Images de la mort. Ombres qui passent…
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Images de la mort. Ombres qui passent…

Le 13 Nov 2007
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 94-95 - Lars Norén
94 – 95
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Texte rédigé par Katrin Ahlgren à partir d’un entretien avec Lars Norén et Claude Baqué (metteur en scène de la pièce Tristano) et basé sur l’expérience de la traduction et de l’interprétation pendant les mises en scène de l’auteur de ANNA POLITOVSKAÏA IN MEMORIAM (2007), LE 20 NOVEMBRE (2007), GUERRE (2003).

Qu’est-ce qui fait que les gens arrivent à sur­vivre ? Même après avoir tout per­du et après avoir tra­ver­sé les choses les plus hor­ri­bles — la guerre, la ter­reur, le viol… Pourquoi cer­tains con­tin­u­ent-ils à vivre pen­dant que d’autres cèdent et ne tien­nent plus à la vie ? Ce sont des ques­tions fon­da­men­tales dans l’œuvre de Lars Norén, aus­si bien pour son écri­t­ure que pour ses mis­es en scène, un fil con­duc­teur allant d’une pièce à l’autre.

« Si nous regar­dons nos vies en arrière, dit-il, c’est l’histoire de la mort. Tout le temps nous quit­tons quelque chose, c’est comme des épisodes de notre vie. Nous avons l’impression d’arriver au terme de tous ces épisodes, mais rien ne se déroulera comme prévu, un jour l’histoire s’arrêtera net. » Norén cherche sou­vent à exprimer la mort sur scène par des posi­tions, avec une main qui s’immobilise au milieu d’un geste ou avec des mou­ve­ments très lents, un sourire ou un rire figé. « Je vois l’existence de cette manière, comme une danse, un mou­ve­ment, et quand le mou­ve­ment s’arrête,il n’y a plus rien. » Cette façon de tra­vailler fait penser à un pho­tographe qui com­pose des images, les scènes devi­en­nent des impres­sions de vie. Les acteurs de Norén sont sou­vent libres de choisir la des­tinée qui con­vient à leurs per­son­nages — et pour ceux qui pren­nent le chemin de la mort, il y a encore un choix impor­tant à faire…

Selon Norén, on peut dis­tinguer plusieurs facettes de la mort. Il y a des gens qui n’arrêtent pas de penser à ce qu’ils n’ont pas pu réalis­er, à ce qui n’est pas advenu comme ils l’avaient espéré ou pen­sé. Cela peut devenir obses­sion­nel et finale­ment réduire à néant toute ambi­tion, c’est une sorte de mort dans la vie. Ensuite, il y a la mort réelle. Il paraît qu’au moment de mourir nous revoyons en accéléré tous les épisodes notre vie, des choses que nous avons vécues, petites et grandes, repassent dans notre con­science… Norén évoque aus­si la mort sur le plan religieux, et fait allu­sion à Dante et à Swe­den­borg en dis­ant que même dans le pur­ga­toire, ou ce qu’il appelle « le roy­aume de la mort », nous pou­vons choisir entre l’enfer et le par­adis. Nous avons la pos­si­bil­ité de nous libér­er de nos idées fauss­es et de notre cul­pa­bil­ité. La reli­gion per­met la rédemp­tion.

Dans la pièce TRISTANO, le pas­sage entre la vie et la mort est invis­i­ble. Six per­son­nes vien­nent de dîn­er, ils restent assis autour de la table en se révélant les uns aux autres par des frag­ments de leur vie. Pour le per­son­nage de la mère, la vie s’est arrêtée quand elle a appris la mort de sa fille. Elle refuse de voir que le monde change et que le temps passe, tan­dis que le père con­tin­ue de men­er la même vie qu’avant, en main­tenant les struc­tures établies. Finale­ment, c’est lui qui cède le pre­mier et qui entre dans « le roy­aume de la mort » pen­dant que la dis­cus­sion con­tin­ue à se dérouler autour de leur iden­tité juive et des grandes cat­a­stro­phes du monde qu’ils suiv­ent par les infos à la télé — la guerre dans le Golfe, au Moyen-Orient,en Afrique, le 11 sep­tem­bre…

Nous trou­vons une autre manière, plus directe et plus vio­lente, de traiter la mort dans LE 20 NOVEMBRE. Ce mono­logue, écrit comme un poème, est com­posé des dernières paroles d’un garçon de dix-huit ans qui pré­pare un mas­sacre dans son anci­enne école. Plusieurs voix s’expriment dans ce texte où des pen­sées et des actions de vio­lence générées par de jeunes révoltés s’entremêlent. C’est une sorte de sui­cide pro­longé, ain­si qu’un appel au sec­ours, mais l’aide ne lui parvient pas à temps… Per­son­ne ne peut arrêter le jeune homme car sa déci­sion est prise. Son choix, c’est la mort physique réelle.

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Écrit par Katrin Ahlgren
Katrin Ahlgren est diplômée en langues mod­ernes, en let­tres et en études théâ­trales de l’u­ni­ver­sité de Stock­holm. Elle...Plus d'info
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