Mais qu’est-ce que c’est ?

Compte rendu

Mais qu’est-ce que c’est ?

Le 27 Mai 2016
Photo © Titanne Bregentzer
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Miet War­lop est une artiste qui tra­vaille à la croisée du théâtre et des arts plas­tiques. Dans Mys­tery Mag­net, elle con­stru­i­sait une fresque pro­gres­sive au gré des matières et de ses pro­pres inter­prètes. Elle nous revient avec une per­for­mance qui tient à la fois du con­cert pop-rock et de l’installation vivante. Un par­al­lélépipède blanc occupe le cen­tre et y reçoit autant les ban­der­illes mortelles du torero qu’il sert de sup­port à un étrange Christ en croix… Pen­dant ce temps, les per­cus­sions dévelop­pent leur pro­pre con­cert, les pla­fonds dégouli­nent et les per­formeurs alter­nent entre gui­tares et bat­ter­ies pour finir en un déli­rant cov­er band ! Pul­sé, cha­toy­ant, voy­age dans un délire pas si fou qu’il n’en a l’air…


Mais qu’est-ce que c’est que ce bloc qui se trim­balle sur scène ?

Sup­port d’un piv­ot, table de lévi­ta­tion, tau­reau dans l’arène, Gol­go­tha… Miet War­lop entraine l’imaginaire de son spec­ta­teur au gré d’indices scéniques savam­ment dis­til­lés. La matière brute, plas­ti­cisée par la lumière et les acces­soires, détourne les lois de la représen­ta­tion. Elle force au mime tout en affichant les stig­mates vivants de ses manip­u­la­tions. Le bloc géant est troué, grif­fé tant il est tor­du par les détourne­ments et retourne­ments. Il garde la mémoire de ses expo­si­tions suc­ces­sives pour devenir une sculp­ture de son pro­pre usage. La scène agit sur le poly­styrène comme le burin taillerait dans le mar­bre.

Mais qu’est-ce que c’est que ces cor­dons ombil­i­caux qui relient les instru­ments ?

Chez Miet War­lop, les instru­ments ont une vie pro­pre, reliés à une matrice invis­i­ble qui les ani­me et les nour­rit. Les bat­ter­ies s’animent et se répon­dent, elles for­ment famille et devi­en­nent les com­pars­es du musicien/performeur et plus seule­ment son instru­ment. Les cor­dons mul­ti­col­ores qui les con­nectent, sim­ple­ment pro­tè­gent et ali­mentent. Mais lais­sés à leur épais­seur visqueuse, ils délim­i­tent une irri­ga­tion hor­i­zon­tale bien­tôt rat­trapée par les coulées liq­uides ver­ti­cales qui frap­per­ont cha­cun des tam­bours.

Mais qu’est-ce que c’est que ces vélos ?

D’un tan­dem accroché dans le dos des spec­ta­teurs sur­gis­sent des effets de lumière façon arti­sanat ances­tral. Trit­urée, la lumière est par­tie inté­grante de ce traite­ment fausse­ment banal de la matière. Tournées à la main devant un pro­jecteur, les roues à rayons ten­dus de gélatines de couleur, ou gar­nies de car­tons troués, provo­quent une fête foraine dont l’intensité jubi­la­toire accom­pa­gne les moments les plus pop music. Le défaut de tech­nolo­gie, le savam­ment nég­ligé, ren­voie au traite­ment brut de la scène et à l’exposition per­ma­nente des astuces de l’œuvre en train de se con­stru­ire dans l’atelier offert au regard.

Mais qu’est-ce que c’est que ces bal­lons ?

Pul­sés, ils font une choré­gra­phie ryth­mique et chorale. Miet War­lop fait usage du sol comme d’un élé­ment déto­na­teur de son univers sonore. Les rebonds struc­turés par les mains coor­don­nées des per­formeurs agran­dis­sent de manière sauvage l’écho des per­cus­sions plus organ­isées des instru­ments. Sur les bal­lons, les corps penchés sont plus frag­iles, plus proches du déra­page. Encore une fois, l’usage d’un acces­soire d’une appar­ente sim­plic­ité vient au con­traire épais­sir le rap­port à ce qui est en train de se fab­ri­quer. Ren­due à son aléa­toire lib­erté, une autre sphère aura le loisir de trac­er des courbes mobiles entre les com­posantes sta­tiques du stu­dio mis en scène.

Mais qu’est-ce que c’est que cette machine fontaine ?

D’abord tombée des cin­tres, enfin l’eau jail­lit. La mécanique des flu­ides prend le pou­voir sur le plan visuel comme sur le plan sonore. L’installation s’autonomise en son, en lumière et en mou­ve­ment, tan­dis que les matéri­aux humains, corps occu­pants, sont alors main­tenus dans des rôles de diver­tisse­ment. Ce ne sont plus eux qui con­trô­lent les objets, ils ne font que les entour­er de leur présence et musique ; ils les met­tent en valeur.

Au gré d’un appar­ent délire, sym­pa­thique­ment foutraque et drôle­ment inter­prété, Miet War­lop con­vie à une leçon de choses qui, sans être tout à fait calée encore dans cer­taines de ses propo­si­tions, con­vie le spec­ta­teur à ressen­tir son pro­pre rap­port aux matières qu’elle appréhende sur cette scène faite stu­dio plas­tique. Et en musique et en chan­sons qui plus est, pour ren­dre la chose agréable. A décou­vrir sans boud­er son plaisir.

Après sa création au Kunstenfestivaldesarts, Fruit of Labor sera présenté au Festival Latitudes contemporaines à Courtrai (BE), à La Batie de Genève (CH), au Vooruit de Gent (BE), au Festival Actoral à Marseille (F) et à La Villette à Paris (F). 
Toutes les dates de tournée.
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Benoit Hennaut
Benoît Hennaut est Docteur en lettres de l’ULB et de l’EHESS à Paris. Il est...Plus d'info
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