Le retour du théâtre à la scène à l’italienne : Chéreau et Wilson

Le retour du théâtre à la scène à l’italienne : Chéreau et Wilson

Le 3 Juil 1982
Edison de Robert Wilson - Décors Robert Wilson et Tom Woodruff - Photo Bernard
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Scénographie images et lieux-Couverture du Numéro 12 d'Alternatives ThéâtralesScénographie images et lieux-Couverture du Numéro 12 d'Alternatives Théâtrales
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Unmétaphore heureuse

L’avène­ment de la scène à l’i­tal­i­enne c’est celui de l’homme de théâtre en tant que con­science face au monde. 11n’y est plus immergé. Mais, sa capac­ité de pro­pos­er une image total­isante du monde vient aus­si de son statut d’artiste con­tem­po­rain de la mon­tée d’une classe dont le pou­voir est de nature cen­tral­isatrice. L’artiste, lui, enracine dans l’imag­i­naire col­lec­tif une nou­velle image du monde dont la con­créti­sa­tion par­faite est la scène à l’i­tal­i­enne, métaphore géniale du rap­port de l’homme au monde.

Dans l’u­nivers de la Renais­sance qui devient humain et cesse d’être divin, la con­science de l’artiste, en l’oc­curence de l’homme de théâtre, et celle du monde emprun­tent un même tra­jet car l’im­age du monde d’un groupe s’im­pose sans déchire­ment à·l’ensemble de la société. L’é­conomique, les con­cepts, l’imag­i­naire, s’or­gan­isent à par­tir d’une image focal­isée du réel tout comme la scèr_ie à l’i­tal­i­enne. Ils se for­gent simul­tané­ment.

Pro­pos­er une vision total­isante du monde, comme le tait la per­spec­tive ital­i­enne, risque d’ou­vrir la porte à une ratio­nal­i­sa­tion dévo­ra­trice qui réduit l’imag­i­naire à un acces­soire, alors qu’on espérait qu’il tusse le fon­da­teur du nou­v­el ordre humain.

La ratio­nal­i­sa­tion-divi­sion

La renais­sance trans­forme en objet l’u­nivers, dont le seul sujet devient l’homme réduit à unepen­sée ratio­nal­isante. Elle por­teengerme le cap­i­tal­isme, qui se tonde à par­tir du proces­sus le plus rudi­men­taire de ratio­nal­i­sa­tion : la divi­sion, divi­sion entre pou­voir et pro­duc­tion, entre pen­sée et action, entre art et société, entre imag­i­naire et réal­ité sociale. On pour­rait allonger la liste sur des mil­liers de pages mais, le résul­tat pour l’artiste, c’est que sa fonc­tion est désamor­cée du pou­voir et désamor­cée de la réal­ité sociale. Plus ques­tion de forg­er un univers com­mun. Tous les élé­ments de ce sys­tème se dévelop­pent dans leur pro­pre sphère.

La logique du proces­sus de divi­sion

La tragédie mod­erne peut se pressen­tir comme le tait que la con­science qu’un indi­vidu a de lui-même est la con­science de sa sépa­ra­tion d’avec les autres. On existe par oppo­si­tion aux autres et si par hasard on accepte l’u­nivers de l’autre on se dis­sout en tant que con­science pro­pre. On ne peut être soi qu’en détru­isant l’autre en soi. La dialec­tique pro­fonde du monde mod­erne est là.

L’artiste mû par la con­science de sa sépa­ra­tion d’avec les autres, s’in­ter­roge sur l’ef­fi­cac­ité de sa pro­duc­tion. Com­ment retrou­ver une col­lec­tiv­ité humaine sans s’anéan­tir soi-même ? Plus le proces­sus du cap­i­tal­isme va se clar­i­fi­er, plus l’analyse que les hommes vont en faire va se puri­fi­er de ses par­a­sites human­i­taristes.
Face à un cap­i­tal­isme de plus en plus cohérent, naît une analyse du monde qui se présente comme de plus en plus rigoureuse : l’analyse marx­iste. A la ratio­nal­i­sa­tion de l’u­nivers cor­re­spond la ratio­nal­i­sa­tion de la lutte. Face à une idéolo­gie de la divi­sion va se con­stituer une idéolo­gie de lutte basée , elle aus­si, sur la divi­sion : la lutte de class­es. Le marx­isme naît du cap­i­tal­isme, il a le même sché­ma struc­turel. Il pare au plus pressé : la survie physique des indi­vidus. Mais il ren­force l’idéolo­gie de la divi­sion et de la rup­ture. Il ne change donc pas la prob­lé­ma­tique fon­da­men­tale du monde mod­erne : sec­ouper d’une par­tiedu monde, rompre pour sur­vivre. L’idéolo­gie de la divi­sion l’oblige à assim­i­l­er cap­i­tal­isme et pou­voir, cap­i­tal­isme et bour­geoisie.
Or le pou­voir est un des rouages du sys­tème cap­i­tal­iste dont la force vicieuse réside juste­ment dans le tait qu’il implique le pou­voir autant que le non-pou­voir dans son fonc­tion­nement. Les multi­na­tionales sont pris­on­nières de la logique du sys­tème autant que le bal­ayeur noir du métro de Paris.

La néces­sité de retrou­ver une unité quelque part appa­raît comme de plus en plus urgente. C’est à par­tir de l’idéolo­gie de la lutte de class­es, qui implique le proces­sus de divi­sion-rup­ture, que doit se com­pren­dre l’his­toire mod­erne de la scène à l’i­tal­i­enne et donc le pourquoi du retour du théâtre à la scène à l’i­tal­i­enne.

Au moment même où l’in­stru­ment-scène à l’i­tal­i­enne arrive à la per­fec­tion, il est vidé de sa néces­sité exis­ten­tielle. Il con­tin­ue d’être la métaphore des rap­ports de l’homme au monde, des rap­ports des hommes entre eux, mais con­traire­me’nt à la Renais­sance, il appa­raît main­tenant comme métaphore de la divi­sion.

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