Du « Théâtre prolétarien » au « Studio-Théâtre de La Louvière »
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Du « Théâtre prolétarien » au « Studio-Théâtre de La Louvière »

Le 16 Jan 2001
LE GRAND COMPLOT, mise en scène Yves Vasseur, Jean-Louis Langlais et Claude Renard. Photo Véronique Vercheval.
LE GRAND COMPLOT, mise en scène Yves Vasseur, Jean-Louis Langlais et Claude Renard. Photo Véronique Vercheval.
LE GRAND COMPLOT, mise en scène Yves Vasseur, Jean-Louis Langlais et Claude Renard. Photo Véronique Vercheval.
LE GRAND COMPLOT, mise en scène Yves Vasseur, Jean-Louis Langlais et Claude Renard. Photo Véronique Vercheval.
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Jean Louvet-Couverture du Numéro 69 d'Alternatives ThéâtralesJean Louvet-Couverture du Numéro 69 d'Alternatives Théâtrales
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Deux jeunes cheminots, Janine Louvet, Luc Mezzeta et Janine Ponsart. Sur l’échelle Frans Badot, Michel Debauque, Léon Hardat dans LE TRAIN DU BON DIEU, mise en scène Jean Louvet. Photo Willy Claes.
Deux jeunes cheminots, Janine Lou­vet, Luc Mezze­ta et Janine Pon­sart. Sur l’échelle Frans Badot, Michel Debauque, Léon Har­dat dans LE TRAIN DU BON DIEU, mise en scène Jean Lou­vet. Pho­to Willy Claes.

MÊME SI LE GROUPE a par­fois changé de nom : Théâtre pro­lé­tarien, Ate­lier de théâtre, Stu­dio-Théâtre de La Lou­vière, il y a une con­ti­nu­ité qua­si inin­ter­rompue de cette activ­ité théâ­trale à La Lou­vière. 1961 – 2001 : quar­ante ans. Mil­i­tan­tisme ? Néo-mil­i­tan­tisme ? C’est en tout cas sur la lancée du mil­i­tan­tisme poli­tique et syn­di­cal des années 60 que va per­dur­er ce tra­vail. 

Au départ, c’est un groupe d’ex-grévistes qui s’installe dans une arrière-salle de café partagée avec des boxeurs et des colom­bophiles. Un quarti­er ouvri­er. Un pub­lic de mil­i­tants poli­tiques et syn­di­caux, d’intellectuels engagés, d’ou­vri­ers. Rien n’échappe à notre volon­té de cri­ti­quer le cap­i­tal­isme et les direc­tions du mou­ve­ment ouvri­er. La plu­part des mem­bres de la troupe mènent une activ­ité mil­i­tante aux plans nation­al et inter­na­tion­al. Quelques points forts de notre analyse : bureau­crati­sa­tion des organ­i­sa­tions (pen­dant la grève de 60/61, quelques mem­bres impor­tants de « Social­isme et bar­barie » étaient venus à La Lou­vière), impasse du réformisme, lutte pour le fédéral­isme avec un con­tenu social­iste, société de con­som­ma­tion et ses manip­u­la­tions, pou­jadisme, rôle de l’intellectuel. 

Très peu de moyens financiers.

Men­acée de dis­paraître fin des années 70, la troupe va con­naître une éclair­cie sur le plan matériel quand quelques hommes de gauche nous invi­tent à nous inscrire dans la cir­cu­laire du théâtre-action, insti­tu­tion toute récente dont le Théâtre pro­lé­tarien se rap­proche le plus. En adhérant au théâtre-action, la con­signe demeure cepen­dant claire, inscrite dans les statuts du nou­veau Stu­dio-Théâtre de La Lou­vière : je dois con­tin­uer à écrire et à mon­ter mes pièces et celles d’autres auteurs de la région. Nous nous ini­tions à la créa­tion col­lec­tive avec plusieurs spec­ta­cles : LE JEU DU ROI DE LA LOUVIÈRE, VISITE GUIDÉE, COMMENT ÇA SE FAIT QUE PERSONNE NE RIT, ARRÊTEZ, JE VEUX DESCENDRE. Nous organ­isons des for­ma­tions, la plus récente est la nais­sance d’un ate­lier d’écri­t­ure. Quand Jacques Dubois m’avait invité à Liège, à la Huitième sec­tion, pour ani­mer avec Pas­cal Durant un sémi­naire sur l’écri­t­ure théâ­trale, j’avais ten­té de for­malis­er un min­i­mum d’ac­cès théorique à ce type d’écri­t­ure. 

C’est cette approche-là que quelques mem­bres de la troupe ont souhaité partager en écrivant : LA CITÉ DES MAL LOTIS, À COMME ADRIEN, TERMINUS CAVIAR (Janine Laru­elle); L’HOMME INTERDIT, LES ENCOMBRANTS (Jean Leroy); QUAI DES AFFRES, LA RACE DES SAIGNEURS (Emmanuel Loretel­li); POLITIQUEMENT INCORRECT, LE MIRAGE DES OLIVIERS (Franck Livin); ESPÈCE D’IDYLLE (Stéphane Man­sy). Qua­tre de ces pièces ont été pub­liées chez Lans­man. Actuelle­ment qua­tre nou­velles pièces sont en chantier. 

Sur le plan de la mise en scène, il y a eu aus­si des change­ments impor­tants. Si j’ai mis en scène pen­dant trente ans, à par­tir de 1989, c’est mon fils Pierre qui va me rem­plac­er pen­dant que je glis­sais à la dra­maturgie. 

Nous avons décidé aus­si d’autonomiser Le plus pos­si­ble les mem­bres. Aujourd’hui, dans un pre­mier temps, actri­ces, acteurs et auteur par­ticipent le plus pos­si­ble à l’élab­o­ra­tion du spec­ta­cle ; ce n’est que plus tard que met­teur en scène et dra­maturge « attitrés » inter­vi­en­nent à la demande d’ailleurs du groupe. Une excep­tion, quand il s’ag­it de ce qu’on appelle les créa­tions pro­pres (pour les oppos­er aux ate­liers), c’est tou­jours le cou­ple Lou­vet qui mène la danse surtout parce que j’aime vrai­ment bien tra­vailler avec Pierre qui a sou­vent un coup d’œil sûr. 

Phénomène récent :il y a des ate­liers qui n’aboutissent pas néces­saire­ment à des spec­ta­cles. Pen­dant six mois, Pierre a ani­mé un ate­lier avec quelques per­son­nes très mar­gin­al­isées. On nous demande aus­si par­fois de don­ner un coup de main à la mise au point de spec­ta­cles sco­laires (sec­ondaire ou pri­maire). Et depuis plusieurs années, La Plate-forme de con­cer­ta­tion de la San­té men­tale (qui regroupe les ser­vices psy­chi­a­triques de trois hôpi­taux et qua­tre cen­tres de guid­ance) entre­tient avec le Stu­dio-Théâtre des rela­tions suiv­ies ; Serge Faël­li, Robert Ster­ck, psy­chi­a­tres, et Jean-François Lavis, soci­o­logue, se sont intéressés de près à plusieurs de mes pièces pour ten­ter de com­pren­dre la perte du lien social. Pierre Lou­vet a mené un tra­vail en ser­vice psy­chi­a­trique à Jolimont, et plus récem­ment nous avons organ­isé toute une soirée sur le sui­cide, revenant au débat comme dans les années soix­ante. Pré­cisons que l’art-thérapie est au cen­tre de ces ren­con­tres. Ajou­tons enfin qu’un ate­lier d’his­toire, très promet­teur, est ani­mé, notam­ment, par Madame Claire Billen, pro­fesseur à l’ULB et où le Stu­dio-Théâtre pour­rait éventuelle­ment inter­venir (le but de cet ate­lier est de ren­dre le sens de l’histoire à une pop­u­la­tion pré­carisée). 

La per­ma­nence de ces activ­ités tient sans aucun doute en par­tie à la sta­bil­ité du noy­au famil­ial qui gère quo­ti­di­en­nement les prob­lèmes. La per­ma­nence est due aus­si au fait qu’il y a un groupe d’actrices et d’ac­teurs très impliqués, entourés par Jean Capi­au, Chris­t­ian Leroy, Daniel Pel­let­ti. 

Le pub­lic mil­i­tant des années 70 a dis­paru en grande par­tie, rem­placé par ce qu’on appelle le pub­lic « insti­tu­tion­nel » large­ment région­al, com­plété par une frange non nég­lige­able du pub­lic dit défa­vorisé : jeunes amenés par un ani­ma­teur de rue, quelques chômeurs, pop­u­la­tion de femmes et de jeunes de cités plus où moins à risques, réfugiés poli­tiques, etc. 

À tra­vers vents et marées, de l’intellectuel engagé à l’intellectuel cri­tique, le Stu­dio-Théâtre de La Lou­vière a trou­vé sa place, sur­mon­tant la chute du mur, la mon­di­al­i­sa­tion, l’idéolo­gie ges­tion­naire, les grèves des enseignants (plusieurs mem­bres sont pro­fesseurs) dont les échecs répétés ont entraîné une pro­fonde démo­bil­i­sa­tion. À quoi il faut ajouter les prob­lèmes per­son­nels. 

La Wal­lonie est une société fra­cassée : dans un pre­mier temps, c’est elle qui a per­mis à la bour­geoisie belge de se hiss­er au niveau des grandes puis­sances économiques ; dans un sec­ond temps, la Wal­lonie s’est retrou­vée au rang des régions d’Eu­rope par­mi les plus sin­istrées. Il n’en fal­lait pas tant pour sus­citer la nais­sance et le développe­ment, jusqu’à aujourd’hui, d’un théâtre poli­tique pour ten­ter de répon­dre à cette appar­ente énigme et d’en pal­li­er les effets dévas­ta­teurs. C’est ce ter­rain-là qui a per­mis, notam­ment, aux généra­tions de se ren­con­tr­er. 

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Jean Louvet

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