Paul Emond, vu d’un cas
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Paul Emond, vu d’un cas

Le 9 Juin 2004
Article publié pour le numéro
Paul Emond-Couverture du Numéro 60 d'Alternatives ThéâtralesPaul Emond-Couverture du Numéro 60 d'Alternatives Théâtrales
60
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PAUL DOIT ÊTRE TRÈS EMBOUTEILLÉ, je le crains. Où va-t-il ?.… Il observe, sup­pute et scrute. Le monde. La dure réal­ité du monde. Il y va.
Il lâche alors ou se libère lit­térale­ment de per­son­nages qui, tout en rêvant d’un « des­tin », s’accrochent à leur vie lam­en­ta­ble. Au mur de leurs obses­sions famil­ières dra­ma­tique­ment fixés, han­tés d’or­di­naire. et théâ­traux, anthéâ­tral­isés d’or­di­naire. han­théa­treaux ! oui ! (bon­dit l’exégète et spé­cial­iste au moins d’HAM­LET) chez Emond (qui l’émeut) l’en­têté théâ­tral sup­plante l’an­tique han­té astral.
Oui ! Paul han­théâ­tralise, oui, Paul entarte ses per­son­nages aus­sitôt sor­tis. Les voilà qui se font un monde du sou­venir de la voix de maman, des phras­es ou des frasques de la tante Ginette et du génie sup­posé de leur meilleur copain. (Sans compter l’idée très haute qu’ils ont eue autre­fois d’eux-mêmes). Ils ne par­lent que d’eux quand ils font la con­verse, ça raisonne de toutes ces vies d’en-dedans.
Com­ment s’y retrou­vent-ils ? (com­ment s’y retrou­ve-t-il ?) Com­ment cette génoise d’in­di­vidus dans une même tête s’y retrou­ve. Ils cherchent d’autres paumés dans la pièce, voir s’il pour­rait se trou­ver ratage plus glo­rieux. Dans la pièce qu’ils occu­pent. Ou qu’ils jouent. Ça n’a pas d’im­por­tance. C’est la vie. Un coup, deux coups. Deux coups, dix coups, et ils tien­nent debout. Capa­bles d’anéantir un parterre aux heures de pointe, à con­tre-sens. « Minable est le mot juste »… Leur déri­sion fait drôle­ment mal.
Et l’auteur alors ? La morale ? et la cas­quette du cap­i­taine. Mys­tère. Rien ne flotte au dehors. On ne voit que Paul sere­in, boud­dhiste et droit, qui peaufne sa calme pos­ture de grand lapin au regard fou. 

Vu d’un Cara­cala
voire d’un cas dra­ma­tique
ou d’un cacadra­ma…*

Un drôle de jour à Paul j’ai dit
C’é­tait à coup sûr un jeu­di
À moins qu’un peu tard dans la nuit
Nous ne soyons plus très pré­cis.

J’y ai dit ceci :
Tes per­son­nages n’ont pas besoin de toit, ils sem­blent habiter leur dis­cours, l’en­vers du théâtre, une économie de déco appré­cia­ble, je rêve de mon­ter une de tes pièces au ver­so d’un décor de théâtre, là où la vie est de pas­sage. On se con­stitue une exis­tence en faisant des ren­con­tres, on peu­ple le vide par des extrap­o­la­tions, des men­songes. Les mots s’at­taque­nt à la réal­ité des ban­quettes, à la dureté des tables. plus besoin de tous ces meubles, on s’assoit dans les vies qu’on rêve, on affab­ule. Et comme on n’est pas du Sud, alors on se vante à l’en­vers, un peu lam­en­ta­ble.
Il est arrivé tout souri­ant à Mar­seille, l’E­mond, ramass­er ses filets et voir une fois le bon tour qu’il nous avait fait, pau­vre petit banc d’ac­teurs, avec ses amours inac­ces­si­bles. C’é­tait en 1995, tu m’ar­rêtes si je me trompe, dans la mise en scène d’Abbès Zah­mani. Tout souri­ant, timid­i­fié sous ces cieux phocéens, bleus, de se voir jouer. Acces­si­ble donc. On aurait voulu le pren­dre dans les bras, n’é­taient le respect de l’auteur et nos bras lourds de cram­pes bistrotières, red­ites et répétées. Trois névrosés de comp­toir à têtes far­cies, Marinette, Cara­cala, l’Homme Ensanglan­té et le pianiste, qui font trois donc, aus­si vrai que la bière est la bière.
On s’est appuyé cette triste bande de trois-qua­tre sous divers cli­mats sans jamais la sor­tir du suc­cès des pre­mières ni du ruis­seau qui l’emportait, soir après soir. L’é­mo­tion, Paul… Popaul Emond.… Emond Paulo ! tu nous en auras fait boire !
D’un pre­mier inou­bli­able sou­venir de bouil­l­abaisse au bord des Calan­ques, bleues, nous sommes passés à un inou­bli­able dernier ser­vice, chez Arthur, roi de la moule (et de la frite) su’l place d’armes à Douai.
Inou­bli­ables « inac­ces­si­bles », aban­don­nés aux spec­ta­teurs chavirés, ou copieuse­ment cuits, d’un vrai bistrot, un trade, un vrai. Ah qu’il était grand ce quai de gare, qu’il était beau ce dernier départ ! Oui quel beau bar… Qu’ils nous empor­tent tous ces ruis­seaux ! C’é­tait trop beau. (Ça pou­vait pas dur­er). Bon­soir. 

*CF INACCESSIBLES AMOURS, voir Marinette si affinités.

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Écrit par Jacques Bonnaffé
Jacques Bon­naf­fé est comé­di­en et met­teur en scène. Il a joué pour Abbès Zah­mani le per­son­nage de Cara­cala...Plus d'info
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