« Les marionnettes incarnent une vérité qui ne meurt jamais »

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« Les marionnettes incarnent une vérité qui ne meurt jamais »

Le 11 Nov 2000
HERBARIUM, mise en scène Leszek Madzik, 1973.
HERBARIUM, mise en scène Leszek Madzik, 1973.
HERBARIUM, mise en scène Leszek Madzik, 1973.
HERBARIUM, mise en scène Leszek Madzik, 1973.
Article publié pour le numéro
Le théâtre dédoublé-Couverture du Numéro 65-66 d'Alternatives ThéâtralesLe théâtre dédoublé-Couverture du Numéro 65-66 d'Alternatives Théâtrales
65 – 66
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La notion de mar­i­on­nette me sem­ble assez lim­itée. Je préfère en général utilis­er le terme plus large de man­nequin qui com­prend l’idée de poupée. Une mar­i­on­nette est une per­son­ne objec­tivée, ce qui implique qu’un organ­isme humain (une per­son­ne) est mort et se trans­forme alors en mar­i­on­nette. La mar­i­on­nette fait pass­er un mes­sage sur un humain, présent dans son immo­bil­ité (une fig­ure sculp­tée).

Les mar­i­on­nettes dans mes spec­ta­cles valent comme métaphores du corps humain. La présence de fig­ures mortes véhicule un mes­sage sur l’homme. Le silence en dit plus que les mots.

La pre­mière fois que j’ai décou­vert la mar­i­on­nette, c’était en assis­tant au spec­ta­cle CALLING FOR BREAD du Bread and Pup­pet de Peter Schu­mann qui se pro­dui­sait à Wro­clav dans la Pologne des années 1970. Son influ­ence est très forte­ment vis­i­ble dans mes pre­miers spec­ta­cles. J’avais à cette époque un grand besoin de trou­ver mon pro­pre lan­gage, mes ori­en­ta­tions per­son­nelles et le ter­ri­toire que je voulais explor­er. Dans un pre­mier temps, j’ai beau­coup util­isé les masques. Je me suis ensuite davan­tage con­cen­tré sur la lumière
et l’espace.

J’ai util­isé la mar­i­on­nette comme une fig­ure mul­ti­ple et éten­due. Dans STIGMA, elle représen­tait l’absolu, elle était faite d’un grand masque et avait aus­si un vis­age. Dans HERBARIUM, j’ai util­isé de grandes mar­i­on­nettes, car je ressen­tais la néces­sité de m’étendre : je voulais que l’espace soit plein de mar­i­on­nettes. Les masques ne me suff­i­saient plus. Les mar­i­on­nettes sont présentes dans cha­cun de mes spec­ta­cles. Elles sont des sym­bol­es, des métaphores.

La ren­con­tre d’un acteur et d’une mar­i­on­nette racon­te le pas­sage du monde de la mort à celui des vivants. C’est l’histoire d’une trans­for­ma­tion. Comme si on arrachait des couch­es suc­ces­sives. Dans ANTIGONE, la méta­mor­phose était le prob­lème de la pièce : on y trou­ve le motif récur­rent du mort prenant la forme de la vie et vice ver­sa. Il y a une évo­lu­tion du proces­sus, une con­struc­tion gradu­elle.

Dans BUÉE, j’utilisais des man­teaux comme des mar­i­on­nettes, des vête­ments morts, qui pas­saient de l’état de mar­i­on­nette à celui de per­son­ne vivante. C’est le mou­ve­ment qui leur don­nait vie. L’acteur dans mon tra­vail ne joue qu’un rôle instru­men­tal. Il est là pour ren­dre vivant un objet. Il se pro­duit un choc poé­tique entre le mort et le vivant, entre la mar­i­on­nette et l’homme.

Les spec­ta­teurs voient une mar­i­on­nette apparem­ment morte, qui se met tout d’un coup à pren­dre vie, à vivre sa vie. Une méta­mor­phose a lieu.

Je ne me sens pas mar­i­on­net­tiste. La mar­i­on­nette, le man­nequin, sont pour moi un moyen d’expression, il me per­met de faire pass­er ce que j’ai à dire. Je m’inspire et j’utilise cer­tains élé­ments du monde de la mar­i­on­nette, mais je porte l’accent avant tout sur l’espace. Ce n’est pas la mar­i­on­nette qui pleure mais l’espace.

Les mar­i­on­nettes incar­nent une vérité qui ne meurt jamais. Un acteur ne dit pas la vérité, il peut pré­ten­dre jouer n’importe quel rôle. Il est embour­bé dans sa nature pro­pre alors que la mar­i­on­nette est authen­tique. Elle ne peut pas suiv­re de fauss­es pistes. Une mar­i­on­nette ne ment pas. Il m’est plus facile d’avoir une rela­tion intime avec une mar­i­on­nette qu’avec un acteur. C’est plus con­va­in­quant, plus vrai, plus direct. Je fais con­fi­ance aux mar­i­on­nettes. Je crois que la mar­i­on­nette a tou­jours fait par­tie et fera tou­jours par­tie du théâtre. Il nous faut tou­jours revenir à la source de la mar­i­on­nette, s’en inspir­er, aujourd’hui autant qu’hier. La mar­i­on­nette peut libér­er nos émo­tions.

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Leszek Madzik
Leszek Madzik est metteur en scène et dirige le Théâtre Scena Plastyczna à Lublin en...Plus d'info
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