SI J’AI VOULU monter INACCESSIBLES AMOURS et MALAGA, c’est d’abord pour le plaisir que les textes de Paul Emond me procurent en tant qu’acteur. Pour moi, l’équivalent de Paul Emond au cinéma c’est Michel Audiard. C’est grâce à Théâtre Ouvert, à Lucien et Micheline Attoun, que j’ai eu connaissance d’INACCESSIBLES AMOURS : je désirais faire de la direction d’acteurs, ils m’ont envoyé le texte. À la première lecture, j’ai été immédiatement séduit. Je me suis aussitôt procuré auprès de Théâtre Ouvert les coordonnées de Paul Emond et je lui ai demandé de me céder les droits de sa pièce. C’est allé très vite. Ce qui m’a séduit, plus que les situations, c’est sa manière d’écrire, sa langue. Et puis aussi l’intérêt qu’il porte aux petites gens, qu’il sublime tout simplement : il nous fait nous attarder sur des personnages qui, dans la réalité quotidienne, nous laissent indifférents : Caracala, Flambard ou Marinette, une serveuse … Il nous fait aimer des personnages qui n’ont rien d’exceptionnnel, et il nous rend plus humains : on prête soudain attention aux petites gens qu’avant de lire ou de travailler une pièce de Paul Emond on ne regardait pas. Des petites serveuses de Charleroi. Ou cette femme africaine en panne ce dimanche sur la route d’Orléans. Peut-être que si je n’avais pas monté INACCESSIBLES AMOURS et MALAGA, je ne me serais pas arrêté
Il est vrai que j’ai parfois pris de la distance par rapport aux pièces de Paul. C’est avec des acteurs utilisés à contre-emploi que j’ai monté INACCESSIBLES AMOURS!. Jacques Bonnaffé, un homme grand pour jouer Caracala, un petit chauve ; Karin Viard, une femme sublime, pour jouer une petite serveuse. Parce que je crois que ces contre-emplois jouent le rôle de révélateur. J’ai également introduit un personnage muet qui se suicide à la fin dans INACCESSIBLES AMOURS ; peut-être pour ancrer dans Le présent de l’action le tragique cantonné dans les mots et le discours des personnages. Je ne montais pas ces pièces seulement parce qu’elles étaient drôles, mais aussi pour leur dimension tragique très présente. Et j’ai tenté de la renforcer avec l’ajout de ce personnage suicidé. Dans MALAGA, j’ai ajouté un personnage qui a réellement perdu sa femme (contrairement à Flambard) et qui vit accompagné d’une poupée gonflable vêtue en mariée. Il veut lui aussi se suicider, va à la gare pour le faire, mais c’est la grève. Ces personnages ajoutés sont là comme pour concrétiser Le verbe.

