Les tics du théâtre

Compte rendu

Les tics du théâtre

Le 25 Juin 2016
LA MOUETTE Mise en scène Thomas Ostermeier. Photo © Arno Declair.
LA MOUETTE Mise en scène Thomas Ostermeier. Photo © Arno Declair.
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Il y a  une part d’auto-critique conçue comme un exu­toire dans l’hilarant pas­sage de La Mou­ette dans la mise en scène de Thomas Oster­meier où Matthieu Sam­peur, puis­sant inter­prète du jeune dra­maturge Tre­plev, énumère les tics et habi­tudes du théâtre d’aujourd’hui. Il le dit dans un micro, ce qui est aus­si une façon assumée et drôle de dénon­cer un tic et une habi­tude du théâtre d’aujourd’hui. Ce pas­sage, qui n’est pas sans rap­pel­er le texte de Roland Barthes La Mal­adie du cos­tume de théâtre, nous fait pren­dre con­science que le théâtre peut à tout instant plonger dans les tra­vers qu’il dénonce : « remon­ter les vieux clas­siques » « met­tre les acteurs en slip » abuser des scéno­gra­phies « éclairées au néon… »… Ce qui est sig­ni­fi­catif chez Oster­meier, c’est d’une part la capac­ité des acteurs à être à la fois dans une engageante véloc­ité et le détache­ment, mais aus­si, leur propen­sion à mon­tr­er que cette moder­nité s’use à une vitesse éclaire comme le drame intime qui tra­verse la vie des per­son­nages de Tchekhov. Au théâtre comme au ciné­ma les effets spé­ci­aux fasci­nent d’abord et devi­en­nent très vite dépassés ou, au ser­vice du même effet, con­damnant le sens aux stig­mates de l’innovation. Dans d’autres spec­ta­cles, et sou­vent à l’opéra, on pour­rait y ajouter les caméras in situ qui fil­ment in situ un chanteur  nous lais­sant entrevoir que l’intégralité de sa den­ti­tion est en par­fait état, l’éclairage subit du pub­lic au risque de l’éblouissement ou de la céc­ité tem­po­raire imposée à tous… Ari­ane Mnouchkine n’hésite pas à rap­pel­er à ses acteurs avant qu’ils entrent en scène «  n’oubliez pas qu’il y a des spec­ta­teurs qui vien­nent ici pour la pre­mière et peut-être pour la dernière fois ».

Sommes-nous les seuls à rire devant cette auto-déri­sion, sommes-nous les seuls à nous recon­naitre dans une séman­tique théâ­trale qui se fait écho ou tous les spec­ta­teurs ont-ils les moyens de percevoir les signes déjà fatigués de la moder­nité. J’opterai pour la deux­ième hypothèse. La scène reste une mise à l’épreuve vis­i­ble de ses tra­vers comme de ses qual­ités, le plateau de théâtre met­tant à jour indépen­dam­ment de ses inno­va­tions l’aveu de ce qui  a déjà été éprou­vé.

À propos du même spectacle, retrouvez la critique de Georges Banu.
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Théâtre
Ostermeier
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Serge Saada
Auteur et essayiste, Serge Saada enseigne le théâtre et la médiation culturelle à l’université Paris...Plus d'info
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