ALTERNATIVES THÉÂTRALES : Quels ont été à vos yeux les principaux changements dans le paysage théâtral bulgare de ces dix dernières années ? Sont-ils perceptibles dans l’histoire du Théâtre Sfumato ?
Margarita Mladenova et Ivan Dobchev : La conjoncture idéologique s’est vue remplacée par une conjecture économique. Les élans créateurs libérés doivent désormais se déployer dans un monde orienté par la nouvelle « philosophie du succès » où aucun projet de soutien culturel n’est en cours d’élaboration. Ce qui prime, n’est plus la qualité des spectacles, mais leur nombre et leur rentabilité.
Nous avons créé le ThéâtreLaboratoire Sfumato en 1989 pour proposer une alternative au théâtre conventionnel. Depuis dix ans maintenant, nous travaillons pour résister à la conception du théâtre-marchandise. Parce que nous sommes et voulons rester les seuls créateurs de nos idées, notre théâtre doit chaque jour lutter pour ne pas se détourner de ses recherches au profit d’un instinct de survie élémentaire. Le travail du Laboratoire s’est trouvé en plus grande sécurité depuis qu’il a changé de statut pour devenir en 1995 un théâtre d’État. Nous avons également modifié notre mode de fonctionnement : les membres de la compagnie n’ont plus un contrat permanent mais un contrat à durée déterminée.
Alternatives théâtrales : Comment se sont noués vos rapports avec les programmateurs occidentaux ? Travailler en rapport avec des gens de théâtre de l’Ouest a‑t-il modifié vos façons de procéder ?
Margarita Mladenova et Ivan Dobcher : Si nous avons pu tisser un réseau international, c’est grâce à l’intérêt et au soutien que nous avons reçus de l’Ouest, auprès de certaines institutions mais aussi auprès de festivals, de programmateurs, de critiques et d’artistes. En 1991, des Français sont venus à Sofa et ont invité deux de nos spectacles TÉMOIGNAGES DE LA LUMIÈRE AU TEMPS DE LA PESTE et P.S. à participer au Festival d’Automne à Paris. Cette invitation s’est faite notamment grâce au soutien chaleureux que lé critique Jean-Pierre Thibaudat nous a immédiatement apporté.
En 1995, Bernard Faivre d’Arcier, Nele Hertling et Charles Tordjman entre autres, se sont rendus en Bulgarie pour assister à une représentation d’ONCLE VANIA, mis en scène par Ivan Dobchev et aux TROIS SŒURS mis en scène par Margarita Mladenova. À la suite de leur venue, nous avons été invités au festival « Passages » de Nancy. Nous avons également effectué une série de sept ateliers sur Tchékhov et Pouchkine qui ont abouti à deux spectacles : LA CERISAIE qui a été créé au Festival d’Avignon en 1996, puis représenté 90 fois dans trente théâtres en France, et LE PETIT POUCHKINE créé à Mâcon en 1997 ; puis encore un stage au Conservatoire Nationale d’Art Dramatique de Paris qui eut pour résultat le spectacle NOCES DE SANG d’après Lorca ; et enfin un atelier à Madrid sur Tchékhov, suite à l’invitation du Président de l’Institut du théâtre méditerranéen, Jose Montleon.
De même, nous avons tourné dans de nombreux pays nos deux spectacles : L’HERBE FOLLE d’après Jordan Raditchkov et APOKRYPHE. Nous avons en effet participé à la Biennale de Bonn, aux semaines théâtrales de Vienne, à la Convention théâtrale européenne à Luxembourg — capitale européenne de la culture, à Torun en Pologne, à Sibiu en Roumanie, à Bitolja et Skopje en Macédoine, à Theater der Welt à Berlin, au Festival d’été de Hambourg, etc.
Quant au projet que nous présentons cette année 2000 à Avignon, il a été élaboré dans le cadre de THEOREM et réalisé en coproduction avec Le Festival d’Avignon, le Hebbel-Theater à Berlin et le Festival d’été de Hambourg.
Alternatives théâtrales : Quels ont été les apports positifs, Les apports négatifs de cette mise en contact ?

