.
Il n’a pas voulu colér­er l’in­dif­férence Il était sans gêne et donc mythique.

Ces quinze ans passés, il a joué une autre pièce, TERRIBLE Mou­ru. Dans cette pièce, il était sourd, malade, voyeur ; il se détes­tait, se van­tait, sex­uelle­ment fou, tor­turé, sans pitié et rem­pli d’ado­ra­tion. C’é­tait un rôle créé pour lui, lui qui adore les extrêmes. Dans cet opéra, il devait san­glot­er. Il a con­sid­éré ce san­glot comme faisant par­tie du texte et non pas comme acces­soire.
Il y vit non pas une perce momen­tanée d’ar­tic­u­la­tion mais une oppor­tu­nité. Et il a tou­jours saisi l’op­por­tu­nité d’u­tilis­er un autre moyen d’ar­tic­u­la­tion-saisir un objet, un vête­ment, se servir des acces­soires fai­sait par­tie de soo style d’ac­teur. Dans ce san­glot, il trou­va non pas la con­clu­sion d’une émo­tion, mais son essence même et il y appor­ta la même écorchure et inven­tion qu’il con­féra à cha­cune de ses lignes. Il l’in­vestit aus­si bien de ses res­som­ces physiques que de son ago­nie men­tale : son corps résis­tait à la perce de parole, comme si la parole avait été expul­sée des cav­ités qu’elle habitait — des poumons, de la bouche et de la gorge arquée — lais­sant der­rière elle des mus­cles qui ago­ni­saient, et dans ce vide un floc de douleur incom­préhen­si­ble. La perce de parole fut comme la perte d’oxygène pour un plongeur. Sans parole, son corps se cor­dait d’une douleur muette, cher­chant dés­espéré­ment à arriculer, mais trahi par cette même artic­u­la­tion. Dans ce silence, il com­mença à se noy­er, car tant que la parole fut en vie, elle lui per­me­nai d’ex­is­ter, lui per­me­t­tait de se bat­tre vio­lem­ment con­tre les vagues de mépris de soi et de soli­tude qui se jet­tai­et sur lui ; mais, la parole coupée, il suc­com­ba, la mâchoire comme une épave, la bouche comme une grotte voûtée. Il tint ce san­glot, tant que la force de ce son de capit­u­la­tion morale fut réu­nie à con­tre cœur par coutes les extrémités de son corps, ce san­glot qui, en repous­sant son regret, s’est exprimé dans un silence de temps arrêté.Un son sur­na­turel, recon­naiss­able seule­ment dans les douleurs étouf­fées d’une vie trop privée ou des sou­venirs de morts ou de sépa­ra­tion. Il per­sis­tait et on éprou­vait un sen­ti­ment de honte, comme si on regar­dait quelque hor­reur secrète à tra­vers un rrou dans le mur ; ceci aus­si est le théâtre et fait par­tie de sa capac­ité à nous trou­bler. Voici le spec­ta­cle hyp­no­tique de la douleur d’un autre, souf­ferte en soli­taire mais qui apporte une force, car, ce que McDi­armid osa et réus­sit, nous aus­si en sommes capa­bles. Dix longues sec­on­des, mais une telle anat0mie de souf­france que l’on fix­ait comme si des couteaux habile­ment manip­ulés écor­chaient un cadavre devant nos yeux pour nous révéler l’hor­reur de ce qui se cachait en­ dessous de la sur­face, un écorché d’une vie dés­espérante. Le san­glot fut pré­cisé­ment un san­glot. Sculp­té, et avec une musique sur­na­turelle, il incar­nait pleine­ment le san­glot de notre expéri­ence. C’é­tait l’ex­péri­ence type, un moment de témoignage, réu­nis­sant en elle-même l’his­toire de chaque spec­ta­teur.

Brique n° 1

Un acteur est un menteur de mérite, certes. Ses men­songes ne peu­vent être mod­estes. Qui a besoin d’un menteur mod­este ? Nous risquons fort d’être déçus.

Brique n° 2
L’ac­teur ment pour nous. Dans les men­songes de la scène, nous punis­sonts les menteurs de la vie.

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