Le cri, le temps et le sourire

Le cri, le temps et le sourire

Entretien avec Sylvie Bâillon de la compagnie Ches Panses vertes

Le 1 Avr 2002

A

rticle réservé aux abonné·es
Article publié pour le numéro
Voix d'auteur et marionnettes -Couverture du Numéro 72 d'Alternatives ThéâtralesVoix d'auteur et marionnettes -Couverture du Numéro 72 d'Alternatives Théâtrales
72
Article fraîchement numérisée
Cet article rejoint tout juste nos archives. Notre équipe le relit actuellement pour vous offrir la même qualité que nos éditions papier. Pour soutenir ce travail minutieux, offrez-nous un café ☕

Philippe Rodriguez-Jor­da : Pour vous, qu’y a‑t-il au tout début d’une envie de mise en scène ?

Sylvie Bâil­lon : L’idée, l’impulsion qui pré­side tou­jours, c’est de ren­dre compte du choc que j’ai eu. C’est ce choc-là qui me guide. Ce n’est pas ce que je pour­rais dire avec un texte. C’est juste ren­dre compte que « ça » m’a causé, et com­ment je peux en ren­dre compte. C’est une émo­tion… Je crois que ne sais pas agir autrement. J’ai trou­vé que La SCIE PATRIOTIQUE de Nicole Cali­garis racon­tait pré­cisé­ment l’état dans lequel j’étais. Moi je suis inca­pable de mots. Inca­pable, vrai­ment. Ça, il faut l’admettre. C’est pour cela que quand je mets en scène, j’ai l’impression d’écrire.
À l’époque, j’étais dans un cri. C’est para­dox­al parce que c’est un texte très long… Com­ment le dévelop­per sur un temps ? Tu as la pre­mière émo­tion, et puis après tu as le tra­vail. Après, on se donne des jus­ti­fi­ca­tions pour que cela soit présentable.

P. R.-J. : Est-ce que le tra­vail sert à retrou­ver la pre­mière émo­tion ou bien à l’entretenir ? Est-ce qu’elle est tou­jours là ?

S. B. : Elle est tou­jours là. Enfin, sur ce tra­vail par­ti­c­uli­er, cela a tou­jours été là.

P. R.-J. : Ça sert à la cul­tiv­er en fait, à la dévelop­per…

S. B. : Oui. Parce que les met­teurs en scène sont des inter­prètes et on ne se con­tente que de cela.

P. R.-J. : C’est-à-dire ?

S. B. : S’il y avait un sens par texte, quelqu’un en ferait la mise en scène et puis voilà tout. Ce sont tou­jours des inter­pré­ta­tions que l’on con­stru­it parce qu’il y a plusieurs sens dans un texte de toute façon. Et puis cela dépend aus­si de la posi­tion philosophique que tu as dans la vie. Il y a des moments où tu vas inter­préter un texte de telle façon et puis à d’autres moments de telle autre. Sinon, un met­teur en scène ne pour­rait pas faire plusieurs mis­es en scène du même texte, comme l’a fait Antoine Vitez. C’est lié au temps.
Je crois de plus en plus que nous sommes des tra­vailleurs du temps. Tiss­er les dif­férents temps de chaque per­son­ne qui inter­vient sur la con­struc­tion d’un spec­ta­cle est une des choses qui me préoc­cupe le plus. Le temps de l’auteur, du comé­di­en, le temps du scéno­graphe, du musi­cien, du con­struc­teur… Ils ne sont jamais les mêmes.
Et le théâtre, c’est aus­si don­ner un ren­dez-vous pré­cis, c’est du temps avec un grand T. Tout cela se voit : un spec­ta­cle que l’on a répété trois semaines, ce n’est pas la même chose qu’un spec­ta­cle que l’on a répété trois mois. Après, il y a des choses qui se tis­sent, qui sont dans le spec­ta­cle, et que l’on n’énonce pas for­cé­ment, qui font par­tie de l’écriture. Comme, de plus en plus, on ne nous per­met pas de répéter longtemps, on a de plus en plus de spec­ta­cles qui reposent sur un savoir-faire et qui ne reposent pas sur ces tis­sages sub­tils du temps que l’on passe ensem­ble. D’une recherche spir­ituelle.
C’est pour ça que pour moi le théâtre est un acte poli­tique. Parce que l’on se bat con­tre ce qui nous con­traint le plus, c’est-à-dire la course con­tre la mon­tre. Alors que le théâtre est aux antipodes de cela.

P. R.-J. : Et si l’auteur était un inter­prète lui aus­si, il le serait de quoi ?

S. B. : Il donne une représen­ta­tion pos­si­ble du monde. Donc une inter­pré­ta­tion. J’ai appris en tra­vail­lant que nous nous con­stru­isons tous des représen­ta­tions du monde et que c’est grâce à la con­fronta­tion de ces mon­des que les échanges sont pos­si­bles. Il n’y a pas de réal­ité. Dès que l’on se met à par­ler, on organ­ise, on est dans la représen­ta­tion. Après, ce qui nous dif­féren­cie de nos prédécesseurs, c’est que les gens arrivaient plus ou moins à se met­tre d’accord sur une représen­ta­tion com­mune du monde. Main­tenant non. On défend cha­cun la sienne… Ce qui peut amen­er au ghet­to, à des con­fronta­tions dures. Mais ça peut amen­er à l’inverse, à la tolérance.

A

rticle réservé aux abonné·es
Envie de poursuivre la lecture?

Les articles d’Alternatives Théâtrales en intégralité à partir de 5 € par mois. Abonnez-vous pour soutenir notre exigence et notre engagement.

S'abonner
Déjà abonné.e ?
Identifiez-vous pour accéder aux articles en intégralité.
Se connecter
Accès découverte 1€ - Accès à tout le site pendant 24 heures
Essayez 24h
2
Partager
auteur
Écrit par Rodriguez-Jorda Philippe
Philippe Rodriguez-Jor­da est mar­i­on­net­tiste et coor­di­na­teur péd­a­gogique de l’École Nationale Supérieure des Arts de la Mar­i­on­nette.Plus d'info
Partagez vos réflexions...
Précédent
Suivant
Article publié
dans le numéro
Voix d'auteur et marionnettes -Couverture du Numéro 72 d'Alternatives Théâtrales
#72
avril 2002

Voix d’auteurs et marionnettes

2 Avr 2002 — LA fille se balançait d’un pied sur l’autre. On la poussa un peu. Voir. Jusqu’à quel point elle se laissait…

LA fille se bal­ançait d’un pied sur l’autre. On la pous­sa un peu. Voir. Jusqu’à quel point elle…

Par Nicole Caligaris
Précédent
1 Avr 2002 — « L’assiette » mange tu dis m’langue mangem’langue ma m’languetient dans l’assiettetient dans l’assiette que tu tiensd’une main(les doigts sont…

« L’assiette » mange tu dis m’langue mangem’langue ma m’languetient dans l’assiettetient dans l’assiette que tu tiensd’une main(les doigts sont accrochés à la cigarette)bord ébréché de l’assiettema m’iangue dans le bouil­lon­re­froi­di pâtes alpha­bet sur le…

Par Michaël Glück
La rédaction vous propose

Bonjour

Vous n'avez pas de compte?
Découvrez nos
formules d'abonnements

Mot de passe oublié ?
Mon panier
0
Ajouter un code promo
Sous-total