Sac de billes

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Entretiens avec François Beukelaers, Janine Godinas, Pietro Pizzuti, Stéphanie Sphyras et Alexandre von Sivers

Le 13 Oct 2002

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Jean-Marie Piemme-Couverture du Numéro 75 d'Alternatives ThéâtralesJean-Marie Piemme-Couverture du Numéro 75 d'Alternatives Théâtrales
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C’ÉTAIT LE DÉBUT de l’été et la com­mande est tombée sur mes brouil­lons de faire-part1 : com­ment jouer le théâtre de Piemme ? C’est à moi que vous posez la ques­tion ? Non, demande aux acteurs ! Des acteurs : François Beuke­laers, Janine God­i­nas, Pietro Piz­zu­ti, Jean-François Politzer, Stéphanie Sphyras et Alexan­dre von Sivers2. Pourquoi ceux-là ? Parce que.

Parce que François Beuke­laers est le pre­mier à avoir pris le risque de porter à la scène le texte incon­nu d’un auteur, à l’époque encore plus incon­nu que son texte. Il est aus­si le seul à l’avoir joué en néer­landais et en français. Parce que Janine God­i­nas, qui a beau­coup tra­vail­lé avec le dra­maturge, est l’actrice à avoir joué le plus de ses rôles féminins. Parce que Jean-François Politzer est le plus dra­maturge et Stéphanie Sphyras la plus française et la plus jeune. Parce qu’Alexandre von Sivers et Pietro Piz­zu­ti, un duo qui en veut et dont on rede­mande, sont les seuls a avoir joué Toréadors plus de 150 fois !3
Parce que.

Aux morceaux choi­sis, tirés des entre­tiens avec les acteurs, s’ajoutent des morceaux choi­sis avec l’auteur qui plane sur ce texte, parce que… Parce que j’aimais qu’il en soit ain­si. Le tout offre un pro­pos hétérogène, aérien, coupé/collé, mon­té, vrai et faux. Oserais-je dire à l’image de son théâtre ? Non. Mon texte s’est jeté « à l’assaut des nuages » pen­dant que les siens, les pieds dans le réel, réfléchissent le monde (dans tous les sens du terme).

Bille n° 1
Tout est ques­tion de style et d’absence de ménage­ment, qu’on se le dise.
(Lin­da Lewkow­icz)

Alors, com­ment jouer le théâtre de Piemme ? En met­tant toutes les billes dans le même sac.

« Je porte une cra­vate, le port de la cra­vate est un acte de civil­ité. J’ai aus­si une épin­gle de cra­vate, la vérité est que j’aurais pro­fondé­ment honte de me présen­ter à vous sous des dehors nég­ligés, (au pub­lic) Vous, vis­i­ble­ment, ce n’est pas le cas. Vous portez n’importe quoi. Vous êtes habil­lés n’importe com­ment. Savez-vous encore ce qu’est une étoffe ? La ligne d’une chaus­sure ? Excusez-moi si je vous choque, mais je n’ai aucune rai­son de vous ménag­er.4 »

Le pre­mier cos­tume

Parce que ses pre­mières approches étaient théoriques, Jean-Marie Piemme s’est tail­lé une solide répu­ta­tion d’intellectuel du théâtre5. En Bel­gique, le pro­fesseur6 a imposé (et même créé) la fonc­tion de « dra­maturge », au sens alle­mand du terme. Vu du plateau, c’est-à-dire du point de vue des acteurs, le dra­maturge est celui qui inter­roge la représen­ta­tion. Assis à l’ombre du met­teur en scène, s’il ne prend pas la respon­s­abil­ité de la créa­tion, de ques­tions réfléchies en répons­es sin­gulières, de balis­es his­toriques en points d’appui pour le jeu, il recadre et ren­force l’œuvre et sa représen­ta­tion. Tout ça pour dire que le côtoiement quo­ti­di­en avec la chose théâ­trale lui a per­mis de com­pren­dre, à tra­vers le tra­vail répété de l’acteur, les néces­sités liées à l’écri­t­ure et l’énon­ci­a­tion du texte. Tout ça pour dire que pen­dant que l’acteur demandait quelques con­seils au dra­maturge, le dra­maturge, lit­térale­ment, phago­cy­tait son corps, sa voix, son rythme, sa magie, son intel­li­gence et toutes ses pos­si­bil­ités d’exhibition physique et men­tale. Voilà aus­si ce qu’il faut lire entre les lignes de ses textes.

Bille n° 2
Un bon acteur, et a for­tiori un bon met­teur en scène, est avant tout un bon lecteur et re-lecteur. Quelqu’un qui peut lire les sig­naux qui parsè­ment le texte.
(Jean-François Politzer)

La dédi­cace

Et l’une des con­séquences de cette longue intim­ité, c’est le plaisir que prend l’auteur à saluer l’un ou l’autre tal­ent par le chemin de la dédi­cace. Janine God­i­nas, par exem­ple.
Janine God­i­nas : Oui, SCANDALEUSES était écrite pour moi. Mais sapristi, j’ai bien cru que j’en pre­nais plein la poire. Anna n’est pas un per­son­nage sym­pa­thique, cette actrice, sou­vent ivre et provo­cante, est nar­cis­sique à un point… Faut vrai­ment se la far­cir ! Pour pou­voir la jouer, il m’a fal­lu évac­uer toute pen­sée et me met­tre à l’aimer. Si l’auteur donne à voir ces images-là de cette femme-là, alors il faut les don­ner à voir et à enten­dre. Et cela n’a rien à voir avec moi.

Scan­daleuses
Pièce pour qua­tre femmes et un homme. Désir incar­né par une actrice, saisi dans sa dimen­sion con­tra­dic­toire d’asservissement et de lib­erté, dans sa grâce et dans sa mis­ère.

Bille n° 3
Plus tôt on se débar­rasse de l’identification liée à la dédi­cace, plus vite on com­mence le vrai tra­vail.
(Lin­da Lewkowtcz)

Coup de fil à Piemme, 30 juil­let 2002

L. L.: C’est vrai ?
J.-M. P.: Qu’est-ce qui est vrai ? Tu ne peux pas être plus claire ?
L. L.: Chaque texte que tu as écris pour un acteur n’a rien à voir avec sa vie réelle ?
J.-M. P.: L’acteur et le rôle ne tien­nent l’un à l’autre que par la capac­ité du pre­mier à trans­met­tre le sec­ond. A par­tir de leur expéri­ence du jeu, je fais un pari sur leur imag­i­naire, sur la pos­si­bil­ité de voir l’autre en eux nour­rir l’imaginaire du texte.

Pietro Piz­zu­ti : Toréadors a été écrit pour nous.
Alexan­dre von Sivers : Oui, mais encore une fois, sans tenir compte de notre psy­cholo­gie ou de notre « être pro­fond ».
Pietro Piz­zu­ti : Non bien enten­du, Piemme a tra­vail­lé sur les oppo­si­tions entre un type qui vient du Nord (Russe blanc) et un autre qui vient du Sud (Ital­ien).
Cela com­mence par là.

Toréadors
Six scènes. A tra­vers la ren­con­tre de deux per­son­nages dont l’un abuse l’autre qui l’a aidé, la pièce brasse, ramasse et jette quelques para­dox­es provo­ca­teurs. Là où on lave le linge sale, deux per­son­nes lavent le leur et celui du monde. Une his­toire où la rou­blardise tient lieu de bous­sole, où la dialec­tique le dis­pute à l’humour.

Coup de fil du 30 juil­let 2002, suite

L. L.: Mais pour­tant…
J.-M. P.: Pour­tant quoi ? Tu ne peux pas être plus claire ?
L. L.: Pour­tant, Pietro est un fon­ceur, quitte à fon­cer dans le mur et Alexan­dre est plus para­dox­al, réflexif.
J.-M. P.: Oui, il y a de cela dans les per­son­nages.

Retourn­er sa veste

« Durant l’été 1986, j’ai mis une feuille dans ma machine à écrire et j’ai tapé une dizaine de pages, sans savoir ce que cela allait don­ner. De fil en aigu­ille, je me suis aperçu que j’avais écrit ma pre­mière pièce de théâtre7, Neige en décem­bre. » En 1986, Jean-Marie Piemme a donc retourné sa veste de « dra­maturge alle­mand » pour étren­ner celle de « dra­maturge grec » : auteur de pièces de théâtre. En seize ans, plus de trent­edeux titres (j’ai comp­té moi-même cet été) ont suivi le pre­mier. Trente-deux, sans compter que l’œuvre de Piemme est une infinie vari­a­tion sur des thèmes qui revi­en­nent. Un texte enchaîne et con­tient le suiv­ant. On par­le de ver­sions, de volets, de suite, de réécri­t­ure… Pour l’heure, per­son­ne ne con­naît l’œuvre dans son entièreté, pas même l’auteur (je le lui ai demandé moi-même cet été). « D’une cer­taine façon, cette expéri­ence de réécri­t­ure cor­re­spond assez fidèle­ment à mon idée de l’écriture comme sys­tème infi­ni de vari­a­tions, un peu à la façon dont un comé­di­en varie son jeu d’une représen­ta­tion à l’autre8. » On n’y échappe pas, tout part de l’acteur et tout y revient. Pour l’avoir, durant des années, côtoyé, regardé et con­seil­lé, l’acteur est donc devenu « la » préoc­cu­pa­tion de l’écriture dans sa forme, son style, son souf­fle, son énon­cé… D’ailleurs, il n’y a pas un entre­tien ou un texte théorique où l’auteur par­le de son œuvre sans revenir, sys­té­ma­tique­ment, à ceux qui ont pour mis­sion de faire son­ner et réson­ner ses mots.

Bille n° 4
Le théâtre de Piemme a plus besoin de l’humilité de l’acteur que de l’intelligence des met­teurs en scène.
(Jean-François Politzer)

François Beuke­laersm9 : Quand j’ai lu Neige en DÉCEMBRE, j’étais amoureux dès les pre­miers mots. Et en 1987, c’était quelque chose de tout à fait nou­veau, quelqu’un qui donne à une actrice l’occasion de dire : « Il faut camper ici la femme du pro­fesseur… ». Ce glisse­ment de l’acteur au per­son­nage, pour un acteur, est un vrai cadeau. Cette matière-là, j’avais envie de la tra­vailler.

« Il faut camper ici la femme du pro­fesseur, un rôle par­ti­c­ulière­ment dif­fi­cile tant le secret habite le per­son­nage. On ne sait pas grand-chose d’elle. On l’a tou­jours vue avec lui, c’est tout. Elle n’est pas née, elle n’a pas eu d’enfance, n’a gran­di nulle part. Elle sur­git un jour de mai, déjà aux aguets…»
(Neige en décem­bre)

Jean-François Politzer : Chez Brecht l’acteur mon­tre qu’il est acteur, chez Piemme il le dit. Mais à par­tir du moment où l’actrice dit qu’elle est actrice, elle doit l’être. Elle doit avoir un jeu à ce point con­va­in­cant qu’on en oublie quelle est actrice… C’est assez para­dox­al, non ?

Neige en décem­bre
Sur un fond de guerre civile, les vis­ages du renon­ce­ment et de la trahi­son. Pour con­stater cette fail­lite de mai 68, fail­lite d’un genre d’intellectuel européen, Piemme avait en tête le philosophe marx­iste Louis Althuss­er : intel­lectuel remar­quable et assas­sin de sa femme.

Bille n° 5
Quand un théâtre a des pattes, c’est pour que l’acteur campe et ancre sa parole dans le sol des réal­ités… du plateau !
(Lin­da Lewkaw­icz)

Il est passé par ici, il repassera par là

« Je ne pou­vais plus accom­plir ma fonc­tion de dra­maturge. Les modal­ités de l’écriture dra­maturgique me parais­saient incom­pat­i­bles avec l’écriture dra­ma­tique10. » Ain­si, Piemme aban­donne ses fonc­tions de l’ombre et porte, à bout de doigts, toute sa lumière sur l’écriture de fic­tion. De l’été 87 à l’été 2002, de Neige EN DÉCEMBRE à PASSION SELON MARGUERITE (ver­sion non défini­tive. Titre pro­vi­soire)11, l’eau a coulé sous le pont de la dra­maturgie entraî­nant avec elle toutes cer­ti­tudes con­cer­nant la représen­ta­tion. Inutile, à mon sens, de chercher un « style Piemme », il y en aurait autant que de pièces. « Je tire beau­coup de prof­it à tra­vailler simul­tané­ment sur plusieurs pièces… Ce que je n’arrive pas à résoudre dans une pièce se résout par­fois dans l’autre sans que je l’aie expressé­ment cher­ché12. » En plus prosaïque, on peut dire que son théâtre pro­téi­forme a des « pattes » … et s’il a des pattes, c’est aus­si parce qu’il a du mus­cle13.
Stéphanie Sphyras : Flaubert dis­ait : « J’aime les œuvres où l’on voit le mus­cle à tra­vers le linge et qui marchent pieds nus. » Jean-Marie Piemme, c’est un peu ça, il est dif­fi­cile d’en par­ler, on est tou­jours à côté.

Pas­sion selon mar­guerite
Au début de la pièce, Mar­guerite est enceinte, elle se pré­pare aux douleurs de l’enfantement. Dis­simulés dans l’entrebâillement de la porte, un peu gênés de n’avoir rien fait quand on avait besoin d’eux, ses amants d’autrefois : Faust et Mephis­to.

Bille n° 6
Pour pass­er en douceur d’un reg­istre de jeu à un autre, des exer­ci­ces d’assouplissement sont req­uis.
(Lin­da Lewkow­icz)

Coup de fil à Piemme, 10 juil­let 2002

L. L.: Alors, Flaubert ?
J.-M. P.: Quoi Flaubert ?
L. L.: Que pens­es-tu de ce lien inat­ten­du ?
J.-M. P.: C’est physique, con­cret et ça me plaît bien. Et s’il a du mus­cle, il a du ressort…

Jean-François Politzer : Je viens de lire Boxe14… Mais quelle mobil­ité dans l’écriture ! Et quelle sou­p­lesse cela deman­dera aux acteurs pour pass­er d’un reg­istre à un autre. Ici, se pose la ques­tion du dédou­ble­ment des boxeurs et du dé-triple­ment des Olgas, les femmes. Il y a de longues tirades, du mul­ti­mé­dia… Piemme est aus­si un spec­ta­teur, il sait que les écrans de télé sont sou­vent employés, il a déjà vu des spec­ta­cles avec des comé­di­ennes qui por­tent la même per­ruque, tout cela n’est pas nou­veau… Il faut donc s’interroger sur le sens de sa propo­si­tion.

Boxe
Racon­te la dégringo­lade d’un boxeur déchu, après s’être pris pour Cas­sius Clay en per­son­ne. Au plan formel, deux acteurs sup­posés représen­ter le même per­son­nage se parta­gent le texte du boxeur, et trois actri­ces, celui de sa femme Qlga. C’est une poly­phonie qui ouvre sur des pos­si­bil­ités chorales.

Tourn­er sept fois sa langue, etc.

De pièce en pièce, mal­gré l’impossibilité de pouss­er son théâtre dans de petites cas­es ras­sur­antes, on lui trou­ve quelques thèmes ou motifs récurents : l’effondrement des utopies, la trahi­son, les rap­ports de force, les jeux de pou­voir, la vul­gar­ité d’une époque et de ses hommes poli­tiques, la faib­lesse du sen­ti­ment, la bêtise, le rejet des moutards, la lâcheté devant son pro­pre désir, la ques­tion de l’identité… Et, de pièce en pièce, ce que l’on repère immé­di­ate­ment, c’est une façon de tourn­er sa langue qui finit par impos­er une façon de jouer. Je dirais que les per­son­nages par­lent « comme dans les livres », mais ici avec des phras­es et des dis­cours qui dépassent sin­gulière­ment leur con­di­tion sociale. Phras­es lap­idaires, faites de dic­tons (évidem­ment) inven­tés, phras­es par­fois sen­ten­cieuses (tout le monde ne partage pas cet avis) pour dire une pen­sée com­plexe qui ne s’appréhende pas du pre­mier coup.

Bille n° 7
Chaque jour, il faut ques­tion­ner les fon­da­tions de la veille et en con­stru­ire d’autres plus fines, plus justes. Il faut, se ren­dre disponible à ce qui se passe, là, dans l’instant, se laiss­er tra­vers­er par l’écriture et jouer avec. Pro­gres­sive­ment, il se con­stru­it une struc­ture per­me­t­tant de faire vivre le texte. Elle est frag­ile, il faut sans cesse la réin­ven­ter.
(Stéphanie Sphyras)

« Vive le lan­gage, vive l’usage un peu com­plexe de la langue, vive la richesse et la diver­sité du vocab­u­laire, vive les syn­tax­es sophis­tiquées. Ça ne par­le pas à tout le monde ? Tant pis. Je le regrette. Je regrette plus encore l’analphabétisme ambiant qui nous a déjà dévoré la moitié du crâne15. »

Janine God­i­nas : La struc­tura­tion de sa pen­sée le rend par­fois peu acces­si­ble à un pub­lic habitué à une cul­ture facile. Mais je suis per­suadé que le spec­ta­teur s’enrichit parce que Piemme ne racon­te pas une his­toire qui se ter­mine bien. Il réu­nit des élé­ments qui font que la réflex­ion se pose et puis, ça se ter­mine en point de sus­pen­sion.

Bille n° 8
On ne peut pas aller dans l’atelier cos­tumes et créer son per­son­nage. Ça c’est impos­si­ble avec Piemme. Il faut d’abord entr­er dans le texte. Une fois le texte en bouche, une fois que l’on sait où l’on va, alors seule­ment, il est temps de pro­duire quelque chose.
(Janine God­i­nas)

Coup de fil à Piemme, 16 août 2002

L. L.: Je ne suis pas cer­taine qu’avec une langue aus­si com­plexe, on puisse par­ler à tout le monde ?
J.-M.. P.: Et cepen­dant, j’écris pour tous et je regrette que les con­di­tions sociales empêchent une grande par­tie de la pop­u­la­tion de se savoir des­ti­nataire de mon théâtre.

Jean-François Politzer : Un texte impor­tant ne se donne jamais à la pre­mière lec­ture ou écoute. Sou­vent, les met­teurs en scène de Piemme oscil­lent entre un ver­sant froide­ment intel­lectuel ou un ver­sant « jeté ». Soit ils pro­posent de ralen­tir le débit, pour bien faire enten­dre le texte et en faire un théâtre des oreilles, ou alors ils font dans la for­mal­i­sa­tion plus ou moins « éner­gisée ». Quelque chose n’a pas été enten­du ou seule­ment de manière frag­men­taire.

Stéphanie Sphyras : Il y a des moments où le texte de Piemme résonne avec force et évi­dence, il coule, musi­cal, drôle, sen­suel, et d’autres où il se rétréc­it pour ne devenir qu’une laborieuse anec­dote. Une écri­t­ure riche, com­plexe et poé­tique qui nous dit de vivre l’instant présent, d’ouvrir les yeux et de regarder le monde. Elle me dit de ne pas tout vouloir saisir, expli­quer, définir. Elle m’incite à laiss­er aux choses leur part de mys­tère. Elle me par­le de la mul­ti­plic­ité de l’être. Elle développe mon regard cri­tique, m’apprend l’audace, m’incite à jouir de l’instant présent.

Pietro Piz­zu­ti : Si je peux me per­me­t­tre, Toréadors avance par asso­ci­a­tion d’idées et chaque idée est dévelop­pée dans l’argumentation, non ?
Alexan­dre von Sivers : C’est de la con­ver­sa­tion à bâtons rom­pus, de l’analyse par libres asso­ci­a­tions…
Pietro Piz­zu­ti : C’est le plaisir de la tchatche et celui de refaire et de com­menter le monde qui les tient en scène, de scène en scène, jusqu’à la fin.
Alexan­dre von Sivers : Oui, mais cela s’appuie tou­jours sur du con­cret, du jouable.
Ni plus ni moins amer…

Lin­da Lewkow­icz : Je trou­ve son théâtre tou­jours très amer…
Pietro Piz­zu­ti : Oh mais alors, amère, comme quelqu’un qui en est. Quelqu’un qui regarde la société.
François Beuke­laers : Piemme est préoc­cupé par le monde dans lequel nous vivons. Il essaie de com­pren­dre le com­ment et le pourquoi nous en sommes arrivés là.
Alexan­dre von Sivers : Et puis, il y a peut-être des raisons…
Pietro Piz­zu­ti : Ah oui, ah oui et com­ment.
Lin­da Lewkow­icz : Mais la pen­sée est si som­bre…
Alexan­dre von Sivers : Est-ce la pen­sée qui l’est ou la sit­u­a­tion ?
Pietro Piz­zu­ti : C’est ça, Piemme ne fait qu’analyser ce qu’il voit.
Lin­da Lewkow­icz : Bon, je dois me tromper.

Bille n° 9
Quel que soit le sen­ti­ment que vous inspire cette écri­t­ure, quel que soit l’état dans lequel cela vous met, il ne faut pas le jouer.
(Lin­da Lewkow­icz)

Coup de fil du 31 juin 2002

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Écrit par Linda Lewkowicz
Anci­enne rédac­trice en chef du mag­a­zine Scène – La Bel­lone. En 2010, elle a mis un pied dans...Plus d'info
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Jean-Marie Piemme-Couverture du Numéro 75 d'Alternatives Théâtrales
#75
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Jean-Marie Piemme

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12 Oct 2002 — COMMENT ÉCRIRE sur la Belgique, comment représenter la Belgique sur une scène, comment faire vivre un texte fait essentiellement d’allusions…

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Par Isabelle Dumont et Cécile Michel
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