Un héros des temps modernes

Un héros des temps modernes

Le 6 Jan 2006
Gérard Philipe et Maria Casarès dans LE Cm de Corneille, mise en scène Jean Vilar, Avignon, 1958. Photo Agnès Varda, Agence Enguerand.
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Gérard Philipe et Maria Casarès dans LE Cm de Corneille, mise en scène Jean Vilar, Avignon, 1958. Photo Agnès Varda, Agence Enguerand.
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« Il importe de faire un pacte avec son âme. Et de s’y tenir loyale­ment.
Ne souriez pas trop de la grav­ité de mes paroles. Vous n’avez pas à choisir.
Il faut que cha­cun de vous, dans le secret de son âme, soit un héros.
Je dirais même, si je ne craig­nais d’être mal com­pris, et je le dis à mi-voix,
en con­fi­dence : un héros… et un saint pour lui-même. »

Jacques Copeau

Tout acteur mythique, par-delà les suc­cès et les échecs, finit par incar­n­er une con­duite. Elle affirme une cohérence et dégage une iden­tité. C’est elle qui, au terme de sa car­rière, reste mémorable car, à tra­vers la mul­ti­tude des rôles, un être finit par s’affirmer : unique bien que mul­ti­ple. Et cet être, mal­gré le soupçon d’authenticité qui pèse, à juste titre, sur le théâtre, affirme un mode d’être au monde. Ain­si, l’artiste-interprète débor­de son statut pour accéder au statut d’artiste, certes inter­dit de durée, mais non moins artiste dans la mesure où, à tra­vers lui, se dégage un mod­èle per­son­nel auquel se ral­lie à un moment don­né l’ensemble d’une généra­tion. Généra­tion jeune car elle, tou­jours elle, la pre­mière, accorde à l’acteur ce statut hors pair. Il cristallise ses attentes et, un instant, les incar­ne. Il est son héros. Parce que perçu comme tel, il accède ensuite au stade ultime d’acteur mythique. Non pas acteur por­teur d’une « mytholo­gie » dans le sens barthésien du terme, à savoir fruit de l’aliénation engen­drée par les pou­voirs médi­a­tiques, mais acteur qui acquiert le statut de « héros cul­turel ». Ce fut le pro­pre de Gérard Philipe quand, à la sor­tie de la guerre, lui, fils d’ancien col­lab­o­ra­teur notoire, parvint à sur­mon­ter les dif­férences et recon­stituer autour de lui une unité pas­sagère, des publics, de la nation.

Gérard Philipe, par-dessus tout, se place au croise­ment de l’art et du monde, de la sub­jec­tiv­ité qui se dévoile et de l’histoire à laque­lle il se voue. Il ne fut pas écartelé entre elles, mais bien au con­traire, il œuvra à leur pas­sagère alliance. Et ceci avec la fougue qui fut la sienne et qui, en même temps, le préser­va de tout embri­gade­ment ou esprit par­ti­san. Il sut rester libre tout en étant impliqué. Non, Gérard Philipe ne tient pas de la « mytholo­gie » mais du « mythe », avec tout ce qu’il implique comme pou­voir de fon­da­tion ou… de re-fon­da­tion.

Le corps unique

L’acteur mythique n’a pas de corps exem­plaire, mais un corps unique. Corps qui ne cor­re­spond pas aux canons de la per­fec­tion ni ne pro­cure la sen­sa­tion de sécu­rité pro­pre à ces sil­hou­ettes vigoureuses, à ces épaules fortes, à ces bras mus­clés qu’affichent tant d’acteurs entraînés. Leur corps ren­voie à une image déjà élaborée, soumise aux normes en vigueur, corps éduqué, corps inté­gré, corps pro­gram­mé.

L’acteur mythique, et Gérard Philipe en est un, se dis­tingue par un corps atyp­ique, corps qui par­le, corps qui fait resur­gir la com­plex­ité d’un être et lui sert de révéla­teur. Ce qu’il expose à l’extérieur ne fait jamais taire les mou­ve­ments de l’intérieur. Les deux ver­sants sont sol­idaires. Là où le corps héroïque ne donne à voir que la splen­deur d’une enveloppe, le corps unique se refuse à ce silence de l’être. Bien au con­traire, il appa­raît comme son plus fin écou­teur.
Le corps de Gérard Philipe se dis­tin­guait par sa grâce. Un corps sou­ple, flu­ide, un corps frag­ile, mais en même temps fiévreux, act­if, agité. Alliance rare, peu fréquente. Pro­pre du corps unique, tou­jours perçu comme un don sin­guli­er, et nulle­ment comme le pro­duit d’un exer­ci­ce. Tout dans le corps de Philipe attes­tait le rejet de l’effort et s’ouvrait aux tour­ments des pas­sions. Raf­finé et incan­des­cent — ces ver­tus sou­vent antithé­tiques se retrou­vaient réu­nies en lui, et pareille union ne pou­vait que séduire.

Le corps unique de l’acteur se mon­trait rebelle à la per­fec­tion et sou­vent il dévoilait ses faib­less­es, jouait sur l’écart, accep­tait une gaucherie qui le rap­prochait du quo­ti­di­en. La voix de Philipe ne fai­sait pas l’unanimité et pour­tant, c’est elle qui le dis­tin­guait ; sa démarche par­fois hési­tante, relâchée, dégageait une fatigue secrète, un désir de retrait. Philipe n’a jamais cher­ché à occul­ter ces fêlures, il a su en jouer en resti­tu­ant ain­si l’identité d’un homme libre. Le corps unique, le sien comme jadis celui de Sarah Bern­hardt, cumule qual­ités excep­tion­nelles et vices ponctuels sur fond d’extraordinaire vital­ité. Celle-ci dépasse les critères de la seule expres­siv­ité et c’est finale­ment elle qui rend mythique un acteur.

L’acteur mythique ne peut être expliqué par le seul effet de « présence ». Le rôle de celle-ci est indé­ni­able, il la pos­sède et en même temps il la tran­scende. La « présence » du comé­di­en est opaque, elle nappe le jeu d’un « ray­on­nement » — le qual­i­fi­catif le plus fréquent — qui absorbe le regard et désor­gan­ise le plateau. La présence, c’est le som­met de l’instant. Une vic­toire de la pul­sion éro­tique sur l’ensemble dra­maturgique. Là où l’on avait pen­sé la scène en ter­mes d’ensemble, un être se dégage, un acteur s’impose sans l’aide des straté­gies éculées du star sys­tem : il n’est pas seule­ment là, mais son corps par­le aus­si, mais un dis­cours souter­rain dont le spec­ta­teur capte les échos per­son­nels, uniques.

Gérard Philipe, comme les autres acteurs mythiques, ne lève pas toutes les cen­sures pour s’afficher libre de toute con­trainte, il les com­bat et ne four­nit que ce qui résiste à ce com­bat. Et d’une cer­taine manière, cela le rend unique. Il ne cherche pas cette vacuité dont sou­vent on a fait le préal­able de l’acteur par­fait, et c’est pourquoi il ne pour­ra jamais s’accomplir dans des rôles de com­po­si­tion. Pris­on­nier de soi-même et fasci­nant dans la mesure où il ne s’affranchit pas de son dou­ble, Gérard Philipe se mon­tre inapte à l’absolu sac­ri­fice de soi. Il apporte chaque fois « l’ascendant d’une per­son­ne réelle », comme dis­ait Charles Dullin, et de sa vérité il lui sera impos­si­ble de faire le deuil…

Le culte de la dépense

Il n’y a pas d’acteur mythique sans une propen­sion à la dépense. Dépense de soi, con­som­ma­tion indif­férente à toute pro­tec­tion ou économie pré­cau­tion­neuse. Tout dans Gérard Philipe con­firme ce préal­able. Il adore, lui aus­si, se don­ner, inlass­able­ment, sans pause ni répit. Et ceci sans le moin­dre plan de car­rière ou vel­léité de star ; la dépense, c’est sa loi. Le pub­lic ne peut recon­naître dans pareille dis­po­si­tion que la manière de se livr­er d’un acteur pas comme les autres, tout en pressen­tant son désir de vivre vite. Il y a une crainte de la vieil­lesse qui, motif récur­rent chez Philipe, « fait per­dre les cheveux » et dès lors vous inter­dit cer­tains rôles. Voilà pourquoi il ne faut rien se refuser et vivre à pleines dents.
Gérard Philipe a une biogra­phie courte, mais pleine. Il a tout essayé, n’a jamais fait des choix pru­dents, a alterné le théâtre et le ciné­ma, l’art et la vie. Et ceci sans être nulle­ment fatigué, comme si l’absolu don de soi était sa liqueur mag­ique. Il pui­sait jusqu’au plus pro­fond de lui-même avec une jubi­la­tion entretenue par l’appétit de dépense dont il reste indis­so­cia­ble. C’est lui qui accélère le rythme d’une vie dont on a le pressen­ti­ment qu’elle sera brève. Cette dépense n’a rien de nar­cis­sique ou de cet insup­port­able désir d’être présent pro­pre aux angois­sés de la notoriété publique. Elle tient chez Philipe d’une ani­ma­tion intérieure qui l’entraîne sur tous les ter­rains, qui lui inter­dit de dormir et lui apporte la jubi­la­tion du don. L’acteur mythique des temps mod­ernes fait don de lui-même. Voilà la rai­son de sa longévité réduite. Ce qui est vrai pour Philipe, d’autres le con­fir­ment aus­si — James Dean, Mar­i­lyn Mon­roe, en Amérique, Zbig­niew Cybul­s­ki en Pologne ou Vladimir Vys­sot­s­ki en Russie — tous des dis­ci­ples inas­sou­vis de la dépense.
La dépense fascine chez Philipe dans la mesure où elle s’associe à un intense goût du jeu. Il ado­rait les farces, il aimait tout ce qui pou­vait per­turber le sérieux afin de ne pas sac­ri­fi­er la lib­erté ludique. D’ailleurs, Tyl l’Espiègle ne fut-il pas le per­son­nage qui le fasci­na et cela non pas seule­ment sous l’influence de sa femme. Il recon­nais­sait dans ce per­son­nage fan­tasque une sorte d’alter ego, d’insoumis, qui reste à l’abri de la haine et de la vio­lence. Le jeu, pour Philipe aus­si, était une manière de se dérober à la pres­sion du monde, de lui échap­per avec grâce tan­dis que d’autres acteurs mythiques ont cher­ché refuge dans « les par­adis » de la drogue ou de l’alcool. Si la dépense peut le plus sou­vent con­duire à l’intégration absolue, Philipe en avait l’intuition, le jeu préserve une marge de gra­tu­ité, d’arbitraire, de non-con­formisme qui sauvent. En ce sens-là, il a été « mozar­tien ».

L’éthique innée

Depuis les orig­ines du spec­ta­cle mod­erne, depuis Stanislavs­ki jusqu’à Copeau et Brook, les met­teurs en scène ont for­mulé le vœu d’un acteur qui ne dis­so­cie pas art du jeu et com­porte­ment éthique. Tous s’accordent à dire que la qual­ité de l’être transparaît sur un plateau et, désor­mais, le but con­siste à œuvr­er à cette dou­ble édu­ca­tion, physique et morale. Ain­si l’art de l’interprète est rehaussé et par­ticipe à la révi­sion générale du théâtre envis­agée par les grands réfor­ma­teurs.

Gérard Philipe a été perçu comme un être moral et cela ne res­ta pas sans con­séquences sur l’investissement mythique dont il fut l’objet. À l’art de l’interprète s’ajoutait la qual­ité de l’être — il n’y avait pas de rup­ture entre les deux. Yves Mon­tand le qual­i­fi­ait d’« homme qui était l’honnêteté même », appré­ci­a­tion partagée, unanime­ment admise, indis­cutable. Elle non plus n’était pas perçue comme la con­séquence d’un tra­vail, d’une déci­sion, d’un pro­gramme. On la perce­vait chez Philipe comme une éthique innée.

L’acteur mythique peut paraître dés­in­volte, capricieux, mais nulle­ment dépourvu de voca­tion morale. La jeune généra­tion qui en fait son idole n’admettrait pareille démis­sion car ce qu’elle con­sacre est tout autant son art que son être. Il se dérobe à l’emprise des straté­gies et des rus­es, il s’avance sans tran­siger avec les valeurs dont se réclame tout homme qui entre dans la vie. Cela explique pourquoi l’acteur mythique incar­ne des valeurs qui débor­dent la scène ou l’écran. Par-delà les rôles, il affirme une manière d’être, de se livr­er et de se con­som­mer étrangère à ces com­pro­mis qu’affectionne l’être social au quo­ti­di­en.

Chez Philipe, la ver­tu morale ne fut jamais mise en avant, il n’en a pas fait un dra­peau, il l’a assumée avec naturel, comme une valeur indis­pens­able à sa vie d’homme autant que d’acteur. Car s’il y a une éthique per­son­nelle, il y en a une autre, éthique de l’équipe, qu’il a tou­jours respec­tée et tous ses parte­naires s’accordent à l’admettre. Il n’a jamais cher­ché à « tir­er la cou­ver­ture à soi », dis­ent-ils, il trou­vait tou­jours sa place sans porter préju­dice à ses cama­rades, il ne cher­chait point le cen­tre et s’adaptait aux exi­gences du spec­ta­cle. Morale du plateau dont ses cama­rades ne se lassent pas de rap­pel­er la portée. Elle entre­tient aus­si son mythe. Mythe de l’intérieur, mythe du tra­vail en com­mu­nauté. Chez Philipe, on admire son apti­tude à s’inscrire dans un ensem­ble autant que son « génie » pro­pre. Il était « présent » mais jamais au détri­ment des autres. Sa présence ressor­tait naturelle­ment.

Sur le plateau, de son jeu, se dégage une ver­tu. Elle le dis­tingue des autres comé­di­ens dans la mesure où une loi morale sem­ble dicter ses actes. Loi non pas sévère et stricte, mais loi com­mandée de l’intérieur, loi d’insoumis, de soli­taire, ludique ou anar­chiste, mélan­col­ique ou exaltée. C’est pourquoi, durant le spec­ta­cle, il incar­ne une pos­ture exem­plaire de l’être. Il l’affirme physique­ment, et c’est le corps qui l’atteste. Gérard Philipe sera à jamais perçu comme un acteur éthique.

Par ailleurs, il ne sac­ri­fia pas sa soli­tude et sut mieux que quiconque la préserv­er. Il aimait le groupe sans en devenir le pris­on­nier et, rétif à toute cap­tiv­ité, l’acteur savait trou­ver sa lib­erté au point même que cer­tains la lui reprochèrent par­fois. Cela exas­père les épris du col­lec­tif indif­férents au droit de soli­tude qu’il savait pren­dre, comme au Mex­ique où, dès qu’il ter­mi­nait de tourn­er, il dis­parais­sait ; ou encore, plus tard, lorsqu’il cher­chait refuge dans les travaux de restau­ra­tion du mas de Ramat­uelle. Là où tout le pous­sait à une vie enivrée par­mi des admi­ra­teurs séduits, il sut ne pas devenir cap­tif de la gloire. Il n’en eut cure et fon­da un cou­ple, s’occupa des enfants qu’il aimait couch­er seul en leur réc­i­tant des tirades de ses rôles. On peut y repér­er la réponse à une troisième éthique, l’éthique indi­vidu­elle de l’homme pub­lic qui s’emploie à sauve­g­arder sa vie privée. Elle lui est tout autant indis­pens­able que l’éclat de la recon­nais­sance unanime. Gérard Philipe a su pra­ti­quer cette alter­nance.

Jean Vilar et Gérard Philipe pendant une répétition dans la Cour d'honneur du Palais des Papes, Avignon, 1958. Photo Agnès Varda, Agence Enguerand.
Jean Vilar et Gérard Philipe pen­dant une répéti­tion dans la Cour d’hon­neur du Palais des Papes, Avi­gnon, 1958. Pho­to Agnès Var­da, Agence Enguerand.

Un acteur engagé

Gérard Philipe débor­de les cadres de son art pour par­ticiper à la vie, pour s’engager comme s’il éprou­vait le besoin de ne pas se réfugi­er seule­ment dans des des­tins fic­tifs ou d’ériger son méti­er en tour d’ivoire. Au fond, l’engagement de Philipe prend le sens d’une morale civique. Il s’interdit de rester sourd à l’histoire, de ne pas se com­pro­met­tre, de dress­er l’autel du théâtre ou du ciné­ma à l’écart du monde. C’est la rai­son pour laque­lle il a ren­con­tré Vilar et a défendu l’esprit du TNP avant qu’ils ne s’imposent comme des valeurs sûres. Con­vié par tous les met­teurs en scène de l’époque, il a choisi celui qui était en train de naître et qui lui sem­bla être le plus proche de la place qu’il assig­nait lui-même au théâtre. Ce fut Vilar.

La dig­nité de l’acteur passe aus­si pour Philipe par la dig­nité du citoyen. Il veut servir et entend le faire pleine­ment. À tous les niveaux comme lorsqu’il paraît sur une pub­lic­ité mémorable où l’on assim­i­le le livre et la baguette, appel explicite en faveur de la lec­ture. C’était un com­bat et ça l’est tou­jours. Gérard Philipe fut un des pre­miers mil­i­tants… On le savait homme de la scène, le voilà lecteur.
Gérard Philipe — peu importe l’erreur de cer­taines illu­sions d’alors, aujourd’hui dénon­cées — a com­bat­tu pour la paix, a cru dans le social­isme de l’Est, ensuite dans celui de Fidel Cas­tro. Il a partagé les engoue­ments de sa généra­tion et, dans un pre­mier temps, il ne s’en est pas désol­i­darisé pour assumer ensuite avec courage leur mise en cause. Ce jeune homme se sen­tait respon­s­able et il entendait ne pas s’accommoder de l’état du monde, il voulait croire à son amélio­ra­tion et pour cela, il n’a pas ménagé ses efforts. Il n’a rien d’un mar­gin­al ni d’un indif­férent. Grand acteur, il devint aus­si mythique parce qu’il s’est refusé d’être le pris­on­nier de son tal­ent.
Peut-on oubli­er son extra­or­di­naire impli­ca­tion dans les con­flits syn­di­caux de la pro­fes­sion alors que rien, apparem­ment, ne le pous­sait à s’y intéress­er ? Il entendait défendre le statut des comé­di­ens de même que leurs droits. Lui, « l’exception », s’engageait dans le com­bat pour « la règle ». Et com­ment ne pas saluer ce dévoue­ment qui va agac­er même Vilar, devenu brusque­ment « patron », irrité par les com­bats de Gérard. Ne lui envoie-t-il pas un mot sévère où il se déclare opposé à toute réu­nion syn­di­cale dans l’enceinte de Chail­lot ?
Sans être un proche de Sartre, Gérard Philipe a dévelop­pé une véri­ta­ble morale de la respon­s­abil­ité et, dans le champ de la cul­ture française, cela n’a fait qu’accroître l’impact de son rôle. Il s’est immis­cé dans le monde et, nulle­ment à l’écart, il en assuma les espoirs et les désar­rois. L’acteur mythique est un acteur révolté.

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Écrit par Georges Banu
Écrivain, essay­iste et uni­ver­si­taire, Georges Banu a pub­lié de nom­breux ouvrages sur le théâtre, dont récemment La porte...Plus d'info
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